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il y a d'abord eu le bruit, ce grand claquement qui a fait sursauter la forêt autour de nous.

nous avons écarquillé les yeux et je n'aurais su dire qui de nous deux était le plus surpris de mon geste. mais tout ça n'a duré que une seconde éclair. la rage et la haine ont repris le dessus sur l'étonnement et j'ai presque savouré les fourmis qui se démultipliaient dans ma paume... une sensation qui me rappelait désagréablement celle que j'avais ressenti lors de ma dernière altercation avec mon père. mark a posé la sienne sur sa joue, l'air sonné. le silence qui nous séparait quelques minutes auparavant ne ressemblait en rien à celui-ci, qui instaurait maintenant des années lumière entre nous à chaque instant qui passait. ma respiration était à bout de souffle, mon coeur, en vrac et mes pensées, insensées. j'ai avancé d'un pas, un minuscule pas qui a fait trembler l'herbe sombre et le corps choqué de mark.

- je t'interdis de me comparer à lui. c'est clair ?
il a continué de me fixer, sans réaction. mes mâchoires se sont serrées. j'ai planté mon doigt dans sa poitrine.

- est-ce que c'est clair, mark ?
je ne connaissais pas le ton, la voix qui venait de sortir de moi et j'ai eu peur que l'ombre de mon père se soit infiltrée en moi, dans mes veines à la manière d'un poison lent et douloureux. il a hoché la tête.

- bien.
j'ai ramené ma main, ai reculé de quelques pas et j'ai observé en silence ses lèvres tremblotantes, ses yeux vitreux et sa joue pâle sous la trace carmin de ma main.

- j'ai beau être son fils, lui et ses soit-disant principes ne feront jamais partie de moi. j'ai peur, je culpabilise, je me demande si j'ai fait les bons choix et si je suis pas en train de foutre ta vie en l'air. j'ai juste besoin de temps pour essayer de rétablir un peu d'ordre dans ma tête... maintenant, si tu penses tout ce que tu as dit malgré tout ce que je t'ai confié, je doute qu'on ait encore des choses à se dire.

j'ai fait volte-face, sans me retourner même lorsque mon prénom s'est échappé de ses lèvres abattues. j'ai mordu les miennes, fort, aussi fort que mes paupières pour faire taire mes larmes. je me suis enfoncé dans la forêt, évitant à peine les troncs centenaires qui observaient silencieusement ma tristesse. aucun chant d'oiseau, aucun rire de beau garçon ne venait plus éclairer mon chemin et je me sentais affreusement seul, avec mes pas perdus entre la mousse verte et la terre humide.

je sentais la forêt vivre autour de moi. ici, les feuillages bougeaient et là-bas, le vent portait doucement les feuilles tombées. elle vivait et dans ma poitrine, mon coeur battait sans aucun bruit. ici, tout se ressemblait à là-bas : la solitude, la lumière sombre, les doutes, les traces de larmes sur mes joues. j'avais tout quitté pour tout retrouver, une pointe de mélancolie en plus au fond du cœur. peut-être parce que là-bas, je ne connaissais pas le goût de la brise et du soleil quand ils sont libres ni celui du bonheur et des fous rires quand ils sont sincères.

perdu ainsi, j'ai réfléchi, j'ai pensé à ce qui nous arrivait. en me lançant dans cette aventure, je n'avais même pas envisagé une seule seconde un souci du genre... mais finalement, et si mark et moi n'étions pas faits pour nous entendre ? cette possibilité hantait mes pensées, brisait toutes mes certitudes. je ne pouvais pas nier cette alchimie que j'avais avec lui, les frissons qui se dressaient sur notre peau quand on se touchait par inadvertance, les regards accrochés parfois un peu trop longtemps, la teinte rosée de nos joues qui ne disparaissait pas quand on baissait les yeux. l'idée que tout cela ne veuille en fait rien dire m'était trop difficile à accepter. mark et moi étions liés par ce quelque chose d'inexpliqué et d'inexplicable, par ce besoin que nous partagions et que nous complétions ensemble. je ne voulais pas croire que rien de tout cela ne voulait plus rien signifier. pas après ce que nous avions déjà vécu.

ー le blues du businessmanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant