ー vi

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l'échange de regards que nous avons eu à cet instant restera gravé dans mon âme jusqu'à la fin des temps, peu importe ce qui nous arrivera, à lui ou à moi. parce que cette puissance dans ses yeux voulait dire quelque chose. nos esprits hurlaient la liberté, déchiraient les codes et les chemins déjà écrits.

il me proposait de m'enfuir, de quitter ce que je repoussais, de m'échapper de ma vie déjà toute tracée. il me proposait tout ce que je voulais, tout ce dont mon cœur rêvait, tout ce dont j'avais besoin pour vivre. pour arrêter de survivre.

ma poitrine contractée, ma respiration coupée, mes doigts crispés : je découvrais ce que la liberté pouvait m'offrir. c'était effrayant, étourdissant, électrisant. ça me prenait aux tripes, ça courait dans mes veines, ça me tapait dans les os. je me sentais si faible et si fort à la fois, tellement petit et tellement grand en même temps. mes journées ne réfléchissaient plus et une seule seconde remettait tout en question. toute ma tête explosait, toutes mes pensées explosaient, toutes mes peurs explosaient. c'était le moment et c'était le garçon. c'était maintenant ou jamais. c'était lui et personne d'autre.

j'ai hoché la tête.
son sourire a été la preuve que j'avais fait le bon choix.

il s'est levé en sursaut du matelas et m'a tendu la main. je l'ai fixée quelques secondes avant de relever les yeux vers les siens.
- alors allons-y fullsun.
en souriant, je l'ai saisie et je me suis laissé emporter dans le tourbillon qu'il était. il a sorti deux gros sacs de son armoire, m'a demandé d'y ranger ses vêtements pendant qu'il rassemblait des affaires. on a virevolté l'un à côté de l'autre en riant et chantant. ce qui était fou entre nous, c'était qu'on se connaissait déjà parfaitement bien alors que je ne connaissais même pas son nom de famille. les petites informations ne comptaient pas quand je pouvais entrer dans ses pensées comme il pouvait entrer dans les miennes. ce qui était aussi fou, c'est que j'aurais tout donné pour qu'il rentre dans ma tête alors que je ne pouvais pas supporter ça quand cela venait de mon père.

mon père. mon père que j'allais enfin quitter. mon père qui me faisait tant douter. mon père sans qui je ne savais pas vivre, puisqu'il ne m'avait jamais fait confiance, puisqu'il ne m'avait jamais donné d'espace à moi.

mark a remarqué mon trouble et s'est approché de moi, un pull à la main. il a déposé le bout de ses doigts chauds sur ma joue et a planté son regard galaxie dans le mien, complètement perdu.

- tu n'as pas à douter fullsun, tu vas y arriver. tu as le courage, tu as l'envie, tu as l'espoir. alors laisse-toi aller, donne-toi la permission de vivre, tu le mérites.

j'adorais la façon dont il arrivait à me comprendre en un coup d'œil, en un toucher léger. rêveur, j'avais lu tant d'histoires qui contaient ce lien si particulier et à présent, j'avais cessé d'imaginer la sensation des personnages : je la découvrais réellement. il ne me connaissait pas mais il avait le don d'apprendre à me connaître plus vite que moi-même. ses mots m'ont touché droit au cœur, comme je méritais vraiment ces belles promesses, surtout d'un garçon aussi fascinant que lui.
j'ai vivement hoché la tête et mark a pincé ma joue en rigolant. l'agréable impression de redevenir enfant m'a envahi et je crois que j'ai rougi. de plaisir ou à cause de son toucher, je n'aurais su le dire.

on a rapidement bouclé ses bagages. la dernière chose qu'il a emballée a été sa guitare, qu'il a mis dans sa housse avec une infinie douceur. il devait accorder une importance folle à la musique pour la caresser de cette façon. enfin, il a saisi ses deux gros sacs de sport et s'est avancé vers le rideau qui servait de porte. avant de le passer, il s'est retourné, a balayé la pièce d'un regard nostalgique et sur ses lèvres a fleuri un petit sourire qui balançait entre fierté et doute. enfin, je le comprenais comme ça. peut-être que j'avais tort parce que dans le « allons-y » qu'il m'a lancé, il n'y avait que la détermination qui scintillait.

ー le blues du businessmanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant