SABRINA
Je rentrais chez moi tard dans la nuit, Alexander m'avait raccompagné après une soirée un peu trop arrosée. En arrivant à la porte je me souvins que Maya était absente pour affaires et que par conséquent je me retrouvais toute seule pour la nuit. Je me mis sur mes gardes lorsque je ressentie une présence oppressante dans la maison. Ce n'est pas de la paranoïa due à l'alcool ! Il y a bien quelqu'un chez moi.
J'ouvrais la porte avec précaution sans gestes brusques pour ne pas affoler Alexander qui était encore garé devant chez moi. Je lui fais un dernier signe de la main avant d'entrer à l'intérieur. Je referme la porte derrière moi sans un bruit et dépose mon sac à l'entrée.
Puis je me dirige vers le tableau accroché au mur au-dessus de la commode du salon pour prendre le pistolet que j'avais caché, avant de monter à l'étage.
Sur la pointe des pieds j'inspecte les pièces une à une, aucune trace étrangère. Il ne reste plus que ma chambre et après je serais fixée. Je vais vers celle-ci en restant tendue. Aussitôt que je pénètre dans ma chambre je range mon arme. Je connais l'intru qui se positionnait de telle manière à me tourner le dos.
- K, le saluais-je poliment.
- Canari, me rend-il ses respects.
- Que me vaut le plaisir de recevoir le grand patron dans ma modeste demeure ? finissais-je par lui demander après un long silence à nous scruter mutuellement.
- Allons pas de ça entre nous. J'imagine que Bob t'a parlé de ta chance, c'est bien dans cette optique que tu es restée en ville, non ?
J'acquiesce, il est vrai que Bob m'a appelé quelques jours plus tôt pour m'informer de la possibilité d'un échange de bon procédé entre K et moi mais je n'espérais pas que l'occasion se présente aussi vite.
- Quelle est ma mission ?
- Je te donnerai ce genre de détail plus tard. Je voulais juste m'assurer que nous étions toujours sur la même longueur d'onde.
- Bien sûr ! Notre accord tient toujours. Je te rends service et en contrepartie tu me rends ma liberté. C'était bien le deal ?
- C'est exact.
- Alors c'est parfait.
K prend la direction de la porte et je l'entends descendre les escaliers jusqu'à que le son de ses pas ne s'efface dans la nuit et que j'intercepte un chuchotement qui s'évanouie dans la nature « ton copain est un peu trop curieux à mon goût ».
Soudain j'entends un bruit métallique qui résonne au rez-de-chaussée. J'accoure aussitôt pour voir l'étendue des dégâts.
- Alexander, qu'est-ce que tu fais encore là ? le surprenais-je dans la cuisine un bol en main.
- Désolé d'être entré sans frapper mais j'ai entendu un vacarme et la porte était ouverte donc je me suis inquiété. Quelqu'un est entré par effraction ?
Je lui souris avec nostalgie, bien que lui ne comprendra le sens de ce sourire bien plus tard, moi je sais que ce geste en ces circonstances, en cet instant, était de mise.
- Ne t'inquiètes pas, ce n'était qu'un changement de vent, lui répondis-je.
Il me regarde sceptique avant de rentrer définitivement chez lui pour la nuit.
Ce soir avait complètement changé ma perception de la situation actuelle. K étant selon mes plans supposé me proposer un moyen de racheter ma liberté auprès de la confrérie des Chevaliers Blancs, je m'étais préparé depuis longtemps à fuir ma vie actuelle. Cependant je n'aurais jamais pensé que cette occasion se présenterait aussi tôt. Aussi je m'étais demandé si les aurevoirs étaient aussi douloureux qu'ils en avaient l'air. Car même si je me retrouvais déliée de l'ordre des Chevaliers Blancs, je restais une cible de choix pour les ennemis de la confrérie. A partir du moment où j'abdiquerai de mon rôle de chevalier, l'immunité que la confrérie m'assurait se volatiliserait.
Mais il le fallait.
Si je voulais déployer mes ailes et quitter le nid, il m'était indispensable de suivre chacune de ces étapes à la lettre. Alors quand je serai soustraite de mes devoirs envers la confrérie des Chevaliers Blancs, je ne serai plus CANARI, je deviendrai une fugitive. Car quitter la confrérie même dans les bonnes grâces de K, est compté comme une trahison. Quand l'on devient un Chevalier Blanc, on meurt Chevalier Blanc et quand l'on cesse d'en être un, on meurt déchu.
Tuer ou être tué, telle est la dure réalité de la vie !
Cette réalité peut paraitre violente et tout droit sortie d'un film mais plus vite on l'assimile et plus vite on s'adapte à notre environnement. Les autres membres de la confrérie partiront à ma poursuite dans la seule optique de me tuer, je ne serai plus l'un des leurs mais une traitresse. Tant que mon sang impur n'aura pas coulé sur les terres sacrées de leur bandeau, ils seront mobilisés pour me retrouver. Telle est la responsabilité de tout un chacun.
Contrairement aux gangs ou aux organisations criminelles où la trahison est considérée comme une rupture familiale ou une rupture de contrat, la confrérie des Chevaliers Blancs ne vie que dans l'unique but de servir son maître, K.
Ce sens de l'honneur démesuré était le plus à craindre, encore plus que les capacités de ses membres.
Avec ces pensées qui me taraudaient l'esprit, je ne trouvais le sommeil que plus tard dans la soirée. Ma nuit se remplit de songes empoisonnés, de remises en question et de contradictions.
K, que peux-tu vouloir de moi pour te montrer aussi clément sur ma démission ?
Cet homme était une énigme à lui tout seul. Nul ne connaissait son vrai nom, officiellement il n'existait pas, il est juste un fantôme oublié par les années. Je m'étais beaucoup interrogée à son propos.
Quand avait-il créé la confrérie des Chevaliers Blancs ? Dans quel but ?
Était-il bercé de bonnes intentions ou était-il attiré par le côté obscur ?
Qui était-il avant d'être celui qu'il était aujourd'hui ?
Qui avait-il rencontré dans sa vie pour se forger de la sorte ?
Bien que les forces de l'ordre, les criminels et les gens lambdas le considèrent comme le pire monstre qu'il n'ait jamais existé dans notre époque, moi je ne peux m'empêcher de l'admirer. Je lui voue une admiration presque malsaine. C'est peut-être ce sentiment qui m'a conduit à lui par le passé.
Je l'ai su le jour où je l'avais rencontré. Il n'était pas comme tout le monde. Il était au-dessus de tout. Il avait ce petit quelque chose de fascinant.
K, tu resteras à jamais cette étoile inatteignable que je regarde tous les soirs depuis la terre ferme. K, tu seras à jamais l'être que je déteste le plus au monde. De l'Amour à la haine. Ainsi se résumait l'évolution de mes sentiments à son égard.
Alexander était tout le contraire, il était plus accessible, lui ne me regardait pas depuis le sommet, il marchait à mes côtés. Alexander était le premier qui m'avait appris à aimer simplement. Sans se compliquer. Pour lui je ne ressentais que de la bienveillance.
C'est pour cela que je devais m'éloigner de ces deux êtres aussi différents que similaires. A trop s'approcher du Soleil, on finit par se brûler les ailes, et à trop s'approcher de l'eau, on finit par se noyer.
Dans un cas comme dans l'autre, je n'étais pas sûre que cela me convienne.
Bob me l'avait dit, « tu n'es pas faite pour vivre étreinte dans la chaleur d'un cocon mais tu n'es pas prête à vivre dans l'incertitude la plus complète, tu ne réussiras à t'épanouir qu'en déployant tes ailes, tu es faite pour voler de tes propres ailes ». Ces mots ne m'avaient jamais paru aussi vrais qu'en cet instant.
C'était et ça restera toujours tuer ou être tué.
Il était temps que je me mette d'accord. Plus jamais je ne veux revivre les dernières années de ma vie. Plus jamais je ne veux être la personne que j'ai été. Plus jamais je ne veux reproduire les mêmes erreurs.
Qu'importe sous quel nom on me connaitra, CANARI, tueuse en série, tueuse à gage, Sabrina TZARA, folle, cinglée, narcissique, populaire, plus jamais je ne douterai de celle que je suis vraiment.
Car l'identité même d'une personne est la manière dont elle se définie.
Moi, je me caractérise comme un être d'exception qui n'a pas achevé l'aventure qu'est la vie.
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Méli-mélo
Teen FictionLe jour je suis une garce, ta pire ennemie. La nuit je suis une tueuse, ton pire cauchemar. CANARI est mon nom de code mais en réalité je m'appelle Sabrina TZARA. Ne vous méprenez pas, je ne suis pas du genre à combattre les forts pour protéger les...