6.

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- La soirée te plaît ?
Je hoche la tête.
- Oui. Je me suis régalée, merci.
Kilian et moi marchons main dans la main en faisant le tour des terrains de golf.
- Tu sais le garçon que tu as vu l'autre soir... ce n'était pas moi.
Je suis soulagée qu'il ose m'en parler. C'est une preuve qu'il a envie d'être sérieux avec moi.
- C'est vrai que t'étais totalement différent de d'habitude. Ça m'a fait peur de te voir comme ça.
Il pousse un soupire.
- Je sais. Et je suis désolé. Quand je bois j'ai souvent des réactions disproportionnées mais ce n'est pas une excuse. Je te demande pardon Ascane.
Il se retourne vers moi et me donne un sourire d'excuse.
- C'est oublié, je dis.
Il me tend un demi sourire et je ne peux m'empêcher de le trouver séduisant. Ses beaux yeux verts brillent devant le ciel noir et j'en ai presque la chair de poule. Qu'est-ce qu'il est beau !
Il balaye le vent de ses mains, comme pour chasser cette soirée de son esprit.
- Parle-moi de ce que tu aimes faire, il change de sujet.
Je ris timidement.
- Tu sais, je ne fais pas grand chose. En général je ne bouge pas de l'appartement, sauf pour aller travailler.
- Alors... qu'est-ce que tu peux faire de si intéressant dans ton appartement qui vaille la peine de manquer des milliards de choses géniales du monde extérieur ?
Je m'esclaffe.
- Arrête, je ne manque pas tant de choses que ça, si ?
Il hoche la tête en m'envoyant un sourire éclatant et je fais la moue.
- Non je ne crois pas.
- Qu'est-ce que tu fais chez toi, sérieux ?
Je hausse les épaules.
- Tu vas trouver ça débile.
Kilian me prend dans ses bras. Il a un air attendrissant qui me fait ricaner. Il me caresse les cheveux d'une main tandis que l'autre est affairée sur ma hanche.
- Non, non. Dis-moi tout !
- Je passe mon temps dans mon lit à rêver et réfléchir.
Il continue de me sourire en me regardant de biais pour essayer de ne pas trop me mettre mal à l'aise.
- J'aime bien, tu vois. C'est relaxant et je n'ai aucune limite d'imposée, je me justifie.
Je comprends vite que Kilian n'a pas saisi le concept et qu'il me trouve bizarre. Mais je le remercie de ne pas faire de remarques.
- Et c'est tout ?
- Non. Je lis, aussi. Et il m'arrive parfois de chanter.
Il ricane.
- J'aimerais bien t'entendre chanter !
Je me défais de son emprise en esquissant un petit sourire gêné. Je fais un pas en avant mais Kilian m'empêche d'aller plus loin en me rattrapant par le bras. Je pivote sur moi-même et une chose entraînant une autre... je tombe dans ses bras. Seuls quelques centimètres séparent nos corps et je me sens vite oppressée. Un noeud vient se former dans ma gorge mais j'affiche un sourire sur le visage pour paraître normale. Nous sommes si près l'un de l'autre qu'on pourrait presque croire qu'on s'apprête à se bécoter.
J'ouvre la bouche pour parler mais Kilian m'interrompt en recouvrant ses lèvres sèches sur les miennes. Nous nous embrassons avec la même lenteur qu'il a fallut pour construire l'univers, avec ce calme et cette confiance, et ça en devient vite étrange. Mais on s'embrasse et on construit notre univers.
Kilian s'écarte de moi, un sourire satisfait au coin des lèvres.
- C'était... sympa, je conclus.
Sympa ?
Nous faisons demi tour et arrivons rapidement devant la voiture de Kilian.
- Je te ramène, mon amour ?
Je sursaute, étonnée, et il se met à rire.
- Je rigole ! Tu verrais ta tête ! Allez, viens, il dit en ricanant.
J'ouvre la portière de sa voiture et m'assois sur le siège frais. Alors que je commence à me sentir à l'aise avec lui, Kilian fait une gaffe.
- Je n'ai vraiment pas perdu mon temps.
Je ris nerveusement.
- Comment ça tu n'as pas perdu ton temps ?
Il fait rugir le moteur de sa voiture, un grand sourire fier sur les lèvres, avant de démarrer. Nous sortons du parking et nous nous engageons sur la route. S'il y a bien une chose que je hais plus que les moteurs qui rugissent, ce sont bien les attardés qui font rugir le moteur de leur voiture, mais je m'abstiens de le lui dire.
Une fois qu'il peut relâcher sa garde sur la route, il essaie de m'expliquer sans prendre en compte ma question.
- Ce que je veux dire c'est que je n'ai pas perdu mon temps avec toi. J'ai apprécié être avec toi, j'ai bien aimé cette soirée.
- Tu me vois comme une affaire à régler ?, j'insiste.
- Non !, il proteste.
- Je suis dans ta TO DO LIST, c'est ça ? Tu pensais qu'on n'irait pas aussi loin mais tu as tenté en espérant ne pas perdre ton temps !
Kilian pousse un soupire. On dirait que mes paroles l'ont affecté pour le moins du monde. Il reste calme et mon envie de l'étrangler s'intensifie. Sérieusement, il me prend pour qui ?
- Tu as mal compris ou c'est moi qui me suis mal exprimé. Ce que tu penses, crois-moi, c'est pas vrai. Je ne pensais pas que ce rendez-vous allait être aussi génial ! C'était au-delà de mes espérances, voilà tout.
- T'es tout calme, je grogne.
- Je suis calme parce que j'ai raison. Je n'ai pas besoin de m'énerver alors que c'est juste un malentendu.
Je lève les yeux au ciel. Est-ce qu'un jour il se fatiguera de toujours vouloir avoir le dernier mot ?
- Toi, Ascane, pourquoi est-ce que tu es énervée ?
Je me mords les lèvres pour contenir ma colère en faisant des mimiques moqueuses à son égard. À cet instant, j'ai juste envie de sortir de la voiture en furie et ne plus jamais revoir Kilian. J'ai hâte de rentrer  n'es moi, je ne suis vraiment pas faite pour les relations.
- Tu joues avec moi, Kilian, je souffle.
- Non, non !, il s'exclame. Tu me plais beaucoup, depuis le début. Quand Luc nous a fait rencontrer, je suis direct tombé sous ton charme.
Je jette un coup d'œil dans le rétroviseur : j'ai les joues rouges écarlates. Je ne sais plus où me mettre. Je m'attendais à des excuses, des mensonges mais pas à ce qu'il me dise que je lui plaisais. Je laisse un long silence pour prendre le temps de réfléchir aux solutions possibles mais je n'en vois qu'une seule réaliste : je dois me calmer. J'avale ma fierté et m'excuse timidement.
- ... pardon, je me suis peut-être un peu emballée pour rien.
Kilian a un rictus aux lèvres.
- C'est rien. Je suis maladroit mais je ne t'utilise pas. Je te veux, vraiment.
Il lâche une seconde sa route des yeux pour me regarder. J'ai le regard vide et le visage neutre quand il essaie de percevoir mes émotions : je suis un vrai bloc de béton. Je suis toujours comme ça, c'est une mauvaise habitude que j'ai prise en me refermant sur moi-même. Donc pour le rassurer, je lui souris. J'espère le mettre en confiance même s'il n'a pas vraiment l'air d'en manquer.
- Ce n'est peut-être pas clair mais je te demande d'être ma petite amie, là, il précise en ricanant.
Je pousse un cri d'étonnement et je me mets à rire nerveusement. Il est tombé sur la tête ?
- Alors ?, il insiste.
Je lève les yeux au ciel.
- Je ne sais pas... déjà ?
Il hausse les épaules, l'air nonchalant.
- Je te veux.

23/07/19

Il fut mon histoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant