Un Trou Béant dans la Poitrine

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     22h10, le bus vient de partir, emmenant en son sein la créature que j'incarne accompagné de l'éternel poids de la séparation, la contrainte du lieu m'empêchant de profiter plus fréquemment de cet exutoire idyllique.

     Leur présence effacée physiquement et la chaleur d'un câlin s'en allant pour laisser place au froid, mes insolubles maux intérieurs se font de nouveau ressentir. L'éternelle sensation d'avoir un creux béant dans les entrailles, un trou noir aspirant toute forme de lumière, de chaleur, de plaisir. Il est évident que, pour une raison encore inconnue, j'éprouve grandement le besoin de les voir plus souvent qu'à l'accoutumée, car en un mois, je suis venu autant de fois que je n'en faisait en un an il y a quelques temps. Peut-être le signe d'une sourde détresse qui gronde au loin, tel une inévitable cyclone ou un tsunami. Ou peut-être s'agit-il, tout au contraire, d'un début de guérison, augmentons les doses pour éradiquer le mal-être enfin. Mais qu'en sera-t-il si brusquement, ce médicament ne fait plus effet, ou finit par provoquer une addiction plus destructrice encore ?

     De ces derniers jours, beaucoup de choses sont remontées, car nombre de fantômes du passé sont devenus êtres du présent, tant d'années plus tard depuis les dernières poignées de main, échanges de regards, sourires complices. Tels des fragments épars d'un unique cristal autrefois qui fût brisé, les pièces assemblées découvrent les formes d'une belle sculpture d'un temps révolu. C'est aussi beau que désolant de constater que je ne suis pas la seule personne coincée dans le passé et rêvant d'un retour en arrière, l'esprit autant si ce n'est plus embrumé que le mien. De voir aussi que certains sont passés totalement à autre chose, ou ont totalement oublié cette période. Les gens changent et personne n'a de réel contrôle là dessus, c'est indéniable, rassurant et effrayant à la fois.

     Et c'est probablement le plus douloureux de constater que cette différence peut rapprocher ou éloigner des personnes. Celle qui fut l'humain le plus respectable et extraordinaire à mes yeux, pour qui je ruinerais ou créerais des mondes, ne m'inspire désormais davantage de tristesse que de plaisir. Elle a commencé un nouveau livre tandis que je n'ai toujours pas tourné la page, je n'arrive plus à la suivre et je m'essouffle en tentant de la garder près de moi. Et plus elle avance, moins je progresse, et plus les bords de ce gouffre intérieur s'effritent et s'élargissent. Et j'ai de plus en plus de mal à ne pas sombrer dans ces abysses.

     C'est dans cette atmosphère pourtant apaisante d'un bus plongé dans le noir occasionnellement éclairé par quelques furtifs lampadaires, bercé par les sons entre autres de la pluie sur les vitres et du ronronnement du moteur, que ce flot incessant d'idées et de réflexions surgissent, inlassablement. Mais mes mains ne peuvent suivre mes idées, qui sont tant fugaces et volatiles qu'une fois pensées, les voici envolées, je ne peux en retranscrire qu'une infime partie qui ne peut dépeindre correctement le bouillonnement de mon cerveau. Et tenter de remplir ce gouffre par de l'alcool ne sert à rien, il est bien trop profond...

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     Ah shit, here we go again. Il est vrai que je parle souvent de me mettre une race pour tenter d'imiter le cliché du "boire pour oublier". Ca ne marche pas vraiment, et ça envenime même les choses...

Bribes d'un Esprit TourmentéWhere stories live. Discover now