Chapitre 30 - 1/2

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Bonne Lecture !

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Le corps de la femme se redressa dans un mouvement convulsé, accompagné d'un cri de frayeur. Depuis sa poitrine, le battement frénétique de son coeur semblait se répercuter sur l'ensemble de ses muscles qui se contractaient en rythme. Désorientée par ce réveil brutal, elle peinait à reprendre son souffle. Toutefois, un rapide coup d'œil sur les environs la ramena à la réalité. Malgré la pénombre ambiante, la femme parvint à discerner sa couverture qui avait sûrement glissé au sol durant son sommeil. Et maintenant qu'elle s'apercevait qu'elle n'était plus vêtue que d'une simple chemise de nuit, elle réalisait à quel point elle avait froid. Pourtant, même la chair de poule qui parsemait son épiderme, ne pouvait stopper la sueur qui suintait des ports de sa peau, encore chaude. Le monde des rêves était un univers où se côtoyaient merveilles et horreurs. Et si certains se plaisaient à y séjourner, elle au contraire, était bien contente de s'en être échappée... Mais elle n'avait plus rien n'a craindre à présent, elle était chez elle ; ou plutôt chez ses parents.

Après le désastre qu'avait été sa dernière mission, tout avait été très vite pour Moniléca. Elle avait rencontré Jyhann et avait tissé un lien fort avec la jeune fille. Du moins, c'était le cas pour la femme, mais elle n'avait aucun moyen de savoir ce que pensait l'aspirante à son sujet. Et elle ne le saurait sûrement jamais. Au terme de cette mission, elle avait été convoquée par le Conseil et avait décidé de ne pas leur mentir. Elle leur avait donc raconté à quel point Jyhann s'était montrée brillante. Mais Moniléca avait également été obligée d'en venir à son absence lors du combat contre Kayonis et justifier l'état de son collègue à son retour. La femme avait clairement sous estimé la sorcière et son erreur lui avait coûté sa place. La sentence était tombée le jour-même et le Conseil lui avait laissée une journée pour rassembler ses affaires et quitter la Lame Sacrée. Ainsi, elle avait été contrainte de retourner à la campagne, chez ses parents. Mais dans le fond, peut-être s'en était-elle bien sortie ? Elle aurait pu écoper d'une peine bien plus sévère si elle avait été jugée pour trahison. Au fond c'était surtout Jyhann qui l'inquiétait. Moniléca n'avait aucun moyen de savoir la sanction qui lui avait été décernée. Elle espérait seulement qu'ils aient été indulgents envers la jeune aspirante.

- Tout va bien ? On t'entend crier depuis la cuisine.
La porte s'était entrouverte, laissant apercevoir le père de Moniléca dans l'embrasure. En réalité, la cuisine et la chambre où elle se trouvait n'étaient séparées que d'un mur, mais elle ne voulait pas affoler ses parents pour un simple cauchemar. Elle n'était plus une enfant !

- Ce n'est rien père, ne vous en faîtes pas.

- Alors ne traîne pas. Ta mère a préparé à manger et on aimerait te parler.

La porte se referma et la femme se trouva à nouveau seule dans l'obscurité de la pièce. Le message était clair. Ses parents avaient accepté le retour soudain de leur fille sans trop poser de question, mais il était évident qu'ils se faisaient du soucis pour elle. L'heure était venue de s'expliquer. Moniléca entreprit donc de sortir de son lit, ajustant au passage le bas de son vêtement le long de ses jambes dévêtues. Elle n'était même pas épilée. Mais ce genre de détails n'avaient aucune importance dans son ancienne vie. Les critères de beauté machistes de la société n'avaient pas cours à la Lame Sacrée. On ne lui demandait pas de plaire, mais de faire appliquer les lois de Dieu. Pas besoin d'être jolie pour ça. Et ses poils étaient loin d'être la seule caractéristique de son physique qui pouvait déranger. La main de la femme effleura la cicatrice qui boursouflait sa cuisse droite. À chacune de ses missions, elle avait eu l'occasion d'aider des personnes et parfois même de sauver des vies. Mais c'était autant de fois où elle avait mis la sienne en danger. D'ailleurs c'était sûrement ce qu'elle appréciait le plus dans son métier. Moniléca avait besoin de sa dose quotidienne d'adrénaline et d'insécurité pour se sentir bien. Mais cette époque était révolue maintenant. Elle était de retour à la maison...

Une fois habillée, Moniléca quitta sa chambre pour rejoindre ses parents. Comme tous les matins, son père s'était assis en tête de table, lisant son journal en attendant que sa femme lui apporte son petit déjeuner. C'était ainsi qu'était organisée sa famille à l'époque et les années ne semblaient pas avoir eu d'effet sur leurs petites habitudes. Alors, conservant, sa routine d'antan, la femme se dirigea vers sa mère pour l'embrasser, avant de prendre place à la gauche de son père. Et selon cette même routine, c'était la maîtresse de maison qui avait entamé la discussion.

- Comment tu vas aujourd'hui ma chérie ?

- Une nuit un peu mouvementée, mais ça fait du bien de se réveiller chez sois.

Chaque parole qui sortait de la bouche de Moniléca était pesée et travaillée. Il valait mieux éviter la provocation et la vulgarité devant son père. Selon lui, une fille devait s'exprimer avec respect et l'homme n'avait lésiné sur aucun moyen afin d'inculquer ses valeurs à sa fille. Pour autant, la femme n'avait pas menti, elle était heureuse d'être parmi eux ; même si son père semblait bien moins enthousiaste, lui.

- Alors tu comptes rester longtemps.

C'était un constat plus qu'une question.

- Père, je...

- Reste si tu veux. Ça fait déjà une dizaine de jours que tu es là de toute façon. Mais explique nous au moins pourquoi tu es revenue.

Le père de Moniléca avait raison. Elle ne pouvait continuer d'abuser de l'hospitalité de ses parents sans même leur annoncer la situation. Comme face au Conseil, elle devait prendre son courage à deux mains.

- J'ai été virée.

La phrase était sortie de sa bouche avant qu'elle n'ait pû la retenir.

- Pendant ma dernière affaire, mon équipier et moi on a rencontré une sorcière. C'était une mission de routine, ils nous avaient même collé une petite aspirante pour qui c'était la première mission. Je pensais pas qu'on allait tomber sur des vraies menaces...

L'ancienne Justicière observa un temps de silence, comme pour se remémorer le visage de la fille qui lui avait fait perdre son emploi.

- Je ne me suis pas méfiée de cette Kayonis et j'ai laissé Nail et la petite l'affronter pendant que je poursuivais notre cible. Et quand je suis revenue... La petite était intacte mais Nail lui s'était fait tabasser.

- Attends. La petite dont tu parles, elle s'appellerait pas Jyhann par hasard ?

Les DesAstreux - Tome 1 : La Lame SacréeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant