j'ai difficilement ouvert les yeux. j'ai frotté mes paupières avec mes poings fermés en baillant à m'en décrocher la mâchoire. ma tête lourde était posée sur une table dure, plate et froide et je l'ai soulevée doucement, mon cou étant complètement raide. un peu perdu au début, je me suis ensuite rappelé l'endroit où j'étais.
- ça vous intéresserait d'avoir quelqu'un sur votre scène ? par exemple, demain soir ?
le patron avait d'abord été sceptique quand je lui avais proposé cette idée. il ne devait vraiment pas avait l'habitude de recevoir des musiciens sur cette scène. il m'a écouté avec attention et une pointe de méfiance. alors, je lui ai expliqué avec passion que j'avais cet ami aussi talentueux et doué qu'on pouvait l'être. je lui ai décrit ce pouvoir d'attraction qu'il détenait, cette douceur dans ses doigts et cette force dans ses cordes. je lui ai raconté cette relation vibrante qu'il entretenait avec les mots et les notes. j'aurais aussi aimé lui définir cette couleur particulière qu'il avait dans la gorge et dans le cœur, celle qui rendait ses cheveux bleus et sa peau presque translucide. j'aurais aussi aimé lui dessiner l'étincelle dans ses yeux lorsqu'il jouait et son sourire timide lorsque je l'applaudissais. et j'aurais aussi aimé lui confier à quel point je regrettais cette dispute avec lui et toutes les choses insensées que je serais capable de faire pour qu'il me pardonne. mais il ne m'a pas laissé le temps.
- d'accord. qu'il vienne demain soir alors, ton pote merveilleux. par contre, je paye pas.
me remémorer ce moment dès mon réveil me redonnait confiance en aujourd'hui et demain. j'allais prouver à mark que je n'étais pas qu'un enfant rebelle et capricieux. moi aussi je voulais lui montrer qu'il pouvait compter sur moi.
je me suis levé d'un bond, la hâte inondant mes veines. je me suis étiré rapidement, j'ai fait craquer mon dos, mon cou, mes doigts pour m'attaquer enfin à cette journée. j'ai passé ma main dans mes cheveux ébouriffés tout en m'avançant vers le comptoir. je n'avais aucune idée de l'heure qu'il pouvait être. nous étions peut-être déjà en plein jour mais la salle restait aussi sombre que la nuit : reposante, apaisante et si calme. mes pas stricts ont brisé le silence confortablement installé et le patron du bar quitta son verre du regard pour le poser sur moi. j'ai hoché la tête avec un léger sourire. il m'a observé passer dans un mot mais lorsque j'ai posé ma paume sur la poignée froide de la porte, sa voix tonnante m'a fait tourner la tête.
- ce soir, 21 heures. soyez pas en retard, je déteste le retard.j'ai une nouvelle fois acquiescé avant de sortir enfin du bar.
j'ai d'abord remarqué l'air glacé qui jouait déjà dans mes poumons, puis le soleil timide qui pointait de derrière les nuages roses. excepté celui de l'air conditionné, il n'y avait toujours aucun bruit, aucun murmure, aucun pas mais j'en étais presque soulagé. hier, tout me paraissait inquiétant, angoissant et ce matin, je redécouvrais ce minuscule paradis fait de calme et de chats un peu trop discrets.je me suis mis en marche, en n'osant pas penser au chemin pour retrouver mark. chemin que je ne connaissais pas, que je ne reconnais plus. mes larmes avaient le don de tout modifier, de tout transformer et les bois étaient bien trop épais. j'ai traversé la route et avec une pointe d'hésitation dans la poitrine, je suis entré dans la forêt. en laissant mes pas me guider inconsciemment, je priais de tout mon coeur pour qu'il m'emmène jusqu'au sourire angélique de mark.
et par bonheur, le ciel était avec moi, avec nous en ce joli matin. j'ai suivi les fines traces de lumière sur la mousse et les troncs forts jusqu'à sentir de la fumée. le cœur battant, j'ai accéléré mes pas. chaque mètre parcouru m'essoufflait un peu plus, me tordait encore l'estomac. mais l'appréhension et le doute ont fui soudainement. et ce n'est qu'un sourire éclatant qui est apparu sur mes lèvres quand j'ai retrouvé du regard la silhouette de mark.
j'ai couru jusqu'à lui, évitant à peine les branches basses qui foutaient mon visage et avant même qu'il ne se retourne, je me suis collé à son dos en passant mes bras fins autour de sa poitrine. et enfin, je me suis autorisé à pleurer. j'ai éclaté en sanglots, mes larmes bruyantes mouillaient son sweat-shirt rouge et y dessinaient des cercles carmins. entre deux pleurs, je respirais à fond son parfum rassurant, sa force olfactive, sa douceur odorante. sous ma paume, son cœur battait aussi vite que le mien contre son dos et je me suis laissé espérer : peut-être que ses battements frénétiques ne venaient pas que de la surprise ?
tout doucement, après des millénaires de pleurs aveugles, il s'est retourné vers moi, sans s'écarter d'un millimètre. ma tête a trouvé refuge sur son épaule, tout près de la peau claire de son cou. aussi légèrement que le ferait le vent, ses mains ont effleuré mes côtes et ses paumes brûlantes se sont posées dans le creux de ma taille. il me serra fort contre lui et sa poitrine folle. sans un mot, il me montra que je lui avait manqué aussi fort que lui m'avait manqué.
il a reculé sa tête et j'ai pu admirer ses joues tout sourire et les galaxies dans ses yeux. hier soir, le ciel était couvert et j'étais perdu sans le sentier des étoiles, qui savaient toujours me mener au bonheur. ce matin, c'était les rayons de lumière qui m'avaient guidé mais mon plan favori restait bien celui dans ses prunelles.
- mark, j-
- non hyuck, laisse-moi commencer, s'il te plaît. je suis désolé, tellement désolé de t'avoir parlé comme ça. tu ne le méritais pas et tu étais toutbsimplement perdu et bouleversé. et la seule chose que j'ai réussi à faire, c'est de te blesser encore plus que tu ne l'étais déjà. c'était horrible quand tu n'étais pas là. je me sentais si seul, comme si on m'avait arraché une partie de moi sans laquelle je ne peux plus vivre normalement. c'est comme si on m'avait enlevé le cœur et maintenant que tu es revenu, c'est comme s'il venait de renaître.je suis resté bouche-bée devant ses mots. j'avais toujours rêvé d'entendre ces paroles emplies de tendresse et d'affection, de sensibilité et d'amour que j'aimais tant lire dans les livres. mais les sentir m'effleurer le coeur, les admirer fredonner la mélodie du bonheur dans mes oreilles... tout ça était bien plus puissant en vrai. puisque tout l'était, de vrai. mark était vrai et les sentiments étranges que j'avais pour lui aussi.
tout était vrai et j'adorais ça.j'ai reposé ma tête contre sa poitrine, pour continuer à profiter des battements rapides de son cœur et de la berceuse qu'était sa respiration.
- tu m'as manqué, hyuck.
- toi aussi tu m'as manqué, mark.mais juste avant de replonger dans ma léthargie confortable, je me suis rappelé d'hier soir. je me suis écarté de son corps chaud en liant ses mains aux miennes. j'ai rougi devant le petit sourire qui a fleuri sur sa bouche rose et j'ai eu un tout léger vertige en rencontrant son regard puissant. je me suis éclairci la gorge.
- hier, je cherchais un moyen de me faire pardonner e-
- comment ça pardonner ? s'est-il exclamé en me coupant. c'est plutôt à moi de me faire pardonner !- peut-être bien, j'ai rétorqué avec un petit rictus en coin. alors si c'est pas un moyen de me faire pardonner, c'est un cadeau. tu le mérites bien. ce soir, on ne reste pas au van. tu vas aller éclairer un autre bar avec ton talent !
ses sourcils se sont froncés mais j'y ai à peine fait attention, parce que l'étincelle au fond de ses yeux avait déjà tout compris.
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ー le blues du businessman
Fanfictiondonghyuck en a l'air mais il n'est pas heureux. le truc, c'est qu'il n'a jamais voulu être fils de PDG. lui, il aurait voulu être chanteur. comme ce garçon. ━・ « le blues du businessman » - starmania markhyuck - août 2019 à décembre 2019. 1K le 19...