ー xxvi

357 60 124
                                    

- pro... producteur de musique ? vous...

- je déniche des pépites afin d'en faire des artistes reconnus, oui. et vous deux, vous méritez ce titre. votre musique est pure, votre harmonie est vraiment belle et je ne peux pas m'empêcher de penser à tous ceux qui se mettraient soudainement à sourire en sentant vos accords chantonner dans leurs oreilles.

je ne pouvais pas y croire. je connaissais tous les mots de sa phrase mais impossible d'en saisir le sens. peut-être me parlait-il une autre langue ? une que je ne maîtrisais pas ? sûrement parce que celle qui murmurait les compliments et les espoirs me restait encore inconnue.

j'ai tourné la tête vers mark qui avait les lèvres aussi écarquillées que ses yeux. il a tourné la tête vers moi et je me suis une nouvelle fois perdu dans les galaxies de ses prunelles, qui formaient un océan de lumière claire au sien de ses iris noir nuit. la fierté et la joie y brillaient comme des supernovas parce que lui avait déjà compris ce que cet homme pouvait nous offrir. moi, j'avais toujours du mal à mettre tous ses mots dans l'ordre. la lumière rouge, les bougies par dizaines, la chaleur qui émanait de ce salon le rendait presque onirique et j'avais peur de me réveiller à n'importe quel instant. je ne voulais pas que ce soit un rêve. je voulais que mon travail paye, je voulais réussir, je voulais montrer tous ces univers que je gardais caché au fond de mon cœur.

voyant que nous ne répondions pas, monsieur song a recommencé à s'expliquer. il a appuyé ses coudes sur la table et a croisé ses doigts fins. il s'est penché par dessus la table et j'ai pu détailler son visage. ses fines rides étaient chaleureuses et son sourire léger me berçait presque. je voulais l'écouter. je voulais qu'il nous emmène.
- écoutez, je suis conscient de votre choc mais cette chance peut être celle de votre vie. notre maison de disque est reconnue dans le monde entier et nombreux sont les artistes qui toquent à notre porte. mais aujourd'hui, c'est vous que je veux a mes côtés.
- vous avez des sièges dans quels pays ?

ma voix a fait trembler les flammes des bougies devant moi. j'ai senti le regard de mark se poser sur moi et celui un peu interrogateur de l'homme. les personnes qu'il recevait ne devaient sûrement pas poser ce genre de première question. mais pour mon plus grand malheur, je n'étais pas comme tout le monde et je devais bien faire avec.
- nous en avons en effet un peu partout : une ici, une à Tokyo, une à Londres, plusieurs aux États-Unis. oh, et une au Canada.

j'ai senti mark se redresser près de moi. son épaule a cogné la mienne et sa main a serré la mienne. j'ai posé mon regard sur lui et ses lèvres fleuries d'un sourire. de ce sourire aussi merveilleux que doux, qui m'enchantait. ce sourire était l'emblème de son visage, et malgré les heures que j'avais déjà passées à l'admirer, je ne pouvais m'en lasser. et pour le voir sourire encore de cette façon, j'étais prêt à beaucoup. à tout, en fait.
- si on accepte, on pourrait être liés au siège canadien ?
- hum, oui sûrement, cela devrait pouvoir se faire. mais, si vous me le permettez, pourquoi me demandez-vous ça ? vous ne souhaitez pas rester en Corée ?

mark et moi avons encore échangé un regard. parce que nous n'avions pas besoin de mots pour nous comprendre, surtout pas sur ce sujet-là. j'ai soupiré avant de répondre.
- c'est une longue histoire, vous savez. alors, je vais essayer de la faire courte. mon véritable nom est lee donghyuck et je suis le fils de lee yoonseok.
- le... ses yeux se sont agrandis et j'ai maintenu un regard déterminé et droit tant bien que mal.

- oui, le PDG de Lee Railways. vous avez sûrement lu les journaux. et c'est pour ça que nous devons partir. mark et moi, on ne peut plus continuer à se cacher éternellement dans la campagne, on finira par nous retrouver ou peut-être même par nous dénoncer. mais si nous partons au Canada, alors ni mon père ni personne ne pourra plus me dire quoi faire. et je serai libre. j'ai besoin d'être libre, vous comprenez ?

monsieur song m'a fixé. longuement. habituellement, je n'étais pas bon à ce petit jeu, je baissais trop rapidement le regard parce que c'était ce à quoi on m'avait habitué. avec mes supérieurs, je devais me taire, acquiescer silencieusement, toujours garder un regard aux allures candides. mais à cet instant, je sentais qu'il fallait que je tienne, que je montre que j'étais plus fort que ce qu'on pouvait penser et que je savais ce que je voulais. alors j'ai tenu bon, aussi longtemps que j'ai pu.
enfin, l'homme s'est éloigné de moi et s'est affalé contre le dossier de sa chaise en bois en esquissant un mince sourire malicieux.
- vous avez du caractère, haechan. j'aime ça. je ferai ce qu'il faut pour vous intégrer au Canada.

j'ai tourné la tête vers mark et le sourire étincelant de l'un a enchanté l'autre. nos doigts se sont une nouvelle fois enlacés et je n'avais qu'une seule envie : faire de même avec nos corps. seulement, monsieur song a repris.

- en revanche, vous ne le savez sûrement pas mais cette filiale est l'une des plus convoitées et là-bas, l'exigence est bien plus haute qu'ici. il va donc falloir que quelqu'un vous juge. en plus de moi-même.
encore une fois, mon cœur s'est écrasé au fond de ma poitrine. mes poumons étaient spectateurs de ses pics de joie pure puis de sa crainte, en boucle et sans relâche. et je commençais à douter : s'arrêterait-il sur le bonheur ou la déception ?

- écoutez, j'ai une proposition pour vous. samedi, j'organise une soirée. une grande soirée avec quelques personnes qui ne vous seront sûrement pas inconnues. je vais appeler un de mes homologues canadiens et l'inviter. vous vous produirez pendant cette soirée et ce sera à vous de montrer l'étendue de vos talents à mon collègue. impressionnez-le. épatez-le. faites briller ses yeux. il est capable de vous tirer de votre situation regrettable. qu'en dites-vous ?

une nouvelle fois, j'ai regardé mark, qui me regardait déjà. ses galaxies scintillaient, étincelaient de toutes leurs étoiles. chaque constellation habitait des milliers de soleils qui réchauffaient mon cœur et mes joues. il était comme moi, il voulait partir, découvrir la sensation de voler de ses propres ailes. et j'étais prêt à tout pour qu'il soit heureux.
parce que je l'aimais.

- à quelle heure voulez-vous qu'on vienne ?

ー le blues du businessmanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant