ー xiii

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- ...uck ? hyuck, s'il te plaît, réveille-toi ! si tu m'entends, réponds-moi !

c'est le son de la voix de mark qui m'a tiré de mon sommeil de plomb. bien qu'encore étouffée, son angoisse et son inquiétude, elles, étaient bien palpables. ses doigts agrippés à mes épaules me secouaient avec l'espoir d'un signe de ma part. je voulais lui dire que j'étais là mais mon corps ne me suivait pas. mon bras hurlait de douleur et mon visage me faisait mal à m'en arracher les cheveux. et durant quelques instants, j'ai pensé à me rendormir, puisque le sommeil me protégeait de mes blessures, de mes peurs et de mes ennemis. oui, se rendormir semblait si rassurant, si paisible. mais la pression des doigts de mark me forçait à regarder la vérité en face : je ne pouvais pas me rendormir, je ne pouvais pas l'abandonner. ses doigts glacés me rappelaient à la vie, sa voix en détresse me suppliait sans relâche. alors, je me suis battu. j'ai compté jusqu'à trois.

un.
deux.
trois.

j'ai ouvert les yeux. je n'aurais su dire quoi, de la lumière ou des joues trempées de mark, me faisait le plus mal.

ses yeux se sont écarquillés et il a posé sa tête sur mon ventre, doucement. sa poitrine tremblait et dans le van, ses sanglots étouffés résonnaient si fort que c'en était insupportable. j'ai cherché sa main, froide sur mon épaule, et j'ai lié mes doigts aux siens. il a relevé son visage rougi vers le mien. ses lèvres tremblaient, ses yeux étaient bouffis, ses joues brillaient de larmes.

- oh mon dieu donghyuck ! tu m'as fait tellement peur ! me refais plus jamais ça !
j'ai hoché la tête, du mieux que je pouvais. je haïssais l'idée que j'avais pu autant faire peur à mark. je me haïssais de l'avoir tant blessé. j'ai tenté un vague sourire, mais mes joues me tiraillaient d'une telle force que j'ai rapidement abandonné. et mon coeur, contrairement à tout mon corps, toute mon âme, battait calmement dans ma poitrine, chantait une berceuse délicate et rassurante contre la peau inquiète de mark. il avait cet effet incroyable sur moi, ce don unique de me rendre tranquille quand il me semblait chuter dans un trou noir et sans fin.

nous sommes restés dans le silence, longtemps, jusqu'à que notre situation me revienne en tête. la dernière image que ma rétine avait imprimé était celle du regard tueur de mon père. et maintenant, j'étais allongé sur le lit du van, je ne sais où, avec mark en panique et mon bras en sang. mon cerveau déjà embrumé se perdait un peu plus qu'il ne l'était déjà.

- où... où on est ? qu'est-ce qui s'est passé ?
ma voix n'était qu'un murmure, je ne parvenais juste pas à parler plus fort. ma gorge nouée me brûlait, me serrait tellement que respirer en devenait douloureux.

- je... je sais pas trop. quand tu t'es évanoui, je t'ai porté jusqu'au van et je suis parti sans trop réfléchir. je voulais juste m'éloigner le plus possible. là, on est hors de séoul, sur le bas-côté d'une route. on est dans la campagne, j'ai encore croisé aucune voiture. on devrait être tranquilles le temps que tu reprennes bien conscience. donc, repose-toi, respire bien et surtout, calme-toi. la... la suite ne va pas être agréable.
- quoi ?

il a serré un peu plus fort nos doigts entremêlés. son visage tiré et pâle n'était qu'annonciateur de mauvaises nouvelles.
- tu as perdu beaucoup de sang... et tu as encore la balle logée dans ton bras. il faut que je te l'enlève sans tarder. et je dois faire ça pendant que tu es réveillé... si tu perds connaissance pendant que je te pense endormi, tu... c'est trop dangereux.

il s'est tourné, a fouillé dans une caisse, puis dans une autre et a enfin sorti une trousse de premiers secours. il a lâché ma main pour en sortir des compresses, de l'alcool à désinfecter, une pince, une aiguille et du fil. chaque objet qu'il sortait de la trousse me donnait un peu plus envie de vomir et j'ai tenté de ravaler les sanglots qui montaient dans ma gorge. du plus doucement qu'il a pu, il a remonté ma manche. il s'est retourné de nouveau, a saisi un bandana et l'a attaché juste au dessus de ma blessure. il a serré au maximum, en m'arrachant un petit sifflement de douleur.

il a pris la bouteille d'alcool, les compresses et il les a approchés de mon bras.
- ça va faire mal, hyuck. tiens-toi prêt.
juste avant de commencer, il s'est tourné une dernière fois et m'a tendu une paire de chaussettes.
- m-mord là dedans. ça fera un peu moins mal.

j'ai hoché la tête. il a inspiré un grand coup, m'a jeté un petit regard et a renversé l'alcool sur ma blessure.

ma tête est partie en arrière d'un coup, mon dos s'est violemment cambré, mes dents se sont enfoncées dans les chaussettes. mes ongles se sont profondément plantés dans mes paumes. j'avais l'impression que l'alcool déchirait le moindre de mes muscles à coups de hache. mon bras pleurait de douleur et ma voix s'est brisée dans ma gorge. des larmes ruisselaient sur mes joues. je priais de toutes mes forces pour que le calvaire s'arrête, puis mark a posé près de lui ses compresses imbibées de sang carmin. il a fixé ses doigts tremblants couverts d'écarlate et fermé ses paupières quelques instants.
- c-c'est p-pas fini. t-tiens bon, s-sois c-courageux hyuck.

sa voix tremblait mais pas autant que ses mains lorsqu'il essaya de passer le fil dans l'aiguille. sa respiration fébrile rejoignait la mienne et j'ai eu l'étrange sensation qu'il souffrait autant que moi. mes larmes brouillaient ma vue mais j'ai tenté de trouver son regard. ses prunelles noires se sont accrochées aux miennes. ses prunelles coupables se sont infiltrées dans les miennes, épuisées. mais j'ai souri et ses lèvres tremblantes ont peut-être essayé aussi. il a laissé tomber l'aiguille et le fil par terre et a serré fort mes mains dans les siennes.

il a mêlé nos doigts un peu plus fort, a fermé les yeux et ses lèvres ont commencé à prononcer des paroles discrètes, de simples murmures. du plus attentivement que je pouvais, j'ai suivi le flux volatile de ses mots. c'étaient des prières. mark priait pour moi, pour nous, pour nos rêves et pour notre santé. ses lèvres mordues au sang imploraient la sécurité, la bonté, la réussite. mon coeur, déjà affolé par la douleur, a battu un peu plus fort face à la sincérité de ses demandes. je l'ai trouvé beau, fort, puissant malgré ses joues toujours ruisselantes.

il a passé ses doigts sur son front en sueur, sur sa poitrine tremblante, sur ses épaules faibles puis il a rouvert les yeux pour planter son regard dans le mien.
- amen.

mon chuchotement l'a surpris et j'ai trouvé la force de glousser, pour lui. en riant, gêné, il a gratté sa nuque.
- personne sait que je suis croyant. mais j'avais besoin de le faire devant toi, ça me donne plus de force.

nous nous sommes regardés profondément, comme si nous cherchions à sonder l'âme de l'autre.
j'aimais sa sincérité, son authenticité, sa spontanéité. j'aimais ses yeux doux, chaleureux. j'aimais le fait que malgré le fait qu'il était aussi terrifié que moi, il cherche à me rassurer.

il a baissé les yeux et s'est reconcentré sur sa tâche première. il a saisi la pince et son sourire s'est soudain décousu. les minuscules graines de bonheur que nous avions juste planté fanaient déjà autour de nous.
- tiens bon, hyuck. je t'en supplie, tiens bon. ça sera bientôt fini.

j'ai fermé les yeux, tenté de calmer mon coeur sur le point d'exploser. tous mes sens étaient à l'affût. le claquement d'un briquet : mark stérilisait la pince. une respiration rapide et intensive : il angoissait de plus en plus. le silence était en plomb et dehors, j'entendais le doux gazouillis des oiseaux. la vie continuait dehors.
- je suis prêt. vas-y.

et puis,
sa main qui se pose sur mon bras. mes doigts qui empoignent les draps, ma gorge qui se noue. la pince qui plonge dans mon bras et qui déchire tout. je suis aveuglé par la douleur, je n'entends plus mes hurlements, je ne respire plus. le métal glacé fouille mes muscles chauds. je sens mon sang dégouliner sur ma peau, sur ses doigts.

je voulais juste que ça s'arrête. déchiré entre larmes et cris, la liberté ne me paraissait plus aussi belle. et je me demandais si après tout, tout ça valait vraiment la peine.

ー le blues du businessmanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant