Alcool et émotions

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     De toutes ces choses qui m'épuisent le plus facilement, les émotions sont très certainement en tête. Cet écrit sera davantage un journal de bord qu'un texte rédigé de manière plus littéraire comme j'en ai l'habitude, mon état ne me permettant que difficilement de faire des élucubrations poétiques, je ressens le besoin de coucher l'expérience d'une première cuite sur le papier et les pixels.


     Ce week-end, comme à mon habitude, je suis passé voir de grands amis, véritable moment rituel exorciseur de pensées noires. Je n'avais pas vu ces chères têtes depuis deux semaines à peine que ce fût déjà l'impression de revenir au gîte après avoir passé des années dans un froid glacial sur un front perdu sous les balles et la neige quelque-part en Europe de l'Est. Peut-être d'ailleurs avais-je été trop tactile et ai manqué de savoir-vivre en les voyant, d'ailleurs... Ces personnes sont assurément celles que je porte le plus dans mon cœur, avec évidemment mon petit ami, et sont les seules à qui je confierai ma vie sans la moindre hésitation. J'ai à leur égard une confiance totale et absolue, fait fort singulier de part mon caractère très indépendant et bien trop méfiant. C'est sur cet aveugle dévouement que je me suis permis, pour la première fois de ma courte existence, de me mettre une bonne race de ses grands morts.

     Vendredi, nous partîmes pour une petite LAN sur Minecraft, en compagnie d'un fond de Jack. N'ayant jusqu'à maintenant que peu bu d'alcool dans ma vie, mes soupçons concernant la boisson se confirment : il semble que j'ai l'alcool "triste", car malgré la situation qui était simplement exquise pour un nostalgique maladif de ma trempe, mes idées noires d'habitude envolées en leur présence n'ont fait que se développer en arborescence. Un arbre noir au feuillage d'encre commençait à pousser en puisant ses nutriments dans l'alcool.

     Arriva le samedi, jour de fête. Je m'étais, à la base, promis de limiter ma consommation d'alcool tant que j'orchestrait la session de jeu de rôle que nous avions programmé. Cependant, peut-être encore un peu dans les bras de l'alcool de la veille, ma patience était rapidement arrivée à son terme et quelques minutes après le début du JDR, j'étais déjà plutôt entamé. Cette activité passée, l'alcool commençait à annihiler plus ou moins rapidement mes capacités cognitives. Je restait cependant étonnamment conscient, mon corps avait simplement du mal à suivre et était bien plus affecté par l'alcool que mon esprit. Les mauvaises pensées étaient là, mais le plaisir de partager un moment avec ces personnes incroyables l'était également.

     Un peu plus tard dans la nuit, nous décidons donc de passer un moment dans la cour désormais à l'abandon de notre ancien collège, où nous nous sommes tous rencontrés il y a de cela une bonne décennie. Nous nous sommes posé dans un endroit qui a vu nombre de conneries d'enfants, presque notre QG secret pas secret, lieu de rassemblement et de souvenirs. Nous avions également trouvé de vieilles tables scolaires sur lesquels nous avions étalé un nombre déraisonnables de bouteilles, et avions commencé à boire plus que de raison.

     Pour reprendre mes confidences faites à l'un de ces amis, la situation, soit être aux côtés des personnes auquel je tiens le plus et se mettre ensemble une bonne race de ses ancêtres dans ce qui fût le théâtre de la plus belle époque de ma vie, a procuré un plaisir qui a fait passer la mélancolie et la déprime liées à l'alcool au second plan. Dans un autre contexte, avec d'autres personnes dans un autre lieu, je doute que l'euphorie eut été présente et l'influence de cette sombre arborescence eut été si insignifiante. C'est ainsi que, paradoxalement, je n'ai jamais été aussi heureux, et peut-être triste, qu'en cette soirée. Et malgré une amnésie partielle car n'étant pas habitué à l'alcool et ayant de toute évidente trop bu, il s'agit d'un souvenir que je chérirai certainement jusqu'à mes vieux jours et qui réchauffera mon jeune cœur déjà trop vieux et lourd.

     Ce fût un week-end trop intense en émotions pour moi, tiraillé d'une part entre la mélancolie, le regret d'un temps révolu ainsi que mon éternelle déprime qui me ronge depuis bien trop longtemps, et de l'autre coté le bonheur pur et sincère qui accompagne systématiquement la vision de leurs visages et l'écoute de leurs voix, le plaisir de voir que nous sommes encore en contact malgré la distance et les aléas de la vie, et l'envie de vieillir à leurs côtés. C'était assurément une overdose d'alcool, mais c'était davantage une overdose émotionnelle et sensorielle qui m'a accompagné en cet instant. Et tel un début de dépendance peut-être, je souhaite à nouveau ressentir un tel bonheur en leur compagnie.

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     Et bien, c'est certainement le texte le plus positif qui soit ici... C'est étrange pour moi de ressentir du bonheur en général, ayant pour habitude de fuir la positivité comme la peste car n'est pour moi qu'un beau mensonge et une illusion mal foutue. Mais étonnamment, cette fois-ci semblait profondément sincère. Peut-être vais-je un peu mieux, ou peut-être me suis-je leurré une fois encore dans un beau mirage...

Bribes d'un Esprit TourmentéWhere stories live. Discover now