CHAPITRE 13 - EZECHIEL

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J'ai dû resserrer ma prise sur Alec au début de trajet si je tenais à ma vie et ne voulais pas tomber. J'avais peur qu'il me repousse face à ce geste mais soit ça ne le dérange pas, soit il a bien compris qu'autrement j'allais tomber. Nous sommes donc... enlacés. L'image qu'on renvoie doit être intéressante, nos grandes tailles n'étant pas du tout proportionnelles à la trottinette sur laquelle nous nous tenons.

— C'est là.

Il nous arrête après que je lui aie indiqué mon immeuble. Je l'observe tandis qu'il lève les yeux pour jauger ce qu'il a sous les yeux.

— Et bien, c'est pas mal chez toi.

— Tu n'es même pas entré.

— Non, mais de ce que j'aperçois ça doit être pas mal.

Je hausse les épaules ne tenant pas à m'épancher plus sur le sujet et le remercie de m'avoir ramené, aussi bizarre que ça ait pu être.

— Pas de souci.

Il repart après ces mots et je ne peux m'empêcher de me demander s'il s'attendait à ce que je l'invite à entrer chez moi. Après tout, j'ai passé beaucoup de temps chez lui. Étais-je censé lui rendre la pareille ?

Pas que je ne voudrais pas... Mais faire entrer quelqu'un dans mon lieu de vie signifie, bizarrement peut-être, beaucoup à mes yeux. Et je n'arrive pas à déterminer si Alec aurait mérité que je lui ouvre les portes de chez moi.


— Je pars en week-end demain soir avec la bande.

Je viens à peine de me rappeler que je n'avais pas prévenus mes parents alors que je pars dans moins de 24 heures. Ils me laissent beaucoup de liberté certes mais exigent en retour que je leur dise où je me rends, malgré mes 19 ans. Dont ils se moquent puisque je ne suis, au final, "qu'un grand bébé".

Ma mère interrompt sa lecture à l'entente de ma voix, un énième livre de développement personnel, tandis que mon père n'est pas la pièce. Certainement dans son éternel bureau.

— Où ça ?

— Pas loin, dans une villa mi-maison, mi-spa. Jacuzzi et sauna. Cool, non ?

— Je peux me cacher dans ton sac ?

Elisa, dont je n'avais pas remarqué la présence au salon, vient de s'inviter dans la conversation. Je savais qu'à l'entente du mot "jacuzzi" celle-ci demanderait à venir.

— Ça ne sera malheureusement pas possible, sorry not sorry.

Elle fait mine de bouder alors qu'elle savait très bien que c'était un refus qui l'attendait.

— Amuse-toi bien mon garçon dans ce cas. Et ne bois pas trop.

Elle me lance ce regard qui signifie qu'elle sait très bien que 3 jours en compagnie de ses amis rime avec alcool coulant à flots. Et ce n'est pas moi qui vais la contredire.

Je les laisse pour retourner dans ma chambre et ainsi laisser ma mère reprendre sa lecture. Je ne sais pas trop ce que fait Elisa, assise bizarrement semblant suivre un tutoriel sur Youtube, mais je la laisse reprendre ça elle aussi.

Alors que je finis de boucler mon sac pour demain comme ça je n'ai pas à m'en soucier le matin, j'entends qu'on frappe à ma porte. C'est l'accro aux réseaux sociaux notoire qui apparait dans l'encadrement et je sais déjà qu'elle va m'embêter au vu de la malice que je lis dans ses yeux.

— Qu'est-ce que tu veux toi ?

Elle ferme la porte avant d'entrer et de s'asseoir en tailleur sur mon lit.

— C'était qui tout à l'heure ?

— Quoi ?

— Qui t'a ramené ?

— T'es sérieuse, tu m'espionnes par la fenêtre maintenant ?

Sa curiosité est sans limite, elle me fait presque peur parfois.

— Je n'espionnais pas, je t'ai aperçu avec quelqu'un, ce qui est rare alors j'ai observé.

— Espionner, en gros.

— Il était beau.

Ah, on y est. Ma sœur a toujours adoré baver sur mes amis alors qu'ils sont évidemment trop vieux pour elle, et qu'elle est évidemment trop jeune pour se mettre en couple. Cette remarque sur Alec ne manque pas de me gêner.

— Merci de me rappeler de ne jamais l'amener ici.

— Oh bah pourquoi ?

— Tu vas encore jouer ta groupie.

— Hé, j'ai bientôt 13 ans je te rappelle ! Les gamineries sont loin derrière moi.

Sa réflexion me rappelle ce qu'Alec m'a dit plus tôt dans la journée et me fait sourire : elles se croient vraiment grandes.

— En attendant, évite de trouver mes amis "beau". Tu me gênes.

— C'est juste que c'est vrai ! Tu ne trouves pas, toi ?

— C'est mon ami.

— Ça te rend aveugle peut-être ?

— Il est temps pour toi d'aller dormir.

Je n'ai vraiment aucune envie de répondre à cette question, Alec est simplement Alec. Qu'est-ce que j'en sais s'il est beau ou pas.

Ma sœur comprend qu'elle ne tirera plus grand-chose de moi, je n'ai même pas besoin de la chasser qu'elle s'en va de son plein gré. Mais elle chantonne "beau, beau, beau" en refermant la porte sur elle.

Je n'amènerai jamais Alec ici.

Après avoir fini mon sac, je repasse un peu en revue mes notes de cours d'aujourd'hui avant de tout refermer et de passer à la salle de bain pour me brosser les dents.


Quand je m'installe finalement dans mon lit, je récupère mon carnet qui était resté là et observe mes récents dessins. Le paysage du parc remplit bon nombre de feuilles étant donné qu'il est devenu mon spot préféré.

Je retombe sur un dessin réalisé il y a quelques semaines, où la silhouette de mon ami s'est fait une place parmi la verdure.

Le sommeil me guettant, je range mon carnet.

Et juste avant de sombrer, une dernière pensée me traverse :

Est-ce que je trouve Alec beau ? 



HumainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant