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la musique avait déjà commencé mais rien n'a pu sortir de ma gorge. le regard assassin que me jetait l'homme m'empêchait de respirer. et soudain, je me suis retrouvé dans la forêt de mes cauchemars, poursuivi et traqué comme la proie que j'avais été cette nuit-là. je sentais sa poigne gelée agripper mon cou et mon coeur a explosé contre mes côtes, tapissant tout l'intérieur de mon corps de mon angoisse insupportable.

entre mes paumes moites, le micro restait figé à quelques centimètres de mes lèvres muettes. un murmure s'est élevée dans la salle et mark a arrêté de jouer. en riant, monsieur song est remonté sur scène. il a saisi mon micro et a posé sa main chaude sur mon épaule mais je n'ai pas pu sortir de ma paralysie.

- ah les jeunes ! déconcentrés par tout et n'importe quoi, pas vrai ? s'est-il exclamé, arrachant quelques rires à son public. il a reposé le micro dans le socle avant de l'éteindre et de se tourner vers moi, une expression inquiète sur le visage, fronçant ses sourcils toujours joyeux.

- haechan, tout va bien ? il y a un problème ?

mark, qui nous avait rejoint, a attrapé ma main. sa caresse chaleureuse m'a tiré de ma torpeur angoissée et j'ai plongé mon regard dans le sien, déconcerté.

- le mec de la forêt... celui qui a essayé de m'enlever... il est là. au fond de la salle.

mon murmure a écarquillé les yeux de mark qui a fait volte-face, à la recherche de cette silhouette qui avait hanté nos pensées. j'ai guidé son regard mais
il n'était plus là.
mon coeur s'est accéléré et j'ai tourné la tête de tous les côtés. mais aucune trace de l'homme. il s'est volatilisé, subtilisant ma tranquillité et ne me laissant seulement l'envie folle d'éclater en sanglots.

- hyuck... tu es beaucoup trop stressé. tu as dû rêver.

j'ai ouvert la bouche, prêt à répliquer mais j'ai capté la lueur inquiète dans ses yeux. il ne me croyait pas. je me suis retourné vers monsieur song, qui me regardait avec une condescendance pitoyable. mes dires paraissaient complètement délirants mais je croyais en ce que j'avais vu. j'aurais voulu répliquer, m'enfuir de la scène mais tout le monde me fixait avec curiosité, comme si j'étais une bête de foire. et je devais y ressembler avec mon regard instable et mes jambes flageolantes. je me suis tourné une dernière fois vers mark, qui a serré ma main avec un sourire doux.

- tout va bien, fullsun. ici, on est en sécurité. je te le promets, je ne laisserai personne te faire le moindre mal. mais là, on doit vraiment assurer et il faut qu'on reprenne. d'accord ?

mark ne me croyait pas. mais je ne pouvais pas lui en vouloir. après tout, peut-être avait-il raison ? peut-être que finalement, le trac m'avait contrôlé pendant quelques secondes, quelques instants qui avaient été suffisants pour me faire perdre la raison. j'ai soupiré et j'ai acquiescé. mark a souri et a pressé ma main avant de la lâcher et de partir vers l'arrière de la scène, où sa guitare l'attendait. j'ai lancé un sourire peu convaincant à monsieur song mais qui a suffit à le rassurer.

- problème résolu ! le spectacle va pouvoir commencer ! a-t-il lancé joyeusement en m'ébouriffant les cheveux. le public a applaudi de nouveau et ce fut le silence, encore. je me suis tourné vers mark et j'ai hoché la tête. ses notes douces ont de nouveau retenti et j'ai respiré un dernier coup. cette fois-ci, je n'ai pas ouvert les yeux.

les quatre chansons se sont en fait enchaînées très vite. souvent, j'ai perdu le fil et le son de ma voix s'est faite écrasée par les battements furibonds de mon coeur contre mes côtes. j'espérais juste que tout se passait bien. et j'en ai eu la confirmation quand j'ai rouvert les yeux pour la première fois, alors que les dernières notes de la dernière chanson filaient dans l'air. les gens ont applaudi. très fort. et sifflé, comme des gens de leur rang ne sifflent jamais. j'ai vu des yeux brillants, des sourires francs et tout ça réuni sur le visage de mark. à mes côtés, son corps brûlant irradiait le bonheur et ses lèvres aux anges me chuchotaient la joie dans laquelle baignait son coeur.

monsieur song nous a rejoint sur scène et son visage chantait la fierté. debout entre mark et moi, il a enserré nos épaules et j'avais l'impression de percevoir une certaine chaleur, presque paternelle, qui m'est venue droit au coeur.

- je vois que le concert vous a plu ! alors la nouvelle qui suit vous ravira d'autant plus que vous allez avoir l'occasion de les voir beaucoup plus souvent... mark, haechan, j'ai l'honneur de vous annoncer que vous avez réussi votre défi ! vous m'avez conquis, note après note et j'ai hâte de connaître l'étendue de vos talents ! alors, ça vous dirait d'intégrer notre agence ?

ses yeux d'adulte pétillaient de joie et retrouvaient une lueur qui était de celles qu'on ne trouve qu'à l'enfance. l'immense sourire qui s'étalait sur son visage illuminait les nôtres. ils nous questionnaient du regard et j'ai tourné le mien vers mark.
il était beau comme ça, avec des constellations entières en expansion au creux des pupilles et les joues roses de plaisir. il avait l'air heureux, tellement heureux.
et puis je me sentais fort comme ça, avec mon reflet qui scintillait dans ses yeux comme si j'étais l'étoile la plus brillante de son univers.
- et comment !

je n'ai pas cherché à effacer la petite larme qui a roulé le long de ma joue.
nous venions de gagner notre pari fou. nous avions enfin gagné la partie.

la fête battait son plein. mark et moi étions sans arrêt sollicités, félicités et une telle vague d'admiration me rendait euphorique. on me proposait de l'alcool mais je refusais toujours. je ne buvais que pendant les réceptions de mon père, où j'espérais que quelques verres me donneraient le courage de garder le sourire et un visage présentable, pas un dévoré par le mal-être et l'ennui. mais ici, je me sentais bien, tellement bien. je discutais simplement avec de sens qui ne me voulaient pas de mal et mark riait à mes côtés, mon bras discrètement glissé sur ma taille. ce contact, que j'avais toujours pensé amical, avait pris une nouvelle tournure et mes joues rouges ne résultaient pas que de la chaleur ambiante, ce qui le faisait doucement rire.

il était tard dans la soirée lorsque je me suis éclipsé à l'extérieur. j'avais besoin de respirer et le silence apaisant de la nuit était tout ce dont je rêvais. j'ai inspiré profondément, savourant l'air froid dansant dans mes poumons. et j'ai souri, parce que j'étais enfin heureux. les fleurs de l'immense jardin de monsieur song rayonnaient sous l'éclat de la lune et des étoiles, plus brillantes que jamais cette nuit-là.
il n'y avait pas un bruit, pas un mouvement et je me sentais bien. protégé. presque en paix.


- bonsoir, donghyuck, ravi de te revoir. décidément, nos rendez-vous vont finir par devenir une habitude...

ー le blues du businessmanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant