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- Alors, Mollie ne te manque pas trop ?
Julien me rit au nez.
- Non, au contraire. Mon argent ne part plus à droite et à gauche et j'ai plus de temps pour moi. C'est cool que quelqu'un d'autre puisse la supporter.
Je lui fais les gros yeux.
- Ne sois pas aussi vache avec ta sœur, elle est chiante mais elle t'aime.
- Si tu savais ce qu'elle me fait endurer cette peste, il dit en riant. Elle a toujours de grandes idées, c'est fatiguant parfois.
- T'es tranquil en ce moment.
Il me sourit tendrement.
- Oui. Et heureusement que tu restes avec moi aussi. T'es cool comme fille.
Je lui souris timidement.
- Toi aussi t'es cool. Tu vois, on s'entend à merveille.
J'ai du mal à être totalement détachée. Je suis comme... ailleurs. Je ne fais que de penser à Kilian. Je pousse un long soupire et repose ma tête en arrière sur le canapé.
- Je me sens vide. Désolée de ne pas être joyeuse, c'est pas le moment.
Julien prend ma main et me la serre fort. Il plonge ses yeux doux dans les miens, et son regard apaisant me fait du bien.
- Ça va aller. Tout ce qui est nouveau, ça fait peur. Mais faut avancer. Tu es forte, je crois en toi.
- Merci, je dis, du bout des lèvres.
Il dépose un baiser sur ma joue et se relève.
- Tu veux que je te laisse dormir ?
Maintenant qu'il y a de la place, je m'étends en long sur le sofa. Je ferme les yeux et amène mes genoux sur ma poitrine.
Je ne lui répond pas mais il comprend que je suis juste complètement fatiguée.
- Bonne nuit Ascane.
- Bonne nuit, je dis en baillant.
C'est ainsi que j'entame ma nuit. Je suis complètement perdue. Deux émotions prennent totalement le controle sur moi : la peur et le regret.
Vers minuit, je trouve le sommeil. Mais je me réveille, en larmes, quelques heureuse plus tard.
Merde. Qu'est-ce qui tourne pas rond chez moi ?
Je m'essuie délicatement les larmes, Mon visage et mes yeux me brûlent. Je me lève, je me traîne dans la cuisine, sans la moindre énergie. Je suis complètement perchée.
Quand je passe devant le miroir, je m'arrête pour jeter un coup d'oeil à mon allure. Je peux apercevoir même dans le noir, mon visage rouge et irrité. Je me mords les lèvres pour contenir mes larmes, c'est un Enfer. Je ressemble à un zombie.
Je traîne ensuite mes pieds jusque le placard à alcools. Je sors une bouteille de vodka et ni une ni deux, le liquide glisse déjà dans ma bouche. Avant d'affronter mes peurs, je m'autorise à déconner. J'ai besoin de décompresser. Je me sens nulle. J'ai soif.
J'ai toujours fini par décevoir quelqu'un. Je n'arriverai jamais à devenir la personne que je souhaite être. Et je crois être bien trop loin pour faire machine arrière.
Je m'avache sur la table et ma tête cogne fort sur le bois. Je pousse un cri de douleur. Putain, j'espère ne pas faire trop de bruit. Pauvre Julien.
Je relève difficilement ma tête qui se fait de plus en plus lourde, et mon regard se fixe sur le mur en face de moi. J'aperçois un journal avec en-tête d'affiche une photo de Zizou. Tiens, je ne savais pas que Julien était fan de football. Je me lève, curieuse. Quand mes mains attrapent le bout de papier, je peux lire l'article. "Luca Zidane, le talentueux fils de son père". Mon cerveau s'arrête net. Et mon Lucas, au fait ? Cela doit faire plus d'une semaine que je n'ai pas de nouvelles. Il me manque terriblement. Il sait parler à mon âme mieux que quiconque.
Je range la bouteille en vrac et m'empresse d'attraper mon téléphone.
Je me demande comment il se porte sans moi ? Est-ce qu'il pense à moi ?
Je clique sur son numéro et en même temps que la sonnerie retentit, je me déplace en titubant à la fenêtre du balcon. Ok, j'ai peut-être un peu trop bu, mais j'ai mes raisons.
À ma plus grande joie, Lucas décroche.
- Quoi ?, il demande, la voix pâteuse.
J'arrive à peine à parler, ma mâchoire est lourde et ma langue est... énorme ?
- Merci, je dis.
- Ascane, ça va pas ? Pourquoi tu m'appelles à cette heure-ci ?
J'ignore ses questions. Je m'en fiche de parler de moi, je veux juste prendre de ses nouvelles.
- Chill, mec. Comment tu vas, toi ?
- Je vais bien. Tu es où ?
Je souffle.
- Chez un ami.
- Ah bon, sa voix se durci. Qui ça ?
- Tu connais pas.
- Il y a un problème ?
- Euh... non, enfin si. Tu me manques. Je te manque aussi ?
Il pousse un soupire. Je dois certainement faire pitié.
- Désolée, je dis, en retenant mes larmes. C'est le bordel.
- Je sais. Ça va aller. Tu me manques aussi, Ascane. Mais il est tard, là.
- On se voit bientôt ?, je le supplie presque.
- Promis. Bon, bébé, va t'allonger.
- Je ne veux pas dormir, je grogne.
- Non, on va parler. Mais allonge-toi. S'il-te-plaît.
- Ok.
Je marche, ou j'essaie du moins, jusque mon lit de ce soir. Je me concentre et réuni toute mes forces pour ne pas m'écrouler au sol. Je m'installe, avec douceur, sans faire de bruit. Pauvre Julien, s'il me voyait dans cet état...
- Tu es mieux ?
- Oui.
- Je vais te raconter ma journée, mais je te conseille de fermer les yeux. Ce sera plus agréable.
C'est ce que je fais. Mes paupières se ferment sans besoin d'effort, je suis complètement crevée.
- Raconte, je dis.
Il s'éclaircit la voix et je me mets à sourire. Heureusement qu'il ne me voit pas, c'est ridicule.
- Alors j'ai partagé un café avec mes collègues, pour commencer bien la matinée, je me suis décidé à ranger quelques dossiers qui traînaient sur mon bureau, puis j'ai patrouillé en moto dans la ville.
- Ça doit être génial, je le coupe. Ça te plaît, non ?
- Bien sur, j'adore. Après avec mon collègue, on s'est arrêtés à l'entrée d'un collège et une bagarre s'est déclenchée. Deux gars se cognaient la gueule devant les autres mômes qui profitaient du spectacle.
Je ris méchamment.
- C'est idiot, j'ai pitié.
- Moi aussi j'ai pitié. Par la suite, ça s'est empiré à un contre trois. Des malades ces types. Pour une histoire de filles, en plus.
- Tu les as séparés ?
- Obligé. On les a remis à leur place.
Lucas arrive à me distraire et cette histoire des jeunes collégiens captive mon cerveau. Sa voix m'apaise et me berce, et je m'étonne moi-même d'être restée éveillée.
- Comment ça s'est fini ?
Lucas se met à bâiller, c'est tellement mignon. J'aimerais être près de lui à cet instant. Pour être là, tout simplement.
- Ils ont fait les malins et ils ont finis au poste.
- Waouh, je dis en soupirant, parler me demande de plus en plus d'efforts au point où j'en suis.
- Mais ne t'en fait pas, Rennes est calme mis à part ça, il dit pour me rassurer. Et puis je suis là pour te protéger.
- Je te fais confiance, je dis d'une voix toute endormie.
- Tu sais que tu n'as rien à craindre avec moi, hein ?
- Oui, je sais Lucas.
- Bien. Je te sens fatiguée là, non ?
- Oui, j'ai du mal à rester concentrée.
- Alors il faut que tu dormes.
- Reste, je le supplie.
- Je ne raccroche pas, promis. Je suis là.
Pourquoi est-ce qu'il m'écoute ? Pourquoi est-ce qu'il reste à mes côtés même lorsque je dis n'importe quoi ? Pourquoi est-ce qu'il s'intéresse à moi ?

12-05-2020

Il fut mon histoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant