Les DesAstreux - Tome 1 : La Lame Sacrée

Chapitre 4

Bonne Lecture !
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[Fin du Chapitre 3 - 2/2]
Un sourire se dessina sur ses lèvres tandis qu'il saisissait la main que la jeune fille lui tendait.

-Je m'appelle Jyhann.

-Enchanté, moi c'est Anthelme.
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Une vague de saveurs déferla dans sa bouche lorsqu'elle entama le liquide que contenait son verre. Jamais un tel breuvage n'avait frôlé ses lèvres auparavant ; elle n'aurait pu l'oublier. La jeune fille prit le temps de faire rouler la boisson le long de son palet afin d'en déterminer les ingrédients. Une pointe de muscade sûrement, ou un soupçon de menthe peut-être. Il devait même  y avoir du gingembre dans le mélange pour que le résultat lui taquine ainsi les papilles. En réalité, elle n'avait aucune idée de ce qu'elle buvait. Un "méli-mélo fruité" lui avait-on dit, mais était-il seulement possible qu'un fruit produise autant d'effet dans la bouche d'une femme ?

-Jyhann tu viens ? Faudrait pas être en retard dès le premier jour.

Sans s'en apercevoir, la jeune fille avait fermé les yeux, savourant un peu plus son verre, à présent vide. Elle ouvrit son regard vairon sur Kana, sa camarade de classe qui semblait s'impatienter. Elles s'étaient rencontrées la veille lors de la sélection des néophytes. Si Jyhann s'était brutalement illustrée en triomphant d'un rexivien trop sûr de lui, Kana en revanche avait eu plus de mal à venir à bout de son opposant. Elle n'y serait d'ailleurs sûrement pas parvenue si la concurrente adverse ne s'était pas faite éliminer pour fraude. Ainsi, elles se retrouvaient les deux seules filles d'une promotion de dix.

Jyhann se leva et abandonna non sans peine le petit déjeuner que lui avaient préparé les cuisiniers de la Lame Sacrée. Il y avait bien longtemps qu'elle n'avait pas mangé aussi copieusement. Cela remontait au temps où sa mère se levait les matins pour cuisiner en fredonnant des airs enjoués. Cette époque lui semblait si lointaine aujourd'hui... Pourtant sa camarade avait raison, arriver en retard au discours de bienvenue du premier cycle serait très certainement mal vu. Un justicier se devait d'être ponctuel. Ainsi elle s'attela à rattraper la jeune Kana qui se hâtait en direction du parvis du campus.

Rapidement, Jyhann comprit que son manque d'orientation représenterait une véritable complication dans le dédale des bâtiments de la Lame Sacrée. Le campus  ayant été taillé dans la roche d'une montagne en plein coeur de Jihälwa, les couloirs et autres passages d'accès étaient en réalité de longues galeries de granite pouvant parfois atteindre plusieurs kilomètres de long. Toutes les voies se ressemblaient mais toutes menaient à des lieux différents. Elle tourna à gauche, puis une deuxième fois à gauche, s'immobilisa un instant, avant de revenir sur ses pas et finalement emprunter la voie de droite. Jamais elle n'arriverait à temps pour le début du discours.

Une perle de transpiration suinta le long de la tempe de Jyhann, à mesure que la panique la gagnait. Sa respiration se faisait saccadée et les petits coups d'œil affolés qu'elle lançait un peu partout la rendaient comparable à une folle en pleine crise de démence. Sa vue, qui se troublait, ne lui permis pas de voir les Justiciers qui l'observaient au loin, d'un air interloqué. Seules des silhouettes peu définies apparaissaient dans son champs de vision. Elle devait se calmer, ralentir son rythme cardiaque et recentrer ses pensées. La jeune fille prit le temps de s'arrêter pour prendre une grande inspiration. Lorsque ses idées se remirent en place, c'est vers le séduisant jeune homme qu'elle avait rencontré la veille que ses pensées la menèrent.

Pour dire vrai, elle l'avait déjà aperçu le jour précédent, au moment où le righan lui avait révélé son affinité pour la Brume. Toutefois, lui avait du attendre le lendemain, pour faire la connaissance de la jeune fille. Il disait être épéiste et s'appeler Anthelme, mais Jyhann retenait surtout son air gêné, face aux yeux de la néophyte qu'il ne pouvait lâcher du regard. C'était sans doute ce côté maladroit et authentique qui faisait son charme. S'il lui avait fait bonne impression, le Justicier ne devait sûrement pas se dire la même chose de Jyhann. Elle était décoiffée et la sueur goûtait encore sur son front quand elle s'était présentée à lui. Il avait fini par lui faire visiter le campus mais ses premières paroles avaient été un conseil.

-Tu devrais te calmer un peu et mieux analyser la situation. Il y avait des tas de solutions pour en finir sans lui casser un os.

Il parlait d'art martiaux bien entendu, mais ça n'en restait pas moins vrai dans le cas présent. Jyhann se remémora la visite de la veille et mit en pratique les paroles de l'épéiste. Dans sa mémoire, les quartiers des Justiciers en second cycle ne se situaient qu'à quelques mètres de ceux des premiers. Selon Anthelme, ils avaient été construits de manière à ce que les résidents puissent rapidement être évacués en cas d'inondation. Ainsi, les dortoirs avaient été positionnés au plus près de l'entrée afin d'éviter le pire lorsque l'orage éclatait. Et de l'extérieur il lui serait bien plus facile de se repérer !

Jyhann exerça un mouvement rotatif et s'engagea d'un pas vif, dans la direction inverse. Très vite, elle rattrapa les sanitaires qu'elle avait dépassés quelques minutes auparavant. En retournant au réfectoire, elle ne devrait pas avoir trop de mal à retrouver le chemin du dortoir qu'elle avait emprunté le matin même. Focalisée sur sa course, la jeune fille manqua presque de renverser un étudiant qui rejoignait les salles communes, les bras chargés de livres. Jyhann s'excusa sans pour autant prendre la peine de s'arrêter. Les Justiciers se retournaient sur son passage à présent, désireux de  mettre un visage sur l'événement de la journée. Personne ne voulait rater la néophyte paumée, qui s'agitait dans les couloirs du campus. Décidément, il ne lui aura suffit que d'une journée pour passer pour une folle...

Mais il y avait plus important pour le moment. Si sa réputation auprès de ses camarades pouvait compromettre son intégration à la Lame Sacrée, celle qu'elle aurait auprès des maîtres d'armes était autrement plus problématique. Jyhann tourna à l'embranchement qui se tenait face à elle et pu finalement apercevoir le réfectoire, d'où s'échappait encore des fragrances sucrées. Tout cela ne serait pas arrivé si elle avait suivi Kana lorsqu'elle s'était levée. Pourtant ça faisait si longtemps qu'elle n'avait pas mangé à sa faim, elle ne pouvait gâcher un tel festin. L'air frais qui se dégageait de la porte ouverte face à elle lui rappela son objectif. Il ne devait plus lui rester beaucoup de temps pour rejoindre le groupe d'étudiants au premier cycle.

Jyhann se faufila dehors et entreprit de rejoindre le parvis depuis l'extérieur. D'où elle se trouvait, il lui suffisait de faire le tour du bâtiment et de traverser les terrains d'entrainement, pour arriver à destination. Un point de côté pilonnait dans son ventre à mesure qu'elle grandissait les foulées. Elle suffoquait sous le poids de l'effort, son corps manquait d'air et il ne se gênait pas pour le lui faire savoir. Toutefois, ses poumons attendraient car elle ne pouvait plus se permettre le luxe de s'arrêter. D'une ultime poussée, elle consuma le  peu d'énergie qu'il lui restait et fit son entrée sur la grande place du parvis, interrompant au passage le discours de Cyntheude qui avait commencé.

-Encore vous ?

Le maître d'armes semblait démesurément grand et imposant, perché sur son estrade.

-On dirait bien que la vie se sera fichue de vous jusqu'au bout, jeune fille. En plus de vous priver du sexe noble, elle a également omis de vous pourvoir du gêne de la ponctualité. C'est consternant...

Pour la troisième fois de la journée, tous les regards se braquèrent sur la jeune néophyte aux yeux dépareillés. Si elle avait pu souffrir d'un manque d'attention par le passé, elle n'enviait nullement sa situation actuelle à celle de son enfance. Même Kana semblait l'observer d'un air déçu. Jyhann avait pourtant fait de son mieux pour être à l'heure. Mais ainsi commençait son séjour dans la prestigieuse Lame Sacrée. Elle n'y pouvait plus rien à présent. Au bout d'une journée seulement, elle s'était mise tout le monde à dos. Survivrait-elle à ces trois cycles d'études auprès des Justiciers ?