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je suis encore resté immobile quelques minutes, profitant des caresses douces de mark sur ma joue. le calme qui m'envahissait était aussi reposant que mélancolique : après tout, je ne savais pas quand arriverait la prochaine fois où je serai aussi serein. mais bientôt, j'ai dû penser aux nouvelles responsabilités qui nous accablaient, à mon père inconscient sur le sol, à notre fuite. en retenant ma respiration, je me suis relevé, tentant malgré tout de consoler mes jambes tremblotantes et mon horrible mal de tête. sous le regard inquiet de mark, j'ai épousseté ma chemise froissée, mon pantalon couvert de poussière et je me suis redressé.

- hyuck... tu es sûr que ça va aller ?
j'ai hoché la tête, en relevant mon menton.
- ça ira. regarde son pouls, s'il te plaît.

il a fixé son regard sur moi quelques secondes. c'était un regard étrange, plein de questions et de doutes mais il y avait comme cette minuscule lueur de fierté qui m'a rendu bien plus heureux qu'elle n'aurait dû le faire. le fait que mark puisse être fier de moi me redonnait confiance en moi-même. peut-être que je méritais son intérêt et je voulais lui prouver que oui, il pouvait avoir confiance en ma force.

il s'est baissé, a mis deux de ses doigts dans le creux du cou de mon père. nous avons attendu en silence jusqu'à qu'il se relève.
- son cœur bat normalement et il respire. il est juste assommé.

j'ai hoché la tête, en essayant de cacher ma légère déception. je ne ressentais que du dégoût et du mépris en jaugeant son corps sur le sol. en fait, il n'était pas si impressionnant, pas si fort que ça. et là, je le détestais encore plus parce que même comme ça, il me faisait encore peur. j'ai reniflé, essuyé une goutte de sueur sur ma tempe et j'ai détourné le regard.
- viens avec moi, j'ai quelque chose à aller chercher.

en silence, je l'ai guidé à travers ce labyrinthe qu'était ma maison. bien que derrière moi, je savais qu'il observait avec curiosité tous les bibelots et tableaux bien trop chers exposés partout autour de nous. toutes ces œuvres d'art mises en cage me donnaient envie de toutes les casser, une par une, tableau après sculpture. et peut-être qu'après ça, elles auraient eu une véritable signification ici, dans ce foyer détruit.

nous sommes montés au troisième étage et nous avons parcouru un énième couloir. au fond, une seule porte. en bois foncé, presque noir.
le bureau de mon père.

arrivé devant elle, j'ai eu l'impression de redevenir le petit garçon que j'étais il y a encore si peu de temps. j'avais appris à avoir peur de cette porte et de toutes les responsabilités et secrets qu'elle me cachait. j'avais appris à la voir m'éloigner de mon père, de la seule famille que j'avais. j'avais appris à reconnaître son grincement particulier. bien sûr, elle était fermée. ma mâchoire s'est contractée et ma colère a recommencé à bouillir en moi. j'ai fait volte-face, faisant sursauter mark, et j'ai arraché l'extincteur du mur blanc. avec un cri de rage, j'ai éclaté la poignée en plaqué or et la porte s'est ouverte en un grand craquement.

les mains crispées autour de la bonbonne rouge, les yeux écarquillés, j'ai immédiatement culpabilisé. derrière moi, le canadien paraissait aussi choqué que moi. il me dévisageait comme s'il venait de croiser un extraterrestre. j'ai haussé les épaules.
- je crois que j'ai toujours rêvé de faire ça. ça donne encore mieux que dans ma tête.

il a rigolé doucement avant de me prendre l'extincteur des mains et de le poser contre le mur. il a entremêlé ses doigts avec les miens en souriant.
- fais ce que tu as à faire, on devrait essayer de pas tarder.

j'ai respiré un grand coup puis je suis rentré dans le bureau de mon père pour la première fois. dans mon imagination, je le voyais immense, clinquant, avec une bibliothèque en chêne remplies de beaux livres. mais rien de tout cela. en fait, la pièce était plutôt simple : un bureau en verre, un siège en cuir, un grand tapis, quelques commodes et une grosse armoire au fond. un peu hésitant, j'ai baladé mon regard un peu partout, dans l'espoir de trouver ce que je cherchais.
- qu'est-ce que tu cherches, hyuck ?
- le coffre-fort.

je l'ai entendu entrer à son tour puis nous nous sommes attelés à la recherche du trésor de mon père. nous avons fouillé le bureau, les armoires, les commodes, les murs, le sol mais rien, pas la moindre trace de ce fichu coffre. la panique commençait à monter en moi et chaque pas dans son bureau me ramenait à l'image du corps inconscient dans le salon et à la liberté qui me tendait les bras.

