CHAPITRE 30 - ALEC

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Ce n'est pas un baiser fiévreux. Pas comme ceux que nous avons déjà échangés. Ceux que j'ai essayé d'oublier, en vain.

Il a été surpris que je saute le pas, mais ne m'a pas rejeté pour autant. Pour ma plus grande joie. J'ai tellement de choses à dire, et si peu à la fois.

Je me livre en mouvant mes lèvres sur celui qui me fait perdre la tête. Je lui dis désolé, pour tout. Puis, bien que j'essaie de mon mieux de faire fi de tous ses points d'interrogation qui campent dans mon esprit, je lui demande pourquoi. Même si je sais qu'il n'a pas la réponse. Personne ne l'a, et je n'en ai pas vraiment besoin dans le fond. Il est là, et c'est tout ce qui compte.

Et peut-être que dans nos souffles et nos caresses, un je t'aime s'y perd. Je ne lui dis pas. Enfin, pas comme il le faudrait. Parce que j'ai peur. De tout. De lui, de moi, de nous. De ce qu'on pourrait être. Devenir. Je m'emporte, peut-être.

Tout est doux, lent et calme. Et je me sens terriblement bien. Rien n'est précipité. Comme si, dans le doute, nous voulions profiter de ce que l'autre nous offre. Le plus longtemps possible.

Je n'arrive pas tout à fait à saisir exactement ce qu'Ezechiel m'offre. Mais ce que je sais, c'est que ça me demande de revenir, encore et encore. Ça me transporte et m'emmène loin. Ou bien tout près. Ça n'importe pas tellement, tant que c'est à ses côtés. Tant qu'il ne me laisse pas.

J'ai le cœur gros et je ne voulais pas le voir avant d'avoir réglé ça. Il n'allait rien arranger. Il n'a rien arrangé. Mais c'était mal le connaitre de croire qu'il écouterait. La tempête de mon esprit et le ronde tourbillonnante de mes pensées se sont arrêtées dès qu'il m'a regardé. Et Ezechiel ne te regarde pas seulement. Il te capture. En juste réponse, je me devais de capturer ses lèvres. Pour une première fois qui sonne comme une dernière fois. Parce que je suis incapable de me dire que cela pourrait durer. On ne peut donner tant à un Homme sans qu'on lui retire après. La vie nous en fait la leçon dès qu'elle le peut. Et je l'ai apprise depuis longtemps.

Cependant, quand j'ai vu l'hésitation troubler la mer paisible de ses iris, j'ai pris peur. Il ne pouvait pas. J'ai toujours été celui qui reculait. Il ne devait pas endosser mon rôle. Je fais toujours un pas en avant puis deux pas en arrière, tandis que lui plonge au plus profond. À la surface, je le jalouse mais je n'ose pas pour autant. Alors aujourd'hui, alors même que j'étais celui qui le repoussais, j'ai sauté sans regarder. Sur sa bouche et dans son cœur. Je craignais la noyade qui m'attendait. Et j'avais raison de m'en inquiéter. L'océan de sentiments que j'ai repoussés de toutes mes forces me submerge désormais. Mais contrairement à ce que je pensais, ce n'est pas si terrible.

Ezechiel me demande silencieusement d'approfondir notre baiser. Je lui donne la permission. Et quand nos langues se trouvent, ou se retrouvent, c'est comme si elles-mêmes s'étaient manquées. Elle se cherchent et se redécouvrent dans leur paisible danse. La chaleur ses deux mains entourant mon visage me donne envie de rester là pour toujours. Je ne voudrais être nulle part ailleurs.

C'est là que je me rends compte que si je me noie dans les vagues d'émotions, Ezechiel se trouve juste à côté de moi. Il me tend une main fébrile. Parce que lui aussi a du mal à se retrouver. Nous sommes deux. Pas contre le reste du monde, mais contre nos propres tourments.

Et alors, je comprends. Je comprends que je n'étais pas seul. Que je n'aurais pas dû agir comme si je l'étais. Le lâche que je suis se demande comment mon vis-à-vis ne m'a-t-il toujours pas abandonné.

— Alec ?

— Mh ?

Je ne veux pas le laisser se détacher, s'en aller. Je ne supporterai pas de ne plus l'avoir. J'ai peur de ce qu'il va dire. Je l'embrasse, comme si cela pouvait dissiper ses mots.

— Alec, regarde-moi.

D'accord, je n'ai plus d'autre choix que de m'exécuter. Je me recule doucement mais n'ose pas croiser son regard. Je reste fixé sur ses lèvres qui m'appellent de nouveau. Ezechiel me caresse doucement le menton de son pouce en m'intimant de lever les yeux. Je le fais, et je sens que je me perds entre les torrents. Il me dévore du regard. Et je pense que je ne suis pas en reste.

— Ne t'en va pas... Pas encore.

Ses paroles agissent sur moi comme un électrochoc. Il a dû se sentir tellement seul. Je n'ai fait que l'abandonner à ses interrogations à chaque fois. Je me réfugiais chez.... Nina. Comme si le réconfort de ses bras pouvaient tout faire taire. Cela a d'ailleurs été bien le contraire, mais je ne veux pas y penser maintenant.

Je me sens ridicule d'avoir eu cette réaction. Je le remercie d'une certaine manière parce qu'au lieu de m'écouter et de s'en aller, il a tenu à rester. Comme toujours. Et il a eu raison, parce que je n'aurais pas eu le courage de lui demander de moi-même. Cette stupide manie de fuir quand les choses s'annoncent compliquées doit me quitter. Ce n'est pas tenable. Surtout si cela blesse des gens autour. Malgré qu'au fond, la personne que je blesse le plus c'est moi. Alors oui Ezechiel, merci.

Je m'en veux d'une manière telle que j'aimerais passer ma vie à m'excuser. Bien qu'il ait essayé de me faire croire le contraire, il n'a jamais été très loin. Et aujourd'hui en est un nouvel exemple parlant. Je me sens un peu honteux de toujours être celui qu'on doit aller chercher. Il n'avait pas à faire tant d'efforts. Mais je mentirais si je disais que j'aurais voulu qu'il fasse autrement.

Alors pour lui répondre, car je reste un handicapé des mots, je repose mes lèvres sur les siennes pour un baiser plus passionné. Celui-ci lui crie plus jamais.


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Petit chapitre d'immersion dans les pensées d'Alec qui j'espère vous aura pluuuuu! 

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