Chapitre 18

850 100 55
                                    

   Ce fut au tour de Jimin d'être décontenancé.

- C'est quoi ces salades ? Comment ça, je t'ai aidé l'an dernier ? demanda l'intéressé, méfiant et circonspect.

- Comme je le redoutais, tu ne t'en souviens pas. C'est pas évident, vu ce qu'ils te donnaient...

- Mec, je te connais depuis quelques semaines seulement, qu'est-ce que tu me racontes...

- C'est bien ce que je dis. Tu as oublié. T'inquiète pas, je m'en suis rendu compte dès le premier jour où j'ai enfin osé venir te voir.

- Comment ça ?

- J'ai vu dans ton regard que tu avais oublié qui j'étais, rien qu'à ta façon de me parler. J'étais seulement un étranger à tes yeux, et je t'avoue que ça m'a fait mal.

- Mais explique-moi à la fin, sinon je me barre pour de bon, s'énerva Jimin.

- Oui, bah laisse-moi en venir aux faits !

   Hoseok s'installa dans l'herbe, en tailleur, en face de Jimin, et commença à raconter.

- Ça faisait deux ans que j'avais été interné au service renforcé de cet hôpital à Busan. Tu vois ces cicatrices sur mes poignets, les mêmes que les tiennes ?

   Il vit Jimin froncer les sourcils, mais reprit aussitôt.

-  Je ne les ai pas faites de la même façon que toi. Moi j'ai fait une tentative de suicide. C'était la première fois que je trouvais le courage de m'ouvrir les veines. Il m'avait fallu dix-sept ans pour ça.

   Il eut un rire amer.

- Pourquoi tu as fait ça ? demanda Jimin avec plus de douceur, attentif.

- Comme je te l'ai déjà dit, j'ai perdu ma mère quand j'étais gamin. Plus précisément, elle m'a abandonné dans un parc. Depuis ce jour, j'ai ce sentiment que, si elle l'a fait, c'est que je n'étais pas assez bien pour elle, ni pour ce monde. J'étais un gamin débile, hein. J'ai fait une grosse dépression, comme toi. Te mens pas à toi-même, tu es dépressif Jimin ; j'ai vu ton diagnostic. Je ne sais pas ce qui t'as fais tomber malade, tu n'as jamais voulu me le dire, mais moi c'était l'absence de ma mère qui me pesait, et la pression à l'école. En plus de pas être un gamin normal parce que j'avais pas de mère, j'étais pas particulièrement brillant, et tu connais les professeurs, la compétition avec les camarades de plus en plus éprouvante au fur et à mesure qu'on grandissait. Alors j'ai voulu que tout s'arrête. A dix-sept ans.

   Hoseok reprit sa respiration. Jimin l'observait avec attention. Il avait beau s'efforcer de se souvenir, il avait fait un blocage sur ces deux années qu'il avait lui-même passé dans cet asile -cet hôpital- et les seules bribes qui lui restaient était ce cauchemar qui lui revenait sans cesse. Des murs blancs. Une vieille dame qui se lamente. Des sanglots derrière la porte 315. Des sanglots qui lui était familiers mais qu'il ne savait raccrocher à personne. Se pouvait-il... ?

- Tu es arrivé un an après moi. La porte 328, au coin du couloir, je les ai vus t'escorter à ta chambre, encadré par deux infirmières. Et pour mon propre salut, mon voisin de table au réfectoire. J'ai dû passer une semaine seul à ma table, je me souviens, parce que tu refusais de descendre. Et puis un jour tu es descendu.

   Les yeux d'Hoseok se faisaient suppliants à ce moment, il enjoignait Jimin à se souvenir avec lui, mais Jimin faisait tous les efforts possibles, le seul filament de souvenir qu'il avait était cette porte 315 qu'il ne pouvait quitter des yeux dans son cauchemar. Il fallait qu'il pose la question à tous prix.

Crossroads - jikookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant