Chapitre 6

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   Jimin ouvrit les yeux lorsque le premier rayon du soleil vint tendrement caresser sa joue, léger comme une plume. Il s'était endormi habillé, ses chaussures encore lacées à ses pieds fermement ancrés sur le sol, à plat dos sur le lit. Il se redressa lentement, et fut pris d'une crampe à la jambe.

- Aïe ! cria-t-il d'une voix rauque.

    Il avait la bouche très sèche, se sentait déshydraté. Après tout, il n'avait rien bu depuis le seul shot de soju qu'il avait avalé la veille avec Hoseok. Il se mit debout précautionneusement, car chancelant, et se dirigea vers sa cuisine. Là, il prit un verre et le remplit d'eau, qu'il avala avec un anti-dépresseur.

   Il avait à peine dix ans lorsqu'un médecin avait décrété que le comportement de Jimin n'était pas normal. Ses professeurs le disaient à ses parents « Jimin n'aime pas se mêler aux autres, il reste dans son coin à dessiner, il ne participe jamais aux activités de groupes, restant silencieux. » mais également « Ses dessins sont inquiétants, voyez par vous mêmes ». Et ils accompagnaient la parole au geste en montrant les dessins de Jimin à ses parents.

Il étaient inquiétants, en effet ; malgré la luxuriance des couleurs, des détails clochaient. Un chat avec un large sourire, trop large pour ses mâchoires, se tenait sur un arbre ; un personnage, à genoux et de dos en arrière plan, laissait apparaître ses larges épaules sous un vêtement déchiré, couvertes de plumes. A dix ans,l'imagination de Jimin était déjà complexe et abondante, et son entourage avait peur qu'il ne reste renfermé en lui-même pendant des années, voire toute sa vie.

Jimin a passé son enfance à aller de médecins en médecins, changeant de psy constamment, car il refusait de leur dire un mot. On lui prétexta des attitudes autistiques, mais ce n'était pas cela ; Jimin n'avait pas de difficultés à communiquer avec le monde, il n'en voyait simplement pas l'intérêt, s'ennuyait des personnes qui l'entouraient, et ne souhaitait pas se mêler à elles. Mais pour les médecins, il y avait forcément une explication, évidemment. Alors à l'âge de quinze ans, ils ont décrété que Jimin était dépressif. Si cela pouvait leur faire plaisir. La seule chose qui lui faisait mal, c'est que sa famille préférait croire les médecins plutôt que Jimin. Comme s'ils souhaitaient qu'il soit malade et anormal. C'était plus facile pour eux de chercher un moyen de le modifier, le modeler comme ils le voulaient, plutôt que de l'accepter tel qu'il était. Alors il avait commencé un traitement contre la dépression, qui ne changeait strictement rien, mais il continuait de le prendre pour donner le change. Il devrait arrêter, maintenant qu'il avait coupé les ponts avec ses proches... Et puis, il n'y avait pas que cela... Jimin ne leur pardonnerait jamais ce qu'ils lui ont fait. Ils ont trahi sa confiance en l'envoyant à l'asile.

    Il était bien heureux d'être parti de chez eux pour aller à l'université à Séoul, bien que cela ne l'angoisse au fond de lui-même, de perdre tous les repères de son enfance et son adolescence. C'était cependant un renouveau pour lui, ce déménagement forcé, une renaissance. Il avait commencé à changer d'ailleurs, depuis son arrivée à Séoul, son intérêt pour le monde commençait à s'éveiller. Peut-être que ce traitement commençait à fonctionner, finalement. Il eut un sourire amer à cette pensée.

Le téléphone de Jimin sonna. Il décrocha sans regarder l'écran, sachant parfaitement qui était à l'autre bout du fil.

- Hoseok, dit-il en soupirant.

- Wow, l'enthousiasme est à son paroxysme, railla le garçon aux cheveux violets dans le combiné.

- Qu'est-ce que tu veux ? On s'est vus hier.

Crossroads - jikookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant