- donghyuck, le programme d'aujourd'hui, s'il te plaît.
- 10 heures, rencontre avec le président de la communauté des gares. 11 heures 30,...entre mes doigts, le même agenda. froissée entre mes paumes moites, la même couverture rouge criminelle. de la même couleur que celui du sang qui s'est échappé du corps inerte de mark, il y a déjà cinq mois et dix-sept jours. j'ai minutieusement compté les heures qui sont passées depuis la mort de mon cœur.
accoudé au même bureau, assis à la même chaise, affublé du même sourire moqueur, mon père observait mon visage pâle se plier à ses désirs. je ne voulais pas lever les yeux vers lui parce que je sentais son regard détailler ma silhouette brisée et mon corps amaigri avec trop de fierté pour que je puisse le supporter. et lui semblait plus heureux que jamais.
je lisais machinalement, sans vraiment chercher à comprendre. ici, les jours étaient tous les mêmes. et mon cerveau en latence ne connaissait plus autre langage que celui des fleurs sauvages et des éclats de rire.
ma voix s'est tue. j'ai refermé l'agenda et je l'ai plaqué sur mon torse maigri, histoire de m'assurer que j'avais toujours un corps consistant, parce que je ne sentais plus mes jambes. je ne les avais plus senties depuis ma dernière course, celle qui m'avait menée au creux des bras de mark, quelques secondes avant que la mort l'emporte.
mon père s'est éclairci la gorge et s'est relevé. il a fait le tour de son bureau pour se mettre devant son grand miroir. ainsi, tout en réajustant sa cravate, il a pu admirer sa gueule de vainqueur. une belle gueule de vainqueur, tiens. mais je ne pouvais pas le nier. j'étais dans son bureau. j'étais faible. j'étais à sa merci. j'étais mort.
j'étais un perdant. et lui avait gagné, comme toujours.- bien. tu resteras ici, il y a des dossiers à revérifier. fais les choses comme il faut, fullsun.
il a bien rigolé, en voyant mes jointures blanchir autour de son agenda dégoulinant de sang. il s'est dirigé vers la porte, m'arrêtant seulement pour me tapoter l'épaule. il a penché sa mine mesquine et a chuchoté à mon oreille
- et pas de chanson pendant le travail, entendu ?il m'a dépassé, ricanant toujours et enfin, la porte a claqué derrière lui.
j'ai soupiré, retenant l'air que j'avais emprisonné dans mes poumons crevés. j'ai balancé l'agenda sur le bureau et quelques feuilles ont voleté autour de lui.
les jambes tremblantes, je suis resté debout, malgré mon envie écrasante de m'écrouler. mais je ne voulais pas le faire devant lui. parce que le temps me l'avait appris, même quand j'étais seul, je ne l'étais pas vraiment. il y avait toujours son regard intrusif qui me surveillait et qui jubilait à la moindre de mes faiblesses.j'ai avancé jusqu'à l'immense baie vitrée, posant mes paumes sur la fenêtre. aussitôt, la buée s'est étalée autour de ma peau, comme si elle pouvait encore être chaude après tout ce que j'avais traversé. je le savais mieux que personne, elle n'était vivante que contre celle de mark.
mais il n'était là. et comme lui, j'étais mort.
au dehors, l'automne était déjà bien installé. les écharpes jouaient avec le vent et les feuilles rouges volaient au gré des nuages, qui restaient la meilleure cachette du soleil. mais malgré tout, la rivière Han était éblouissante. et là où je trouvais auparavant un échappatoire, je ne voyais plus que les cendres d'un souvenir trop vite consumé. un beau souvenir. un souvenir qui riait, qui chantait au creux de mon cœur mourant. un souvenir qui jouait dans les vagues, accompagné de deux garçons amoureux et inconscients. deux garçons portant dans leur cœur transi un rêve simple : celui d'être heureux.
parfois, j'avais du mal à me rendre compte que mark n'était plus là. pour moi, ses mains étaient toujours dans des miennes et son rire déclenchait encore le mien. et puis, je m'apercevais que mes paumes étaient gelées et que je n'avais pas ri depuis ce matin de juin où j'avais perdu tout ce que j'avais.
puis, tout me revenait en tête.
contre mes lèvres, les siennes avaient hurlé. et il s'était écroulé contre moi. son torse battait frénétiquement et je ne comprenais rien. j'avais passé mes mains dans son dos pour le calmer mais je les avais vu revenir couvertes de peinture carmine.
parce que ça ne pouvait pas être autre chose que de la peinture.
au creux de mes bras, mark pleurait. c'était la première fois que je le voyais pleurer. en fermant bien les yeux, j'étais capable d'entendre ses sanglots faibles me poignarder encore et encore. dès que mes paupières clignaient, je sentais de nouveau son sang brûlant dévorer sa peau immaculée. je sentais encore le cœur de mark s'affoler. je sentais encore sa poigne faible agripper mon poignet. son regard cherchait le mien désespérément. il était bien plus lucide que moi qui le portait contre moi, de plus en plus lourd au fur et à mesure qu'il s'envolait.
- reste fort, fullsun. la... la suite sera pas facile. j-je... t'ai-et il y a eu un deuxième coup de feu. et la voix de mark s'était éteinte à tout jamais, ne finissant même pas le mot qui comptait le plus pour moi. signe que je n'étais pas fait pour être heureux.
son corps s'est étalé contre le mien. son sang a explosé contre ma peau. mon hurlement a déchiré le silence à sa place. et mes pleurs fous ont rejoint ses larmes sèches, pour la dernière danse que s'offraient nos âmes liées.son corps avait été arraché de mes bras. sa tête ballottait vulgairement et son menton frappait sa gorge, muette de tous ses mots doux. et on m'avait emmené loin de lui alors que la seule chose que je voulais encore, c'était le rejoindre.
il n'était plus là et j'étais obligé de continuer d'exister sans lui, qui me tenait en vie.
j'ai rouvert les yeux, écrasant mes mains sur mes yeux humides. j'étais un mort-vivant qui ne pouvait plus rien ressentir, sauf quand il s'agissait de sa moitié.
il devait avoir l'air bien con, le zombie, planté devant sa baie vitrée, à rêver du jour où il se noierait dans la rivière qui l'avait poussé à partir.- monsieur lee ? votre père vous demande.
- j'arrive dans une minute.la porte s'est refermée. et j'ai respiré. je n'avais plus le droit de me laisser aller de la sorte.
il ne fallait pas que j'oublie que j'étais lee donghyuck, pas haechan. ni fullsun.
il ne fallait plus que j'oublie que je n'étais pas un soleil,
et je n'étais pas fait pour être une étoile.
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fin.
le blues du businessman
25 août 2019 - 24 décembre 2019
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ー le blues du businessman
Fanficdonghyuck en a l'air mais il n'est pas heureux. le truc, c'est qu'il n'a jamais voulu être fils de PDG. lui, il aurait voulu être chanteur. comme ce garçon. ━・ « le blues du businessman » - starmania markhyuck - août 2019 à décembre 2019. 1K le 19...