Les DesAstreux - Tome 1 : La Lame Sacrée

Chapitre 26

Le claquement sec des semelles sur le sol de pierres résonna tout le long du couloir jusqu'à heurter les tympans de la prisonnière. Elle aurait reconnu cette démarche entre mille autres. Ce pas fier et impétueux, cette foulée brève et efficace... Il n'y avait aucun doute possible, elle ne pouvait appartenir qu'à une seule personne. L'heure de l'affrontement avait enfin sonné...

Quelques jours auparavant, l'arrestation de Jyhann avait fait l'actualité dans toute la Lame Sacrée. Les Justiciers l'avaient interpellée à l'heure du déjeuner, devant l'ensemble du réfectoire abasourdi. Et aujourd'hui encore, les accusations qu'ils lui avaient portées résonnaient toujours dans la tête de la jeune fille.

« Vous êtes en état d'arrestation pour haute trahison et complot à l'encontre de l'Ordre religieux... »

Elle se doutait que l'échec de sa première mission aurait des conséquences. Mais bien qu'un Justicier ait été grièvement blessé par sa faute, jamais elle n'aurait imaginé d'aussi importantes retombées pour une affaire de cette envergure. En moins d'une journée, la Lame Sacrée était parvenue à la juger coupable et à la faire arrêter devant tout le monde. Les colporteurs devaient évidemment s'en donner à cœur joie. Après tout, personne ne connaissait réellement les raisons de l'inculpation de Jyhann, et quand la vérité était absente, les rumeurs ne manquaient pas de la remplacer. Déjà que sa réputation n'était pas au plus haut depuis les évènements du Tournoi des Justiciers, tout le monde devait à présent la traiter de sorcière ou de complotiste. Mais tout cela, la jeune fille ne pouvait que l'imaginer, car pour elle, la suite de l'arrestation avait été bien pire que quelques ragots à son sujet.

Les Justiciers s'étaient saisis d'elle avec brutalité et l'avaient traitée comme l'on traitait les malfrats. Car c'était le cas à présent, en moins d'une journée, Jyhann était devenue une criminelle. On l'avait emmenée à l'abri des regards, dans une salle d'interrogatoire où on ne le lui avait posé aucune question. À la place, d'autres Justiciers l'avaient fouillée, déshabillée de force et fouillée une fois de plus, avant de lui donner des vêtements de détenu afin de cacher sa nudité. Tout avait été fait pour l'humilier et briser sa confiance en elle. Peut-être espéraient-ils la faire parler au sujet de cette Kayonis, mais contrairement à ce qu'ils pensaient, elle n'aurait rien à leur dire. Elle avait donc fini en prison le soir même, sans boire ni manger. Le lendemain cependant, un homme était venu la chercher dans sa cellule. La jeune fille ne savait rien de lui, mais il ne paraissait pas aussi véhément que les autres. Il lui avait expliqué qu'elle allait comparaître devant un Conseil qui jugerait de son cas. Toutefois, les membres de ce Conseil semblaient avoir leur opinion avant même qu'elle ne les rencontre...

Après cela, tout s'était embrouillé dans sa tête. Les visites s'étaient faites plus rares et on avait fini par ne la déranger que pour lui donner ses repas. C'est ainsi qu'elle avait perdu le décompte des jours. Chaque minute se ressemblait entre trois murs de pierres et une grille de fer. Fatalement, l'ennui s'était rapidement attaqué à elle, lui rappelant à chaque instant la solitude qui lui pesait tant. Elle n'en était pas vraiment fière mais elle avait énormément pleuré au début. Néanmoins lorsque son corps eut épuisé toute sa réserve de larmes, elle avait enfin pu reprendre le dessus. Car Jyhann n'avait pas encore perdu espoir. La jeune fille s'était donc attelée chaque jour de sa détention à démasquer le Meurtrier Sanguinaire depuis le fond de sa cellule. L'assassin lui avait pris ses deux parents et peut-être même son meilleur ami et premier amour. Tant qu'il lui resterait un souffle de vie, elle s'en servirait pour mener à bien sa vengeance.

Elle avait beaucoup réfléchi avant d'émettre sa première hypothèse. Il lui avait fallu assembler toutes les pièces du puzzle et imaginer toutes les éventualités, mais à la fin, toutes ne convergeaient que vers un même homme. Et aujourd'hui il était enfin l'heure de se confronter à la réalité...