Chapitre 30 - 2/2

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Les nouvelles vont vites, mais il ne reste que peu de temps...

Bonne Lecture !
***
[Fin du Chapitre 30 - 1/2]
- Je ne me suis pas méfiée de cette Kayonis et j'ai laissé Nail et la petite l'affronter pendant que je poursuivais notre cible. Et quand je suis revenue... La petite était intacte mais Nail lui s'était fait tabasser.

- Attends. La petite dont tu parles, elle s'appellerait pas Jyhann par hasard ?
***

La surprise prit le pas sur les remords qu'éprouvait Moniléca. Comment son père pouvait-il connaître une jeune fille des quartiers sud ?

- Si, en effet. Comment tu sais ?

L'homme resta silencieux, une moue contrariée sur le visage. En guise de réponse, il lui tendit le journal qu'il avait ouvert sur la page centrale. Il devait sûrement penser son geste plus éloquent que des mots, car il ne prononça aucune explication. Ainsi, Moniléca se saisit du papier, non sans une certaine appréhension. La femme avait horreur de lire la presse et son père le savait. Elle n'y trouvait que des raisons d'être triste et de se lamenter. Mais la vie n'était-elle pas déjà assez déprimante pour en rajouter une couche avec le malheur des autres ? Pourtant, l'ancienne Justicière prit sur elle et déchiffra le titre de l'article que lui indiquait son père.

"UN DÉMON PARMI LES ANGES ?
NE MANQUEZ PAS LE JUGEMENT DIVIN !"

Si le sens de ces quelques mots pouvait demeurer nébuleux pour certains, Moniléca elle, n'eut aucun mal à comprendre de quoi il s'agissait. Il était question d'un jugement divin, autrement dit, la Lame Sacrée allait organiser un rituel de Vahily sur la place publique, afin de révéler une éventuelle sorcière. Rien de bien nouveau jusque là. C'était plutôt la première partie du titre qui inquiétait l'ancienne Justicière.

"UN DÉMON PARMI LES ANGES ?"

Moniléca avait déjà été sanctionnée pour sa faute. Alors se pouvait-il que Jyhann eut été la créature des ténèbres décrite dans l'article ? Il était vrai que la jeune fille était restée étrangement passive lors de leur rencontre avec Kayonis, mais de là à la soupçonner de sorcellerie. De plus, Jyhann était si jeune, qu'aurait-elle bien pû faire face à une fille capable d'amocher un Justicier aguerri ? La femme suffoquait derrière le journal, prenant conscience qu'elle avait cessé de respirer. Elle ne voulait pas voir un mot de plus de cet article. C'était trop dur pour Moniléca. Elle ne voulait pas lire la suite et apprendre que sa protégée allait être jugée devant des centaines de rexiviens, par sa faute. Mais le déni n'avait jamais changé une situation, elle devait savoir.

"Le Mal n'a pas de visage [...] il peut se cacher chez vous, comme chez nous..."

Voilà ce que répondait Cyntheude il y a deux jours, afin de justifier l'infiltration de l'aspirante et potentielle sorcière, Jyhann Taviana, dans les rangs des Justiciers de la citadelle. Aujourd'hui, la Lame Sacrée est connue de tous et porter l'uniforme immaculé en fait rêver plus d'un. Mais rappelons que la branche armée de l'Ordre religieux, a vu le jour dans le seul but d'endiguer la montée au pouvoir des affinitaires de la Fournaise, lors des trois ans qu'avait durée la « Dictature du Brasier ».  Son objectif était de faire respecter les lois de Dieu et à cette époque, les Justiciers étaient parvenus à empêcher les affrontements entre les affinitaires du Souffle et ceux de la Fournaise, et ainsi éviter une guerre civile.
Pourtant aujourd'hui, la glorieuse réputation des héros en blanc semble menacée. Qu'en est-il de la sécurité de notre pays si le mal parvient même à s'insinuer parmi les personnes censées assurer notre protection ?

Comme elle s'en doutait, le journaliste maîtrisait son sujet. Il vendait de la peur à ses lecteurs et la plupart y étaient probablement réceptifs. Mais il ne disait pas n'importe quoi pour autant. La côte de popularité de la Lame Sacrée chuterait fortement si on révélait une sorcière parmi les Justiciers. L'article n'en disait pas vraiment plus au sujet de Jyhann, mais il indiquait au moins la date à laquelle aurait lieu le jugement. Moniléca referma le journal afin de vérifier sa date de parution. La première page indiquait la date de la veille, la révélation était donc prévue pour aujourd'hui.

- Je suis désolé ma chérie...

La mère de Moniléca s'était approchée dans un mouvement empli d'un amour propre à celles qui avaient donné la vie. Le bras qu'elle passa autour de des épaules de sa fille se voulait réconfortant, mais dans l'immédiat, l'ancienne Justicière ne pouvait ressentir d'autres émotions que la tristesse et la culpabilité. Tout était sa faute. Rien de tout cela ne serait arrivé si elle n'avait pas abandonné son équipe. Nail aurait été en bonne santé et la réputation de Jyhann intacte. Puis Moniléca avait eu l'occasion de tout arranger, devant le Conseil. Pourtant elle s'était bercée d'illusion, abusée par des concepts fallacieux tels que l'honneur et l'équité. Elle avait suivi les règles d'un jeu truqué, pas étonnant qu'elle ait perdu.

- Pardonnez-moi père. Je ne peux laisser une telle chose se produire par ma faute.

- Si tout cela est bien le résultat de tes actions, tu réalises que ce que tu t'apprêtes à faire aura également de grosses conséquences.

Oui, Moniléca le savait. S'attaquer à la Lame Sacrée aurait inévitablement des répercussions sur elle et sa famille. Soutenir ouvertement Jyhann pousserait la population à suspecter l'ancienne Justicière d'être une sorcière elle aussi. On la tuerait si elle était attrapée et si elle parvenait à s'échapper, on la traquerait comme elle avait elle-même traqué cette fillette, dans les quartiers sud. Mais quel que soit le scénario que lui réservait cette journée, les rumeurs la déshonoreraient elle, son nom et sa famille. Oui, Moniléca le savait. Pourtant, tout en elle lui criait de mettre un terme aux injustices des Justiciers.

- J'en ai conscience père.

- Alors va, prends mon cheval. Il n'est plus tout jeune mais c'est une brave bête. Avec lui, tu y seras à temps.

Moniléca s'était déjà retournée, dissimulant sa surprise sous le masque de sa détermination.

- Une dernière chose.

La femme s'arrêta pour écouter son père.

- Je suis fier de toi, ma fille.

Les DesAstreux - Tome 1 : La Lame SacréeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant