Il fut mon histoire

27.

- On va chez moi ce soir, il m'informe.
J'essaie d'afficher un air serein mais je crois que mes sourcils arrondis me trahissent.
- Reste tranquille, je ne vais pas te manger, il reprend.
Je ris franchement.
- Espèce de mal baizé, va !, il hurle à un autre automobiliste qui lui coupe la route.
Je me fais petite dans mon siège lorsque le conducteur en question nous lance un regard terrible. Je sursaute quand il se met à klaxonner et Lucas rit jaune.
- Bouffon, il murmure en lui faisant des appels de phares.
Heureusement pour nous, le type trace sa route et je pousse un soupire de soulagement.
- Il y a vraiment des gens qui ont besoin d'apprendre certaines règles de vie en communauté, souligne Lucas.
Je ris de l'ironie de la situation pendant Lucas me regarde du coin de l'oeil.
- T'es pas tout seul sur la route imbécile, il murmure tout bas, en serrant les dents.
- Reste poli.
- Quoi ?, il demande, étonné, comme si il avait murmuré trop bas ses injures pour que je puisse les entendre.
- Je n'aime pas entendre ce genre de chose de ta bouche.
Il tourne son visage vers moi une seconde et me sourit.
- Pardon. Mais il y a des gens qui ont le don de me mettre sur les nerfs.
Je hausse les épaules.
- Il était peut-être pressé.
Il serre ses mains sur le volant, énervé.
- Et alors ? Si tu crois pas que je suis pressé de te ramener chez moi !
Je lève les yeux au ciel.
- T'es pas obligé de réagir, c'est tout. Ça aurait pu nous attirer des problèmes.
Il explose de rire.
- C'est quoi ton truc ? Tu me la joues Panglos ?
Je le fusille du regard.
- Quoi ?
- Tu sais, Pangloss dans Candide... le personnage un peu bête.
- Oui, je sais, je dis froidement. Merci.
Il pose sa main sur ma cuisse et mon coeur manque un battement.
- Je plaisante.
Je lui souris hypocritement.
- Promis, il ajoute en riant. Mais pour ton information, je me serais fait un plaisir de donner des cours de conduite à ce gueux.
Deux feux rouges et deux "putain de crétins" plus tard, Lucas arrête le moteur.
- On y est.
Il descend de la voiture et je l'imite.
- Pas trop froid ?, il demande un sourire en coin.
- Non, je dis en tremblotant.
Il se précipite de mon côté et se colle à moi pour me réchauffer. Il m'enlace de ses grands bras et ça va un peu mieux.
- Merci.
- Toute le plaisir est pour moi, il dit et je lui donne un coup de coude dans les côtes.

15/03/20