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20 janvier 2019, soirée au bord d'un lac.
La lune et les lumières se reflètent dans l'eau verte qui s'agite légèrement. Je remue nerveusement ma bière et des goutes s'échappent du gobelet pour venir tacher ma robe bleue.
- Merde !, je m'écris.
- Pas de chance !
Je me retourne vers Kilian qui rit doucement. Je ne l'avais pas vu arriver. Il me regarde droit dans les yeux. Un silence assourdissant règne entre nous et je le remercie de le briser :
- Un jour je t'emmènerai faire du kayak ici, ça doit être génial.
- Mais c'est interdit, je l'informe.
Il hausse les épaules.
- C'est pas grave, je ferais n'importe quoi pour toi.
Il me fixe de ses yeux verts étincelants et je me demande comment ça se fait que je n'aie pas encore goûté à ses lèvres. Qu'est-ce que j'attends pour lui sauter dessus ?
- T'es vraiment beau, Kilian.
Ses yeux brillent de milles feux et un sourire malicieux apparaît sur son visage. C'est dur à admettre, mais il me plaît. Il me plaît beaucoup. Depuis que je le connais il m'arrive de fantasmer assez souvent sur lui. Mais aucun de mes rêves ne verra le jour parce qu'en réalité le nombre de phrases qu'on s'est échangées revient à, à peu près, dix. Je n'ai pas le courage, la force et l'envie de m'engager dans une relation, tout simplement parce que j'ai autre chose à faire. Je n'ai pas la tête à ça : je dois d'abord trouver un but à ma vie.
Je n'en attends pas beaucoup des gens, je me contente de ce qu'ils ont à donner et je fais avec. Mais pour une relation amoureuse c'est différent, je recherche la perfection. Mais tant que je ne serais pas parfaite, je ne peux pas en demander autant de mon partenaire, alors c'est pour ça que j'attends. Et même si j'aime bien Kilian, il faut avouer qu'il est presque aussi loin que moi d'être parfait.
Il est ce que j'appelle un "mec trop". Toujours au dessus de tout le monde quoiqu'il fasse, toujours à la hauteur. D'extérieur, il a l'air trop beau, trop intelligent, trop gentil, trop charmant, trop bien pour moi. Le problème avec les "mecs trop" c'est qu'ils aiment en faire trop, justement. Ils veulent tout avoir et on ne sait donc jamais s'ils jouent la comédie ou pas.
Il est agent immobilier, je suis serveuse dans un trou à rat. Avant de couper les ponts avec mes parents j'étais riche, maintenant je suis pauvre et lui est plein aux as. On est différent sur tous points.
Il me surprend en posant sa main fraîche dans mon dos et m'embrasse la joue. Il me salue avant de me tourner le dos pour rejoindre le bar. Kilian ne reste jamais seul plus d'une minute, son physique attrayant agit comme un aimant avec les femmes. Le voilà qui trinque avec une belle femme, avant de boire une gorgée de vin. Il lui fait son numéro et la fille a l'air totalement charmée. Je serre les dents, qu'est-ce que ça peut m'énerver, son petit jeu de séduction.
J'avance et traîne les pieds autour du lac. Flop-flop. C'est le bruit du mouvement qu'a fait l'eau quand un poisson a sorti sa tête de l'eau pour attraper deux, trois miettes à la surface. Ça me rappelle quand ma cousine et moi passions des heures dans l'eau chaude de la mer à donner des noms au poissons. Celui-ci, on l'aurait appelé Jean vu la couleur bleue grise de ses écailles et son air froid. J'ai passé une enfance normale à Nice, même plutôt sympa. Mais c'est à l'adolescence que tout a dérapé... ma famille et la rébellion, c'était l'association désastreuse.
Il m'arrive souvent de me questionner sur la vie que je mènerais si j'étais restée à Nice. Est-ce que j'aurais réussi à mettre fin aux rumeurs ? Est-ce que j'aurai donné raison à ma réputation ? Est-ce que je serais devenue comme mes parents ?
Je déteste ne pas avoir le contrôle. Les seules fois où j'ai décidé de quelques choses sont quand j'ai emménagé chez mon copain de l'époque, quand je l'ai quitté et quand j'ai décidé de venir à Rennes. Là, j'ai compris ce qu'était le libre arbitre. Mais depuis, c'est comme si j'étais une marionnette et que le mec au dessus de moi se faisait une joie de rendre mon existence lourde et vite lassante.
J'ai vraiment hâte de me réveiller un jour et de me demander « qu'est-ce que je vais faire de ma journée pour rendre ma vie encore plus palpitante qu'elle ne l'est déjà ?».
J'ai tout ce qu'il me faut, il me manque juste la force et le courage d'affronter les gens qui se mettront en travers de mon chemin.
- Attention !
Une vois douce et grave à la fois me fait sursauter et je manque de tomber en arrière, mais un jeune homme me rattrape de justesse.
Je me redresse et il se met à rire. Son rire est comme un aboiement de mouette et c'est vachement comique, c'est pour ça que je me retrouve à me tordre le ventre aussi. Ses longs cheveux bouclés s'agitent dans tous les sens et il ne voit bientôt plus rien. Nous reprenons notre souffle et nous nous observons les yeux pétillants de malice. D'un geste, il replace ses cheveux derrière ses oreilles. Mes yeux brillent, émerveillés devant tant de beauté.
- A quoi est-ce que je devais faire attention, au fait ?
Le grand garçon à la chevelure brune s'empourpre légèrement. Je souris comme une dingue et me mordant les lèvres : c'est si mignon un garçon gêné.
- Pour tout te dire, je me parlais à moi-même. T'es apparue comme ça, devant moi. Ça m'a déstabilisé, il avoue.
Je prends un air étonné et lui donne un coup de coude.
- C'est moi qui t'ai déstabilisé ? Comment ça se fait ?
Il se rapproche de moi lentement et colle son visage au mien. Ses lèvres me caressent l'oreille et j'ai quelques frissons.
- ... tu es la plus belle fille que j'ai jamais vue, il me murmure.
Il se redresse et je lui souris tendrement.
- Merci.
Le garçon laisse échapper un rire de ses lèvres pulpeuses.
- En réalité, tu as faillit poser ton pied sur un escargot. Je devais t'empêcher de commettre un meurtre.
Je ris doucement.
- Je me disais bien, aussi. Je ne suis pas si belle que ça.
Il écarquille ses yeux.
- Tu rigoles ? Ça aurait pu être vrai. T'es hyper canon !
Je le remercie d'un sourire timide. Je ne suis pas vraiment habituée aux compliments et ça me met mal à l'aise. Je crois qu'il attend que je fasse quelque chose ou que je parle parce qu'il me regarde avec insistance. Il n'a pas l'air de vouloir partir d'ici.
- ... je m'appelle Ascane Rivoli.
Il me sourit.
- Et moi Lucas Devance. C'était vraiment cool de t'avoir parlée.
Il me fait un clin d'œil avant de me tourner le dos.
- Attends !, je m'écris.
Je m'empresse de le rattraper avant que je me dégonfle et regrette de l'avoir laissé partir comme ça.
Il se retourne vers moi, un air satisfait sur le visage et nous rions timidement de cette situation gênante.
Je ne sais pas ce qui m'a pris de faire ça, ce n'est pas mon genre de courir après quelqu'un. A croire qu'il m'a vraiment tapé dans l'œil. Je tapote nerveusement ma robe pour y retirer de la poussière et me jette à l'eau :
- Peut-être que je peux te donner mon numéro de téléphone et... disons que si tu trouves une fille plus belle que moi, tu m'appelles ?
Je lui dicte mon numéro et il l'enregistre dans son téléphone. Il me regarde ensuite, un sourire au coin des lèvres.
- Ça va être quasi impossible de trouver plus belle. Au revoir Ascane.
Il me fait un grand sourire avant de s'en aller. Putain, qu'est-ce qu'il est beau ce type.

Alors ? Des avis ? :))
08/07/19

Il fut mon histoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant