Déchiré

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     Les sentiments sont sûrement l'aspect humain qui aura fait coulé le plus d'encre et de sang. Et pourtant, leur incroyable singularité leur octroie le fait que, malgré l'incroyable quantité d'écrits, de poèmes, de chansons, de peintures, de films, d'oeuvres, la globalité n'en a toujours pas été saisie. Car aucune situation n'est en tout point similaire à une autre, et quand bien même leurs aspects coïncident, la manière dont elle sont ressenties et perçues different totalement. Et il est un sentiment en particulier qui occupe mon esprit en ce moment, celui qui torture les poètes et fait pleurer les tendres.

     Évidemment, malgré une quinzaine d'année à ne pas être capable d'éprouver le moindre sentiment, la moindre forme d'empathie, j'ai finalement été frappé par ce mal. Très douloureux, la sensation était davantage similaire à une gorgée d'un violent poison qu'à un nuage de barbe-à-papa. Évidemment, cela dû à mon aversion du bonheur. Servez un repas de roi à un homme ayant passé sa vie dans la famine : il mourra, ou tout du moins vomira l'intégralité de ses victuailles.

     J'ai cependant réussi à m'y faire, et contre toute attente, ces sentiments étaient réciproques. Mais depuis ce déblocage, là où je n'éprouvais rien envers qui que ce soit, certains sentiments amicaux envers des connaissances ou des amis ont commencé à muer. Non pas car je ne suis pas satisfait sur ce plan, bien au contraire, mais c'est comme si mes sentiments voulaient rattraper ces quinze années passées à les évincer de mon existence.

     Il est une personne en particulier pour qui j'éprouve une certaine attirance. Depuis un an environ, peut-être deux, qui sait, cette personne occupe mes pensées. Cependant, sur un aspect purement rationnel, rien ne démarque cet être du reste du monde : physiquement normal, ni sublime ou moche, moins stupide que la moyenne (mais comme c'est le cas d'une grande partie de mon entourage). L'expression populaire est appropriée : je ne sais pas "ce que je lui trouve".

     "Si tu aimes deux personnes en même temps, choisis la deuxième. Car si tu aimais vraiment la première, tu n'aurais pas craqué pour la deuxième", a un jour dit Johnny Depp. Conneries. Aimer quelqu'un, aussi passionnément qu'il puisse en être, n'a jamais préservé et ne préservera jamais de situations équivalentes. J'en fais à mon grand regret l'expérience. Malgré ça, je reste fidèle, cacher des émotions est mon lot quotidien, cela n'en fait qu'un de plus.

     C'est donc un trouble de plus s'ajoutant à la liste, épaississant davantage le brouillard mental dans lequel je peine à évoluer et à exister. Même si je n'ai aucune idée de l'évolution future de cette situation à la con...


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     Ouais, les sentiments, un beau foutoir. Je suis en couple depuis environ quatre ans et je n'ai connu personne d'autre avant lui. Ce n'est pas que mes pensées se tournent vers quelqu'un d'autre, c'est que je pense à ces deux personnes pareillement. Tiraillé entre deux êtres, mon cerveau s'alourdi comme jamais auparavant, bouillant jusqu'au point du fusion, je suis proche de l'implosion.

Bribes d'un Esprit TourmentéWhere stories live. Discover now