- hyuck ! j'ai trouvé !
j'ai accouru aux côtés de mark, qui tenait dans ses mains un des tableaux accrochés au mur. une niche était cachée derrière et au fond, il y avait le coffre-fort. j'ai fait un grand sourire à mon ami.
- tu es un génie !

mais bientôt, je me suis rappelé que ce coffre était scellé par un code que je ne connaissais pas et la peur est remontée sur le trône qu'elle s'était forgée dans ma tête.
- peut-être ta date de naissance ? la sienne ?

ensemble, nous avons exploré chaque suite de chiffre susceptible d'être chère à mon père. mais aucune date de naissance, aucun code logique ne fonctionnait et sur le bureau, les aiguilles de l'horloge se courraient après sans relâche. au bout d'un moment, je me suis reculé et j'ai essuyé les larmes qui pointaient dans mes yeux.
- viens mark, on s'en va. ça sert à rien.
- attends, j'ai encore une idée. dis... est-ce que tes parents étaient mariés ?

lentement, je l'ai regardé dans les yeux et je me suis noyé dans la sagesse et la détermination de son regard. j'ai hoché la tête et presque au ralenti, j'ai tenté ce code de la dernière chance. et la porte s'est ouverte. cette fois-ci, je n'ai pas cherché à faire taire mes larmes. je me suis tourné vers mark, dont le sourire scintillait bien plus fort que le lustre de cristal au-dessus de nos têtes et j'ai souri à mon tour. mon coeur hurlait dans ma poitrine et enfin, la peur a abdiqué.

j'ai fourré mes mains dans le coffre et j'ai sorti des dizaines de liasses de billets que j'ai données à mark, presque sous le choc. nous avons rempli nos poches de ces millions de wons qui allaient nous permettre une certaine sérénité. mais au moment où j'allais fermer le coffre-fort, quelque chose a attiré mon attention. une enveloppe brune, vierge et fermée. je l'ai attrapée et comme si j'avais inconsciemment senti son importance, mes mains ont un peu tremblé en l'ouvrant. j'ai glissé l'une d'elles dans l'enveloppe et mon coeur s'est éteint dans ma poitrine quand je l'ai ressortie.

je n'avais jamais connu ma mère et mon père avait toujours fait comme si elle n'avait jamais existé. les maigres informations que j'avais sur elle étaient le fruit de longues recherches dans les cartons à souvenirs. je ne connaissais pas son visage non plus. et maintenant, je savais enfin d'où je tenais ma peau mate et mes yeux clairs.

j'avais dans la main la photo d'une femme. aucun nom, aucune date. pourtant, je savais que c'était elle. ma mère. nous avions le même sourire, le même épi sur le haut de la tête. une larme s'est écrasée sur son visage heureux, figé dans le temps. mark a caressé mes cheveux, doucement, comme pour un enfant qu'on console après un gros chagrin.
- elle était belle.

contre son épaule, j'ai acquiescé. malgré mes larmes, ma tristesse, ma culpabilité, une étincelle d'espoir brillait dans mon coeur. je ne croyais ni au destin ni à la magie pourtant, j'avais envie de croire que l'apparition du visage de ma mère à ce moment critique de ma vie était annonciatrice de bonne aventure. après tout, son sourire était bien trop beau pour vouloir signifier l'échec.

soudain, un craquement.

un craquement que je connaissais par coeur. j'ai décollé mon visage de l'épaule réconfortante de mark et mon cœur a explosé quand j'ai croisé le regard de mon père et celui du canon de son pistolet pointé sur nous.

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hey !
on est déjà au onzième chapitre et je voulais remercier les quelques fidèles et super lecteurs qui m'encouragent à poster alors voilà merci beaucoup !!!
à vendredi pour le prochain chapitre ♡

ー le blues du businessmanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant