Chapitre 19 - 1/2

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Malgré un début difficile, la mission de Jyhann continue...

Bonne Lecture !

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[Fin du Chapitre 18 - 2/2]
Pour la première fois, son passé de miséreuse serait une force et non une faiblesse. Et pour la première fois depuis son exploit face à Dalir, Jyhann avait l'occasion de briller. Cette fois-ci, elle ne laisserait à personne l'occasion de lui faire des reproches.
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Jamais Moniléca n'aurait pu imaginer qu'il y aurait autant de passages secrets dans les quartiers sud. Chaque ombre, chaque aspérité sur les murs camouflaient un accès à des réseaux de chemins parallèles. Pas étonnant que la délinquance soit en perpétuelle hausse. Si elle se doutait de l'existence de deux ou trois cachettes pour y mettre la marchandise en cas de contrôle, ce qu'elle découvrait aujourd'hui la laissait sans voix. Et réduire la Justicière au silence n'était pas une mince affaire. C'était Nail qui devait être content. Le pauvre, la supportait depuis des années déjà. Il avait rapidement choisi de ne pas rentrer dans les délires de son équipière, de peur qu'ils ne s'éternisent. Pourtant, malgré son manque cruel de conversation, Moniléca ne s'était jamais sentie ignorée en sa compagnie. Il faisait simplement preuve d'un professionnalisme légèrement démesuré. Un rapide coup d'oeil vers l'homme suffit à la rassurer, le savoir présent pour rattraper ses erreurs avait un côté apaisant. Et guidée par Jyhann, ils n'avaient plus rien à craindre des ghettos de Jihälwa.

La construction des quartiers sud avait débuté quelques années après la fin de l'occupation shu'rouase. Le DesAstreu Rexir avait libéré le pays de la Grande Invasion et chassé l'oppresseur. Ses exploits lui avait valu une renommée internationale et un pays éponyme, pourtant la gloire ne revenait pas qu'à un seul homme. Des combattants venus des quatre coins du continent s'étaient joints aux forces jihälwoises pour affronter la menace shu'rouase, toutefois l'histoire n'avait retenu que le nom du DesAstreu. Pourtant à l'époque, Rexir avait pris soin de récompenser ses compagnons en entamant la construction des quartiers sud. Il semblait légitime qu'ils revendiquent leur place au sein de la nation une fois le territoire libéré. Ainsi, les champs bordant la citadelle avaient laissé place à des habitations accueillant les héros de guerre. Le quartier avait ensuite été baptisé "la Terre des Piliers", en hommage à ses hommes qui avaient soutenus Rexir et sauvés un pays qui n'était pas le leur.

Une décennie plus tard, le quartier s'était développé et sa population avec. Les guerriers s'étaient mariés avec des Rexiviennes et avaient fondé des familles aux origines d'une descendance au sang mêlé. Si ce métissage avait contribué à la croissance économique et culturelle de la capitale, il avait également creusé l'écart entre les niveaux de vie de ses habitants. Les quartiers nord jouissaient de belles infrastructures et des ressources de la commune, pendant que les quartiers sud vivaient sur leurs réserves, tels des rebuts de la société. Ce nouveau contexte avait attisé la colère des sangs-mêlés, considérant que le pays avait très vite oublié les efforts de leurs ancêtres. Sur le papier, les quartiers sud avaient conservé leur nom de "Terre des Piliers", mais aujourd'hui, tout le monde préférait l'usage des termes "Terre des Déshérités".

Le petit groupe continuait son investigation à travers les rues du ghetto. Ils avaient abandonné le fiacre quelques mètres plus loin et avaient rebroussé chemin sur ordre de Jyhann. Elle était encore jeune, mais elle avait l'âme d'un chef. Elle savait ce qu'elle voulait et brûlait de montrer ce qu'elle valait. À vrai dire, Moniléca ne pouvait s'empêcher de se revoir enfant lorsqu'elle la regardait. C'était sans doute pour ça qu'elle avait décidé de lui laisser sa chance. La voiture avait donc continué son chemin afin de faire croire à d'éventuels espions que les Justiciers étaient tombés dans le piège. Si bien que lorsque l'information arriverait jusqu'aux fugitifs, ils sortiraient de leur cachette se croyant en sécurité. Futée la petite !

Cela faisait maintenant une vingtaine de minutes qu'ils marchaient au milieu des ordures et des caniveaux. Leurs beaux uniformes blancs viraient au marron et leurs chaussures étaient repeintes d'une seconde couche de boue. Les trottoirs n'étaient que crasse et immondices. Comment pouvait-on vivre dans de telles conditions ? Moniléca se surprit un instant à se demander quelles horreurs Jyhann avait dû surmonter dans ces quartiers, mais ce qu'elle voyait dans ces rues dépassait déjà de loin les capacités de son imagination. La hauteur des bâtiments faisait obstacle aux rayons du soleil, plongeant les habitants dans une atmosphère sombre et humide. Les conditions étaient donc parfaites pour la prolifération de microbes et insectes en tout genre.

Si le plan de Jyhann avait semblé infaillible au premier abord, il prenait tout de même du temps à faire ses preuves. Les fugitifs étaient encore en liberté et les rues se ressemblaient tellement qu'elle avait l'impression de passer devant cette boulangerie pour la troisième fois déjà. S'ils ne mettaient pas la main sur cette petite fille très vite, elle quitterait la capitale et les chances de la retrouver s'amenuiseraient considérablement. Bien qu'ils aient une débutante avec eux, elle doutait que Cyntheude prenne en compte ce genre de détails lors de leur rapport. Il n'avait déjà pas apprécié la dernière fois qu'elle lui avait tenu tête, il ne lui pardonnerait pas cette fois-ci. Mais que lui avait-elle pris d'insulter l'un des maitres d'armes les plus influents de la Lame Sacrée ?

Moniléca songeait encore à son problème de refus de l'autorité, lorsque sa chaussure vint obstruer la course d'un liquide rejoignant les caniveaux. Un mélange rougeâtre éclaboussa sa jambe avant qu'elle ait pu retirer son pied. Les deux Justiciers prirent un certain temps pour comprendre de quoi il s'agissait. C'est Jyhann qui réagit en premier.

- Moniléca... C'est.. C'est du sang ?

Poisseux et vaseux, mais il s'agissait bien de sang. Et à la consistance du fluide, la Justicière en conclut qu'il devait avoir été versé la veille. Toutefois, l'humidité ambiante l'avait empêché de sécher. La question était maintenant de savoir à qui il appartenait. Après tout, il n'existait aucun moyen de différencier, à l'oeil nu, s'il provenait d'un humain ou d'un animal. Mais lorsqu'ils décrochèrent enfin la tête du sol, une scène d'épouvante les frappa. Le doute n'était plus possible à présent. La même teinte écarlate était répandue partout autour d'eux. Le spectacle était macabre, comme si chaque goutte avait été versée dans le seul but de réaliser ce tableau dont ils ne pouvaient détacher les yeux. Sur la paroi, la silhouette d'un corps ressortait, telle une fresque dont le sang de la victime remplacerait la peinture. Le liquide de vie ruisselait encore le long du mur, dévalant avec lenteur la distance qui le séparait du trottoir. Seul un psychopathe était capable de laisser une scène de crime dans un état pareil, et aucune enquête n'était nécessaire pour découvrir le coupable.

- Le Meurtrier Sanguinaire...

Les DesAstreux - Tome 1 : La Lame SacréeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant