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il y avait maintenant deux semaines que mark et moi jouions tous les soirs au bar de changsan.

le second soir, celui suivant la rencontre du barman et de mon ami, nous n'avions aucun spectateur. j'étais mort d'angoisse avant d'arriver au bar, j'avais été mort de honte après avoir vu la salle vide. mais changsan nous a applaudi si vivement et nous a encouragé avec tant de passion que c'était impossible pour nous de renoncer. nous sommes revenus le lendemain et mon coeur a explosé quand j'ai vu deux personnes assises à une petite table onde, près de celle où j'avais passé la nuit quelques jours auparavant.

pendant que mark accordait sa guitare, j'avais fixé l'homme et la femme assis devant moi. ils nous souriaient et malgré mes tentatives appuyées, mon rictus tremblotant ne s'enfuyaient pas de mes lèvres. et pourtant, j'étais réellement heureux, tellement fier ! des gens s'étaient déplacés pour nous voir, mark se tenait près de moi et je me sentais prêt à faire des choses bien plus grandes que les étaient mes rêves. seulement, j'étais terrorisé par la possibilité de rater mon opportunité, elle qui était peut-être la seule et unique que l'on m'accorderait dans ma vie. alors, je voulais tout donner, tout faire parfaitement pour obtenir cette étincelle brillante dans ces prunelles qui ne nous lâchaient pas du regard. je voulais les voir brûler sous la surprise, sous l'étonnement, sous l'épatement. je voulais sentir les applaudissements secouer mon cœur, faire trembler mes côtes.
et par dessus tout, je voulais que mark ne voit que moi.

parce que moi, je ne voyais que lui.
lui et ses cheveux corbeau sauvage, lui et ses yeux galaxies, lui et sa peau porcelaine.
ses sourires, ses fous rires, ses larmes foulant ses joues pâles.
sa passion, sa détermination, la douceur de sa peau.
il était l'objet de mes fascinations, l'unique sujet de mes rêves. sa joie était mon plus grand bonheur et sa colère était ma plus grande fureur.
je me surprenais de plus en plus à laisser mon regard courir sur la courbe de sa mâchoire, sur la finesse de ses traits, sur ses bras parsemés de veines puissantes.
quand j'étais près de lui, je ne souhaitais qu'une seule chose : de l'être encore plus, plus que personne ne pourrait jamais l'être. l'imaginer loin de moi me brisait le cœur et je ne pouvais pas me résoudre à l'idée qu'un jour, quelqu'un d'autre que moi resterait éveillé si tard que la nuit devenait matin, juste pour l'admirer dormir.
je ne connaissais pas ce sentiment étrange qui faisait battre mes os et perdre la raison mais une chose était sûre : mark était bien plus qu'il était censé être. et cela m'éveillait autant que cela m'effrayait.

alors, les nuits ont suivi les petits concerts et chaque soir, de nouveaux spectateurs venaient nous regarder. mark caressaient ses cordes de cuivre et moi, j'exprimais du mieux que je pouvais la souffrance et la douleur, le bonheur et les battements fous de mon cœur. je trouvais que les néons rendaient bien dans l'obscurité intéressée de la salle de plus en plus comble et j'avais presque l'impression de bien faire. puis j'atteignais les dernières notes, les gens applaudissaient, parfois même criaient et je me délectais du regard brillant de mark. j'aimais chanter, dévoiler aux autres les pans de ma vie que d'autres comprenaient mieux que moi mais la partie que je préférais restait celle où mark prenait ma main pour saluer le public.
oui, le moment où sa paume brûlante et poétique enlaçait la mienne était de loin celle qui me rendait le plus heureux.

ce soir-là, le bar avait été plus plein que jamais. quand mark et moi étions arrivés, nous avions été ravis des éclats de rires et de bonheur qui venaient fredonner dans nos oreilles. derrière son comptoir, un changsan débordé nous a à peine salué mais le grand sourire qu'il nous a adressé valait bien tous les saluts du monde. j'étais heureux d'aider à ramener du monde dans son petit bar et le voir aussi rayonnant m'encourageait à continuer de tout donner.

quand mark et moi sommes montés sur la scène, la plupart des conversations ont été couvertes par les applaudissements bruyants du public. cette fois-ci, je suis arrivé à sourire aux personnes rassemblées devant moi, essayant de mémoriser chaque regard plein d'espoir et de hâte qu'ils me lançaient. j'ai attendu le signal de mark, je m'étais courbé en les remerciant d'être là, et après m'être éclairci la gorge, j'ai laissé la passion m'envahir pour une fois de plus, essayer de convaincre que je n'étais pas qu'un bon à rien.

ce soir-là, tout avait été parfait. le public état fantastique, nous acclamant comme rarement nous l'avions été et j'avais savouré la sensation d'être éclairé par le flash de leur téléphone. je me sentais aimé et c'était l'une des meilleures sensations que je n'avais jamais ressenties.

peu après minuit, notre petit spectacle s'était fini et après des vagues et vagues d'applaudissements, la salle avait commencé à se vider. c'était le cœur frénétique et le sourire brodé aux lèvres que j'avais quitté le bar, mes doigts entremêlés à ceux de mark, qui riait de ma joie explosive. rien n'aurait pu briser mon bonheur. ni le long trajet à pied, ni ma veste un peu trop fine, ni même mon ventre qui grondait. rien.

enfin, c'était ce que je pensais avant d'arriver à la clairière.
avant de dépasser les derniers arbres, mark a tendu son bras devant mon torse. au moment où j'entrouvrais les lèvres, il a posé un doigt sur les siennes. j'ai froncé les sourcils. et avec horreur, j'ai lu sur ses lèvres
- j'ai entendu du bruit. ça vient du van.

il a fait volte-face, a tourné la tête à droite à gauche avant de se saisir d'une grosse branche qui trainait un peu plus loin. il est repassé devant moi, me jetant un petit regard.
- tu ferais mieux de rester là hyuck, je sais pas ce qui se passe.
- je dois te regarder prendre des risques tout seul ? j'ai aperçu sa bouche se rouvrir alors j'ai continué, je viens avec toi, fin de la discussion.

il m'a fixé quelques secondes avant de soupirer et de reprendre ma main. nous sommes sortis de l'ombre des arbres pour nous jeter dans la clairière, où nous étions si vulnérables. j'essayais de retenir mon souffle mais je sentais mes poumons et mon coeur s'affoler dans ma poitrine. nos mains liées sont rapidement devenues moites mais pour rien au monde je n'aurais laissé partir les doigts de mark.

c'est là que l'on a entendu un autre bruit.
tellement, tellement plus près de nous.

il y avait quelqu'un dans le van. un homme qui, à travers la fenêtre, m'a adressé un regard.
et un sourire terrifiant.

ー le blues du businessmanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant