Chapitre 33

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Pensez-vous qu'il reste encore un espoir pour que Jyhann soit jugée innocente ?

Bonne Lecture !
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Sous les regards inquisiteurs de la Lune et des étoiles, la surface de l'eau revêtait déjà son traditionnel masque d'indifférence. Le léger bruit des clapotis avait péri dans la nuit et l'agitation des derniers remous avait faibli dans un silence exempt de vie. Et sous le regard omnipotent de la reine des astres, seules quelques bulles déchirant la face de l'eau, trahissaient encore le lent trépas du corps rejoignant les tréfonds. Bientôt, le fleuve aurait englouti toute trace de son passage, et nul n'oserait soupçonner les horreurs qu'abritaient les profondeurs.

« De toutes les créatures qu'il m'ait été donné d'observer, je dois bien avouer que la race humaine est de loin la plus fascinante...
Loin de moi l'idée de vous glorifier, pauvres arrogants. Au contraire, vous qui n'avez de cesse de rappeler que vous commandez aux créatures du ciel et de la terre, s'il est un domaine dans lequel vous vous démarquez des animaux, c'est bien dans la stupidité. En réalité, vous n'êtes guère plus intelligents que des bêtes, et il est temps que votre mascarade cesse.
Ce soir, ma lame marque la fin de votre règne illusoire. Et sous le regard courroucé de la lune, c'est avec déférence que je m'acquitte de ma tâche. »

L'eau remplissait déjà les poumons de la victime, chassant au passage le peu d'air qui s'y trouvait encore. Son agonie serait aussi lente que lancinante, à l'image d'une vie à la monotonie accablante. Et à chaque battement de son cœur, son corps s'enfoncerait un peu plus dans les abysses. La mort guettait sous le futur cadavre, simplement représentée par la noirceur des profondeurs.

« J'ai longtemps pensé qu'il restait encore un petit espoir pour l'Homme. Qu'en éradiquant les mauvaises herbes et en le poussant un peu, il pourrait dominer fièrement le monde. Mais je ne m'étais jamais autant fourvoyé qu'à votre sujet.
Vous, régner ? Piètre roi que vous faites !
Au vu de votre décevante faculté à vous satisfaire dans la douleur, j'ai finalement compris que vous n'existiez que pour être soumis...

Mais nul n'existe dans la soumission !

Vous souillez ces terres depuis bien trop d'années déjà. Je ne vous laisserai pas déshonorer l'humanité plus longtemps. Ainsi, ma lame marque la fin de votre existence superflue. Et sous le regard impitoyable de la lune, c'est avec délectation que je savoure votre mort. »

Un lit de vase se souleva avec nonchalance lorsque le corps heurta le fond. De l'autre côté de l'eau, la surface avait repris son apparence inébranlable. Plus aucune houle n'osait venir troubler les reflets des astres qui illuminaient la face du fleuve. La lune siégeait à présent au centre du cours d'eau, étendant son royaume du ciel à la mer.

« Il serait fort regrettable que vous pensiez ma colère gratuite et abusive. Rappelez-vous pauvres arrogants, ce que je fais est juste.
Je vous ai observés, cherchant même une excuse à vos ridicules agissements. Je trouvais intrigante la façon que vous aviez de vous accommoder de vos malheurs. Plutôt que de vous battre pour chasser les souffrances de vos existences, vous préfériez les accueillir à bras ouverts, allant même jusqu'à leur faire une place dans vos vies. J'ai vu certains cultiver leur malheur, laissant un passé douloureux déteindre sur un présent pourtant plein de promesses, ou d'autres encore côtoyer des personnes nocives pour leur vie, au lieu de les écarter de leur entourage.
Comme si dans le fond, vous aimiez vivre cette souffrance au quotidien...
Croyez-moi pauvres arrogants, je voulais vous laisser une chance. Mais je crains fort que pour vous, il n'y ait aucun espoir... »

Les DesAstreux - Tome 1 : La Lame SacréeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant