Leur maison était de taille modeste. Située au milieu d'un jardin et d'une cour extérieure utilisée pour les entraînements, elle était montée sur deux étages. La cuisine, la salle à manger, le salon, la bibliothèque et le bureau du patriarche formaient le premier étage. Le second était constitué de cinq chambres séparées par un long couloir. Elle descendit l'escalier de bois et se dirigea vers le fond de la maison où se trouvait sa destination. Elle toqua à la porte et entra quand on lui en donna l'ordre.
« Vous vouliez me voir, père ? »
Au son de cette voix, il releva la tête de ses papiers sur lesquels il travaillait. Il l'observa de haut en bas, rassuré de ne voir aucune blessure visible. Il restait néanmoins soucieux de l'allure qu'elle avait à son arrivée à son retour. Elle était couverte de poussière et de sang, de la tête aux pieds, les cheveux défaits, le visage marqué par des sillons de larmes. Il avait eu la peur de sa vie. Aïla lui avait ordonné de se rendre dans son antre pour se calmer sinon il lui aurait déjà sauté dessus dès son arrivée pour exiger des réponses afin de soulager son angoisse.
« Que s'est-il passé ? Êtes-vous blessée ?
- Non, ne vous inquiétez pas, père.
- Alors pourquoi étiez-vous couverte de sang ?
- J'ai dû prendre en charge un accouchement difficile. Le bébé était mal positionné et j'ai ouvert le ventre de la mère pour les sauver. Mais j'ai échoué, elle est morte. Et je lui ai promis de veiller sur son fils comme si c'était le mien. »
Elle fixa le sol, culpabilisant d'avoir échoué, rongée par le regret. Son père sourit devant sa mine défaite et la fierté s'empara de lui.
« Votre compassion vous honore, habibti »
Il lui ouvrit grand ses bras et elle accourut pour s'y réfugier. Elle inspira son odeur qui avait le pouvoir de l'apaiser. C'était un homme fort, elle l'avait toujours considéré comme un roc inébranlable. Elle logea sa tête dans le creux de son épaule et lui exprima son inquiétude d'une voix étouffée.
« Vous ne m'en voulez pas ? »
Sa plus grande peur était de le décevoir. Elle le percevait comme son héros, son modèle. Il resserra ses bras autour de son corps.
« Jamais ! Vous êtes ma fille et je suis fier de la femme que vous êtes devenue. Avec votre compassion et votre grand cœur, vous n'aurez pas pu agir autrement. Le vouloir aurait signifié que je renie votre caractère. Or, croyez-moi, je bénis le Tout-puissant pour la fille qu'il m'a donné et la merveilleuse femme que vous devenez jour après jour. Ne vous blâmez pas de ne pas avoir pu la sauver, habibti, si vous n'aviez pas été là, son fils serait mort aussi. Soyez heureuse pour les vies que vous réussissez à sauver et laissez partir ceux qui nous ont quittés. »
Elle soupira de soulagement à l'entente de sa réponse et des larmes perlèrent sous ses paupières. Elle se sentait terriblement émotive, ce soir, et cela commençait à l'agacer.
« Merci, père.
- Votre mère aurait été tellement fière de vous !
- Mais j'aurais été différente si elle était toujours là. Je ne me serais peut-être jamais intéressée à ces gens si elle n'était pas morte dans cet incendie.
- Le pensez-vous ? Vous avez commencé à aller là-bas afin qu'une tragédie comme celle que nous avons connu ne se reproduise plus. Et ce jour-là, vous avez vu tellement de gens mourir, que vous y seriez quand même allée afin que plus personne ne perde sa maman. Et vous l'auriez fait même si la votre n'y avait pas péri.
- Vous avez peut-être raison, nous ne le saurons jamais.
- Et s'appesantir sur le passé ne sert à rien. D'ailleurs, avez-vous réussi ?
- Que donc ?
- À faire en sorte que si un nouvel incendie se déclare, il ne détruise pas à nouveau toute la ville ?
- Oui. J'ai mis en place un système de réservoir d'eau tout autour de la muraille. Si un jour, un incendie s'y déclenche, il suffira d'ouvrir les vannes. Cela inondera les rues et évitera au feu de se propager. Et afin d'éviter aux habitants de perdre à nouveau leurs maisons, j'ai fait en sorte qu'elles soient surélevées pendant la reconstruction ainsi l'eau ne sera pas non plus un problème.
- Astucieux ! »
Elle en rougit de plaisir.
« Merci père !
- Allez vous coucher maintenant, vous tombez de fatigue et une dure journée vous attend demain.
- Père ?
- Oui, mon enfant ?
- Ce qui s'est passé aujourd'hui m'a fait réaliser l'importance de mon travail là-bas. J'aimerais pouvoir continuer d'y aller avant d'être enfermée au palais. Si je vous promets que mes escapades n'impacteront pas mon apprentissage de l'étiquette et des bonnes manières à la cour, m'autorisez-vous à continuer d'y aller ?
- Seulement si cela ne vous perturbe pas dans vos leçons. »
Elle lui sauta au cou, exprimant sa reconnaissance en lui embrassant sa joue.
« Merci père ! Bonne nuit. »
Elle quitta la pièce, le cœur léger et l'esprit tranquille. Cette discussion lui avait procuré beaucoup de bien. Culpabiliser ne servait à rien, elle avait accomplit tout ce qu'elle avait pu. L'important était de mettre en place des solutions pour que cela ne se reproduise plus. Elle se changea et se glissa dans les draps propres de son lit. Elle soupira d'aise et adressa une petite prière au tout-puissant lui demandant de l'aider pour rester forte devant les défis qui l'attendaient. Aïla répétait toujours : « Le tout-puissant ne donne jamais d'épreuves que nous ne pouvons supporter, même si parfois, c'est très dur, il veille toujours à nous montrer le chemin pour nous en sortir ». Et ce soir, elle voulait croire de tout son cœur en ses paroles.
Salim, resté dans son bureau, observa le paysage derrière la fenêtre, un verre de cognac dans sa main droite, la gauche dans la poche de son pantalon. Il en but une gorgée avant de soupirer.
« Ah, ma fille, j'ignore si je dois me sentir inquiet ou comblé que vous soyez devenue ainsi. Une chose est sûre, notre bon roi aura une sacrée surprise quand il vous rencontrera. Espérons que vous ne ferez pas tourner en bourrique tout le personnel du château ... Enfin, nous verrons. »
Il trinqua avec un partenaire invisible et avala le liquide cul-sec. Il rejoignit ensuite sa chambre pour aller se coucher à son tour.
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T01-L'intrépide
Fiksi SejarahLeila ibn Salim Khazar est une très belle jeune fille. Malgré son amour et son respect pour sa famille, son mépris des conventions l'éloigne des rôles dévolus aux jeunes filles de son rang. Dévouée envers son peuple, elle est remarquée par Jamal be...