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son morceau s'est terminé mais les étoiles dans nos yeux ne se sont jamais éteintes.

il était à bout de souffle, comme si c'était sa gorge qui avait insufflé toute la puissance de son être. et après avoir lâché les cordes, ses doigts, ses mains, ses bras tremblaient, comme si, eux, se rendaient compte de leur force. et moi, j'étais à bout de souffle et tremblant, comme si admirer sa beauté était un effort.

j'ai applaudi, de toutes mes forces, et je n'étais pas le seul. le battement des mains du barman, debout juste derrière moi, résonnait dans la pièce presque vide comme la sentence que nous attendions. je me suis retourné vers lui en levant la tête vers la sienne et mon coeur a raté quelques battements quand j'ai remarqué son sourire immense. il m'a dépassé et s'est avancé jusqu'à mark, qui s'était relevé et courbé du plus profond qu'il le pouvait.
- rejoue-moi un morceau, petit. s'il te plaît.

mark s'est redressé en vitesse, ses yeux galaxies rencontrant les miens au bord des larmes. il a peint sur ses lèvres roses son plus beau sourire et il a hoché la tête frénétiquement.
satisfait, le barman est revenu près de moi, en installant l'un des tabourets à mes côtés.
- il est très doué, ton copain. merci de me l'avoir emmené.

pendant que mark réglait quelques accords, la voix de l'homme a repris ses murmures.
- il me fait penser à moi quand j'avais votre âge. moi, c'était le chant. c'était ma plus grande passion, je vivais pour ça. je voulais en faire ma carrière. mais je me suis pas assez accroché et regarde où j'en suis aujourd'hui. il faut toujours s'accrocher à ses passions ou on te le fera payer. et souvent, ce sera toi-même qui t'infligeras ta propre punition. t'as une passion, toi ?

j'étais tellement plongé dans ses paroles que je n'ai pas tout de suite remarqué son silence.
- le chant. c'est chanter ma passion. comme vous.
- alors fais pas comme moi, petit. accroche-toi à ton rêve ou tu le regretteras. et avec ton pote, vous pouvez aller très loin.

mark avait recommencé à jouer. son petit air de guitare s'est incrusté dans les paroles du barman et a volé toute mon attention. encore une fois, j'ai observé le mouvement de ses doigts, de ses lèvres, de ses bras, de ses cheveux. l'une de ses mèches noir corbeau se balançait sur son front et se découpait dans la blancheur de sa peau. son tout petit nez s'était froncé avec la concentration et je rêvais simplement de passer mes doigts dessus pour le lisser de nouveau.

mes jambes me démangeaient. mes bras voulaient bouger dans tous les sens. mon estomac tourbillonnait dans mon ventre. et j'avais envie de crier ma passion. je ne rêvais plus que de ça. je me suis levé doucement, sans faire détourner le regard du barman, déjà fixé sur mark, et je me suis avancé vers la scène.

là, mon ami a relevé sa tête. et son tout petit nez froncé s'est lissé sans même mon toucher. un nouveau sourire s'est tissé sur son visage pâle et ses yeux ont continué de briller. au fond de ses pupilles, il y avait les néons sombres, la petite lumière blanche et surtout mon image qui se reflétait.
- vas-y hyuck. chante.

j'aurais aimé lui dire que je ne connaissais pas le morceau qu'il jouait, ni les mots qu'il fallait que je pose sur ses notes. j'aurais aimé lui dire que je ne savais pas comment faire et que je voulais simplement voir de plus près les étoiles scintiller dans ses yeux. j'aurais aussi aimé lui dire beaucoup de choses mais ma gorge ne voulait que chanter. les mots sont sortis de moi sans que j'en sois pour quelque chose. peut-être que finalement, mon cœur se débrouillait bien sans ma tête.

je n'entendais pas ce que je chantais. mes oreilles bourdonnaient et même le plus petit de mes neurones s'était effacé de l'intérieur de ma tête. plus rien ne fonctionnait correctement. mais pourtant, tout allait si bien. j'avais comme l'impression de perdre le contrôle, et je détestais perdre le contrôle. à part avec mark. il avait le don de me pousser à me livrer, à me faire oublier mes peurs et mes craintes. je n'entendais plus rien mais je percevais parfaitement mon bonheur mêlé à celui de mark, qui rayonnait dans l'obscurité de la salle.

et comme durant cette première nuit, l'apparente éternité de la chanson s'est tue, nous laissant lui et moi, yeux dans les yeux et cœur contre cœur. toujours les mêmes sourires, les mêmes poitrines folles, les mêmes jambes tremblotantes. pourtant, il y avait bien quelque chose qui était différent : les applaudissements assourdissants du barman. j'ai lâché mark du regard pour me concentrer, déconcerté, sur l'homme derrière nous.

ses lèvres s'étaient habillées de leur plus belle risette et malgré ma grande surprise, j'ai souri à mon tour.

- vous avez vraiment quelque chose, vous deux. je sais pas si c'est parce que vous avez beaucoup de talent ou si vous êtes amoureux l'un de l'autre mais vous avez une vraie alchimie !

j'ai écarquillé les yeux et mon coeur s'est emballé dans ma cage thoracique. j'ai silencieusement remercié l'obscurité de la pièce qui cachait la peau de mon visage, devenue carmine.
- on... on n'est pas amoureux ! pas vrai, mark ? ai-je répliqué en me tournant vers le canadien. son regard a accroché le mien et un léger sourire a relevé les coins de sa bouche. il a un peu plus collé le manche de sa guitare contre sa poitrine avant de répondre sans me lâcher des yeux.
- on n'est pas en couple, monsieur.
- ah bon ?

les haussements des épaules de mark et du barman se sont rencontrés et j'ai froncé les sourcils. mais au moment où j'allais ouvrir la bouche, le plus vieux s'est avancé vers nous, la main tendue.
- je m'appelle changsan. donc appelez-moi changsan. pas de hyung entre nous. j'ai pas grand chose mais vous accepteriez de venir chanter tous les soirs ?

j'ai senti le corps de mark, qui entre temps était descendu de la petite scène, de crisper à mes côtés. j'ai brusquement tourné ma tête, de façon à retrouver le regard stupéfait de mon ami. j'ai senti un sourire immense fleurir sur mes lèvres et j'ai admiré le sien en essayant d'ignorer les battements désaccordés de ma poitrine. mark a jeté un coup d'œil à changsan puis il s'est raccordé au mien, comme en quête d'approbation. et sans hésiter, j'ai hoché la tête comme un fou. alors, il s'est tourné vers le barman et a aussi hoché la tête.
- a-avec plaisir. ça serait idiot de refuser !
- tu l'as dit, gamin ! je vais m'occuper de faire votre pub. ça ramènera du monde et peut-être même du beau monde... comment je dois vous présenter ?

je vivais un rêve éveillé. nous étions perdus au milieu de nulle part et ça allait être à cet endroit à mille lieues de la capitale de tous les possibles que nous allions réaliser notre possible à nous. je rêvais de chanter, de rire, d'aimer, de vivre véritablement et enfin, ma bonne étoile me montrait sa présence. il y a quelques semaines, j'enrageais, seul dans mon bureau à classer et ranger des dossiers aussi vides que débordants et aujourd'hui, je tenais au bout des doigts l'opportunité de ma vie et j'allais la partager avec la personne que j'aimais le plus dans ce vaste monde. avec la personne qui dérangeait ma vie et mon coeur en les couvrant de fleurs et d'étoiles.

- je garde mark. je préfère pouvoir me rattacher à quelque chose que je connais bien. et toi, hyuck ?
- appelez-moi haechan. h-a-e-c-h-a-n.

d'abord, j'ai ignoré le regard lourd de mark et j'ai seulement observé changsan hocher et faire volte-face vers son comptoir, tout sourire.
- hyuck ?
- hum ? ai-je répondu, sans tourner la tête ou ôter mon sourire.
- haechan, ça veut bien dire...
- oui oui. j'ai enfin posé mon regard sur son visage rougissant. mais je voulais pas mettre fullsun, parce que c'est trop évocateur et ça voudrait dire que je serai le seul soleil sur scène.

et j'avais raison. parce que dans cette salle, avec sa peau translucide, ses joues pivoine et ses yeux galaxies, rien n'était plus semblable au soleil que lui.

ー le blues du businessmanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant