Chapitre XII : Mais qu'allaient-ils donc faire dans cette galère ?!

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Ce n'était pas une salle. L'air frais de l'extérieur lui balaya le visage en même temps qu'une odeur caractéristique. Son odeur. L'odeur de sa maison. Celle d'une rivière. Même si Raën était assez loin du lac natal de Syn, le réseau de rivières et torrents l'entourant parvenait jusqu'à eux. La galerie débouchait d'une falaise sur un coude d'un fleuve assez profond. Devant elle, dans un creux d'eau calme était amarré un bateau. Elle nota immédiatement l'étrangeté du bateau. Il avait un mât mais pas de voile. Au lieu d'un gouvernail, un genre de petites et nombreuses ailes de moulin. Un ballon immense flottait au-dessus de l'embarcation, relié par d'épais câbles aux étais. La naïade resta interloquée. Mais comment ce navire pouvait bien voguer ?! Ce devait être le repère de la sphinge, mais nulle trace d'elle à l'horizon. Pas la moindre empreinte, pas la moindre plume.

Syn s'engagea sur le pont du navire. Les planches craquèrent à peine. Il avait été refait à neuf récemment. Pourtant un bateau neuf, s'il ne peut naviguer, ne sert à rien. Tout ça était très suspect et Syn se tenait sur ses gardes, prêtes à couler le navire s'il le fallait. Pourtant le son de sabot derrière elle réussit à la surprendre.

« Halte là ! Vous êtes en état d'arrestation pour vol en bande organisée, outrage à un agent et dégradation de la voie publique ! s'écria le centaure.

- Vous ?! Mais...mais...mais comment ?! resta stupéfaite Syn, trop occupée à se remettre de sa mini-crise cardiaque pour songer à s'enfuir.

- Vous avez le droit de garder le silence. Tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous, énonça le centaure, impassible. Je ne pensais pas qu'une modeste serveuse comme vous irait se mettre dans un pareil pétrin, continua-t-il, mais merci de m'avoir indiqué la direction de sa planque. Maintenant dites-moi où se trouve la sphinge ! »

Syn resta coite. Ce policier devait savoir se servir de la magie du mouvement. C'était la seule explication que Syn voyait à sa vitesse démentielle. Il devait déjà avoir quelques idées sur l'emplacement du repère de la sphinge et après que Syn lui ait, bien malgré elle, indiqué la direction exacte, il n'avait plus eut qu'à s'y téléporter. Quant à sa demande, elle ne pouvait pas y répondre puisqu'elle cherchait elle aussi la sphinge. Le centaure commençait à s'impatienter et reposa sa question d'un ton énervé en raclant du sabot sur le plancher. Un violent claquement fit vibrer l'air. Les deux passagers clandestins sursautèrent simultanément. Au même instant, le ballon au-dessus de leurs têtes doubla de volume, frôlant la casquette du policier. Toute la structure en fut ébranlée et grinça violemment. Syn s'agrippa comme elle pouvait au mât pendant que le centaure fut obligé de s'allonger pour arrêter de glisser vers la rambarde insignifiante face à lui. Une nouvelle secousse secoua tout le bateau alors que des branches claquaient contre le ballon. Soudain, le calme revint comme il était parti. Syn se risqua à lancer un regard par dessus bord... juste pour voir la rivière s'éloigner.

« Aaaaah !!! Mais qu'est-ce que vous faites là ?!!! Vous allez tout faire foirer ! Descendez immédiatement ! cria une voix en provenance de la cale. »

La tête effarée de la sphinge sortait d'une trappe au milieu du pont.

« Vous...vous êtes en état... tenta le centaure avant de recracher son déjeuner sur le pont.

- Et en plus vous me salissez tout ! Aller ! Fichez-moi le camp !

- On veut bien mais comment ?... fit Syn. »

La sphinge eut un instant d'arrêt avant de reprendre.

« Et bien ce foutu policier peut bien vous ramener tous les deux à terre ! Pour une fois qu'il serait compétent !

- ... Peux... pas... réussit à articuler le policier en détresse.

- Hey ! Si tu dois encore vomir sois sympa, fais-le par-dessus bord ! »

Il eut à peine le temps de suivre le conseil de la sphinge. Syn commençait à prendre un peu confiance dans l'embarcation hasardeuse.

« Mais qu'est-ce que c'est que ce... truc... fit-elle.

- Puisque vous comptez pas redescendre de sitôt, alors permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue à bord du Poulpe Funambule ! »

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