Les DesAstreux - Tome 1 : La Lame Sacrée

Chapitre 3 - 2/2

Bonne Lecture !
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[Fin du Chapitre 3 - 1/2]
Elle semblait prête à tout pour prouver sa valeur, prête à tout pour décrocher sa place à la Lame Sacrée. Ce devait être une redoutable adversaire.
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-Jamais vous n'entrerez à la Lame Sacrée, jeune fille !

Le cri du maître d'armes ramena instantanément le jeune homme au temps présent. Sur le terrain où s'affrontaient les deux combattantes, maître Rhane s'était interposé, mettant un terme au duel. Même lors des entrainements, il était assez rare qu'un affrontement soit arrêté avant son dénouement. À plus forte raison lorsque c'était maître Rhane qui arbitrait. Le vieil arbalétrier avait très mal vécu la fin de son service chez les Ceurvans(1), l'armée royale. Affinitaire de la Fournaise, il était jadis surnommé "La Flamme Céleste", pour ses flèches enflammées fendant les cieux avant d'atteindre leur cible. Toutefois à la mort du roi, il s'était reconverti en maître d'armes, liquidant tout son salaire chez les taverniers et les putains. Aujourd'hui, il était connu pour sa fainéantise et sa démarche nonchalante ; malheureusement bien plus que pour ses tirs redoutables.

La tension était montée au sein du public depuis l'intervention du maître d'armes. Certains huaient les filles et d'autres les insultaient. La foule s'agitait et il était toujours difficile de contenir ce genre de débordements ; même pour un Justicier. Maître Rhane s'approcha de la blonde et arracha le couteau qu'elle tenait, avant de le brandir à la face de tous, telle une arme du crime retrouvée. La fille voulait tellement intégrer la Lame Sacrée qu'elle avait cédé à la tentation et apporté une arme à l'épreuve des néophytes. Mais cette action était considérée comme une faute grave. Elle serait sanctionnée pour la bassesse de son geste et ne porterait jamais l'uniforme immaculé.

Au même moment, la voix hargneuse de Cyntheude retentit. Bien que ses paroles fassent écho aux gestes frénétiques de maître Rhane, elle ne semblait pas s'adresser à la même personne. Plus sobre dans sa réaction, le maître d'armes paraissait plus calme que son collègue, mais en réalité il était bien plus furieux encore. Une veine, prête à céder sous la pression du sang affluant, ressortait sur son crâne dégarni. Son regard pesait sur la combattante aux mèches brunes. Il l'aurait sûrement frappé s'il n'y avait pas eu autant de spectateurs. Tous les regards s'étaient tournés sur la fille qui tenait tête à Cyntheude. Elle n'avait pourtant rien fait de mal, son seul crime était d'avoir remporté son combat. Mais il en fallait bien moins au maître d'armes pour condamner la gente féminine. Jamais il n'accepterai qu'une femme batte un homme sous ses yeux.

Aussi étrange ait été la stratégie de la jeune fille, elle avait porté ses fruits. Son adversaire gisait encore au sol, incapable de se remettre sur ses pieds. Et cela Cyntheude le savait. Il avait arbitré le combat et n'en avait manqué aucune partie. Mais s'il fallait tricher pour restaurer l'honneur des hommes, il n'hésiterait pas à en modifier le dénouement. Cependant, un second maître d'armes fit son apparition avant que son collègue ne mette son plan à exécution. C'était maître Phone. Il applaudissait la combattante, exagérant ostensiblement le mouvement de ses mains afin que tout le monde le voit.

-Toutes mes félicitations jeune demoiselle ! Pardonnez nos manières, vous comprenez, nous n'avons pas l'habitude de voir des femmes ici à la Lame Sacrée.

Le maître d'armes s'était tourné vers Cyntheude pour prononcer ses derniers mots, mais ne s'était pas départi de son ton chaleureux et accueillant.

-Vous vous êtes vaillamment battue et vous faites dès à présent partie de la Lame Sacrée. Montrez vous en digne.

La fin de l'échange se déroula de manière moins théâtrale et le jeune Justicier ne pu entendre la suite de la conversation. Maître Phone devait sûrement lui raconter le déroulement des prochains événements de la journée, en tout cas, la jeune fille semblait ravie. Le garçon ne pouvait expliquer quoi, mais quelque chose l'intriguait chez elle. Il resta un bon moment à l'observer, cherchant ce qui la rendait si spéciale. Jusqu'à ce que le maître d'armes ne lève la main, désignant le Justicier du doigt. Ce dernier fit rapidement mine de s'intéresser à autre chose tandis que la brune se rapprochait de lui.

-C'est bien toi la nouvelle recrue ? On m'a dit que tu pourrais m'indiquer où sont les dortoirs ?

-Euuh... Oui en effet, suis-moi !

Elle était encore plus intrigante maintenant qu'il la voyait de près. C'était des yeux de la jeune fille que découlait ce sentiment. Il n'avait jamais vu un tel mélange, son œil droit était d'un violet aussi sombre que la pensée sauvage alors que le gauche brillait d'un gris presque cristallin. Il marqua une pause avant de reprendre, prenant soin d'éviter son regard à la fois mystérieux et captivant.

-Félicitations pour ta victoire. J'ai assisté à ton combat, tu étais... Où as-tu appris à te battre comme ça ? Il n'y avait aucun style ! C'était à la fois dangereux et buté. En fait c'est simple il n'y avait aucune méthode dans tes attaques c'était juste...

-Étonnamment efficace ? Ce sont les mots que tu cherchais, n'est-ce pas ?

Un éclair malicieux se glissa dans les yeux dépareillés de la fille lorsqu'elle lui coupa la parole.

Mince il l'avait encore regardée !

-J'aurais plutôt dit irréfléchi et disgracieux... Mais je dois bien admettre que tu m'as surpris.

Un sourire se dessina sur ses lèvres tandis qu'il saisissait la main que la jeune fille lui tendait.

-Je m'appelle Jyhann.

-Enchanté, moi c'est Anthelme.

Et puis zut c'est fou ce qu'ils étaient beaux ses yeux...

Glossaire :

(1) Ceurvan : Soldats à la solde du Roi. Selon la tradition, ils prennent leur retraite à chaque changement de souverain.