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La bibliothèque est sûrement le dernier endroit où je pourrais aller. J'adore lire, glisser mes doigts le long d'un bouquin en le râpant avec mes ongles. Ça m'apaise et c'est une habitude que j'ai depuis mes 13 ans, quand j'ai compris à quel point la lecture était si importante pour moi. Je voulais toucher le livre, le ressentir, entrer dedans. Toute ma vie j'ai préféré faire partie d'un roman plutôt que de cette vie. Tout est déjà écrit, les personnages ne sont même pas fatigués puisqu'ils font ce que l'écrivain décide pour eux. Dès leur création, les personnages ont déjà une vie de tracée. Mais moi, c'est ma vie. Si je la rate c'est de ma faute, pas celle d'un écrivain sadique.
Les livres sont tout pour moi. Mon petit monde, en fait. Ce que j'aime par dessus tout c'est humer l'odeur des vieux livres. Donc pourquoi je ne mets jamais les pieds dans une bibliothèque ? Tout simplement parce que la moyenne d'âge des personnes fréquentant ces lieux est d'environ 65 ans. Je déteste me sentir seule au point d'être obligée de faire la conversation à un vieux qui pense déjà tout avoir appris de la vie et qui ne souhaite que remettre en question la nouvelle génération. De plus, je nourris une haine pour les bibliothécaires depuis toujours. Chacune d'entre elles me regardait de haut lorsque je me dirigeais dans la section « garçon » pour trouver des histoires de combats à dos de dragons.
Lorsque je pousse la porte de ce grand bâtiment, l'odeur poussiéreuse des bouquins vient me chatouiller les narines et je ne peux m'empêcher de sourire.
Je me dirige d'un pas déterminé tout au fond des étagères vers une dame assez âgée qui a l'air de s'occuper des emprunts.
- Je ne suis pas sûr qu'on puisse trouver des livres érotiques, ici..., dit avec une pointe de déception une voix masculine, derrière la rangée juste à ma droite.
Machinalement, je m'empresse d'aller me cacher. Je me mets accroupi, je respire lentement et je tends mon oreille. J'agis de la manière la plus idiote possible, mais la suite de la conversation promet d'être hilarante, et je ne veux pas manquer ça. Je regrette un instant de faire des sérénades, mais ce n'est pas pour autant que je me relève et repars faire ce que j'ai à faire. Non, je ne bouge pas, j'y suis, et je resterai jusqu'à que cette conversation se termine.
- Tu dis trop de conneries mec, souffle une voix qui m'est familière. Bien sûr qu'il y en a ! Mais ils sont planqués, juste derrière...
J'aperçois une main bouger près de moi et avant que je puisse réagir, je me retrouve nez à nez avec lui.
- Lucas ?
Il a l'air aussi étonné que moi.
- Qu'est-ce que tu fais ?
Il échange un regard complice avec son ami, puis se relève en lâchant un ricanement. Je l'imite. Bon sang, qu'est-ce que je vais pouvoir lui raconter ?
Les garçons contournent l'étagère et viennent se planter devant moi, prêts à exploser de rire.
- La partie érotique d'une bibliothèque, numéro un des endroits les plus bizarres où rencontrer une amie.
Je pousse un soupire, soulagée. Il fait comme si il n'avait pas remarqué que j'étais en train de les regarder. Je me détends et jette un coup d'œil autour de moi. Je m'éprends d'un immense fou rire en découvrant les ouvrages érotiques par centaines dans tout les recoins.
Lucas me tend un livre avec un rictus aux lèvres. J'observe un instant cet ouvrage avec un air admiratif: ses belles couleurs pastels retiennent toute mon attention. A tel point que je ne remarque pas les deux corps nus dans le coin du livre.
Je lui redonne le livre en levant les yeux au ciel.
- Merci mais j'ai des choses plus intéressantes à faire.
- Le policier, les menottes, et la demoiselle à la chevelure rose, il dit doucement. Tout à fait ton style !
- Tu reverrais d'être ce policier pour te taper des milliards de femmes avoue, je le taquine.
Il prend un air hautain et me toise de haut en bas. Il s'élance vers moi et nous nous retrouvons face à face.
- Je suis déjà ce policier, Ascane. Un jour tu t'en rendras compte !
Je me retiens de sourire à son numéro comique en mordant mes lèvres.
Je n'avais pas fait attention à quel point il était grand. Je lui fais la remarque et il me sourit.
- J'ai un faible pour les filles petites.
- Je vais vous laisser... j'ai des trucs à faire. On se retrouve chez toi mec.
Son ami, qui était resté discret dans le dos de Lucas, s'élance vers moi pour me prendre dans ses bras. Lucas nous observe avec dédain ce qui me fait ricaner. Je serre son ami contre moi et il en profite pour glisser son nom dans mon oreille.
- Moi c'est Jason. Content de t'avoir vue.
Il s'en va et me laisse dans un courant d'air. Lucas et moi nous fixons avec un sourire idiot sur le visage.
- Qu'est-ce que tu faisais là ?
- Je dois rendre ce livre, je dis en agitant devant lui le bouquin que Julien m'a confié.
- Alors on va le rendre et après tu te libères pour passer tu temps avec moi ?
- Ça dépend ce que tu comptes faire de moi et de tes menottes, je dis avec un air malicieux.
Il s'approche de moi, les yeux pétillants de malice, et me prend dans ses bras. Sa douce odeur vient chatouiller mes narines et j'ai l'impression que respirer son parfum c'est comme respirer l'air du Paradis. Il se détache de moi et nous nous dirigeons main dans la main vers le bureau du fond.
A trois pas de la vieille dame, il chuchote doucement au creux de mon oreille que les menottes n'attendent que moi et je deviens rouge écarlate.
Arrivés devant la bibliothécaire, je perds tout mes moyens et n'arrive pas à prononcer un mot.
- Je..., je balbutie.
Lucas vient à mon secours après s'être moqué de moi. Il prend le bouquin de mes mains qu'il rend au nom de Julien Schefi.

10/11/19

Il fut mon histoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant