Chapitre Deux - L'Histoire de la Création

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Florelle se réveilla le lendemain matin, bailla et se leva pour descendre à la cuisine. Le manoir était calme. Les jumelles étaient parties travailler, Arthur jouait silencieusement à la console, la bouche tordue par la concentration et l'énergie qu'il y mettait. Mélina dormait encore et Nana prenait son petit-déjeuner dans la chambre, avant qu'Yvonna ne l'aide à faire sa toilette. D'ailleurs, la dame de compagnie redescendait de l'étage avec le plateau vide.

— Bonjour Florelle, bien dormi ? s'enquit-elle auprès de la jeune fille avec un accent chantant de l'est.
— Oui, merci.
— Arthur, tu vas te laver, ton père sera là dans une heure, prévint-elle encore. D'ailleurs, toi aussi tu devrais te dépêcher ma grande.
— Ok, bailla Florelle qui ouvrit mollement le réfrigérateur pour prendre une bouteille de jus de fruits.

Yvonna avait aussi un rôle de nourrice au sein de la famille. Cela faisait huit ans qu'elle travaillait pour Nana. Au moins une femme qui n'avait pas peur des sorcières. Plusieurs employées avant elle avaient pris leurs jambes à leur cou en voyant certaines bizarreries au sein de la maisonnée. Mais pas Yvonna. Même si les Blackhill veillaient à ne pas pratiquer la magie ostensiblement, elle devait se douter de quelque chose. Mais dans sa culture, les sorcières incarnaient le bien. L'auxiliaire de vie expliquait que d'autres créatures bien plus terrifiantes avaient régné sur Terre avant les hommes et que c'était de ceux-là dont il fallait avoir peur.
Après un deuxième rappel à l'ordre, Arthur délaissa enfin sa console et, de mauvaise grâce, monta à l'étage en faisant claquer ses pieds contre les marches, avec la discrétion d'un éléphant.

Sans surprise, et à cause du bruit occasionné par son cousin, Mélina descendit à son tour, les yeux encore bouffis de sommeil. Silencieusement, elle s'affala à table quelques instants avant qu'une nuée de chats ne vienne la rejoindre.

— Nici a pisica pe masa ! râla inutilement Yvonna dans sa langue natale. Oust Oust les chats !

Les animaux n'en avaient que faire des plaintes de la bonne. Florelle souleva son bol de lait et débarrassa les pots de chocolat et de confiture pour les sauver des coups de langues gourmands des félins.

— Mélina ! Va dans la véranda avec tes chats ! pesta encore la dame de l'est qui s'employait à les faire descendre un par un, alors qu'à peine posés au sol, les chats sautaient à nouveau sur la table.

La jeune sorcière se leva en grommelant et se traîna jusqu'à la véranda dont la température était déjà agréable malgré l'heure matinale. La porte ouverte laissa échapper des piaillements et sifflements d'impatience et de contentement de la petite animalerie de Mélina. Elle ne comportait pas moins de six chats, quatre lapins, quatre hamsters, cinq rats et souris, sans compter les colombes qui vivaient dehors ainsi que deux ânes et quatre chèvres dans la pâture du voisin. Toute cette joyeuse assemblée était exclusivement entretenue par Mélina qui passait des heures à les nourrir, les soigner et surtout, discuter avec eux. Elle avait acquis, depuis quelques mois, le don de communiquer avec les animaux et recueillait depuis toutes les bêtes blessées ou abandonnées du coin.
Elle revint quinze minutes plus tard, plus réveillée mais pleine de poils d'animaux.

— Tu as bien fermé la cage des hamsters ? questionna Florelle qui savait sa cousine tête en l'air.
— Oui oui. Tu vois Damien aujourd'hui ? demanda-t-elle à sa cousine.
— Oui, on va au lac pour y passer la journée.

Mélina parlait du père de ses cousins. Florelle savait que sa cousine était parfois jalouse de ne pas avoir de figure paternelle qui s'intéressait à elle et qui, comme Damien, serait dévoué à ses enfants.
Quand ils étaient plus jeunes, son père avait aussi accueilli Mélina pour participer à des sorties avec ses enfants ; mais le jour où il avait dû punir sa nièce pour un caprice, cette dernière s'était plainte à sa mère qui s'était vengée contre le conjoint de sa soeur. Damien s'était retrouvé avec un urticaire géant, des plaques rouges, oedèmes et démangeaisons qui allaient avec. Dahlia avait fait le nécessaire pour apaiser les douleurs et les tensions entre sa soeur et son conjoint, mais ce dernier n'avait plus voulu prendre Mélina avec eux pour les sorties estivales.


Florelle venait de finir de se préparer au moment où son père arriva. Il salua Yvonna et Mélina d'un sourire et adressa un salut plus froid à Nana qui ne lui répondit d'ailleurs même pas. La vieille sorcière supportait difficilement la présence d'un homme dans sa demeure. Au moins, Damien, avec son statut spécial, avait occasionnellement le droit d'y dormir.

— Allez Arthur, tu prends ton sac ? Florelle, on t'attend.

Damien avait la quarantaine, assez grand, il avait les cheveux clairs, coupés courts pour éviter de rendre trop visible sa calvitie frontale. Il embrassa sa fille sur le haut du crâne avant de filer à trois dans la voiture.

A vingt minutes de route du manoir, il y avait un grand lac et une zone de loisirs qui ouvrait à la belle période. Tous les ans, Florelle y venait mais il y a bien longtemps qu'elle n'y jouait plus comme une enfant. Son frère, lui, s'était donné rendez-vous avec des copains et s'amusait à s'enterrer dans le sable un peu plus loin. Elle, de son côté, lisait un livre en maillot de bain et paréo qui couvrait par pudeur ses épaules et son buste. Son père abandonna son téléphone et s'allongea en soupirant d'aise. Il profitait d'une journée libre avant de prendre de plus longues vacances fin août pour partir à quatre dans leur camping habituel pour leur quinzaine estivale.

— J'ai eu ta mère au téléphone hier soir, commença-t-il comme si de rien. Elle m'a parlé de votre conversation...
— Elle n'avait pas besoin de t'en parler, c'est pas grave, s'agaça Florelle.

Ses parents passaient des heures tous les soirs au téléphone, et tous les week-end sa mère passait ses nuits chez lui. C'était leur mode de fonctionnement particulier depuis toujours, respectant ainsi les traditions et leurs besoins d'intimité.

— Peu importe que tu développes ou non des pouvoirs, sache juste que ta mère et moi, nous t'aimons fort et que nous sommes fiers de toi.
— J'ai pas envie d'en parler.

Florelle se retourna sur le côté, ferma les yeux et sentit les larmes monter. Son père soupira et s'approcha d'elle.

— J'ai eu une offre d'emploi pour une boîte de design en Allemagne, reprit-il malgré le mur qui s'offrait à lui. On avait peut-être pensé avec ta mère de déménager là-bas, de vous emmener toi et Arthur et de pouvoir enfin vivre à quatre. Loin de toutes ces histoires de magie...
— Tu veux nous séparer de Nana ! s'exclama Florelle qui se redressa vivement. Mais, et Mélina ? Et Daisy ? On peut pas les laisser !

Le père jeta quelques coups d'oeil aux alentours, à l'idée que quelqu'un puisse entendre les plaintes de son aînée.

— C'est l'idée de ta mère, elle est enfin prête à couper le cordon et nous pensons tous les deux que ça peut être bénéfique pour toi, argumenta-t-il encore.
— Mais je ne veux pas partir !
— Je dois donner une réponse dans deux semaines, prends ce temps pour y réfléchir, d'accord ?
— Je ne veux pas partir ! Je veux rester vivre au manoir ! Je suis une Blackhill! tonna-t-elle en se relevant, furieuse.
— Florelle...

L'adolescente n'écouta plus son père et reprit la direction de la voiture. Elle attendit là une heure en ruminant avant que les hommes ne reviennent pour les ramener au manoir.

— Merci Flor' ! Je m'amusais moi ! râla Arthur qui voyait sa journée gâchée par sa soeur.
— Tais-toi !
— Les enfants, ça suffit...

Damien reprit la route et déposa ses enfants au manoir un peu avant de repas du midi. Il embrassa son fils, voulut faire de même avec sa fille mais celle-ci l'ignora et, claquant la porte de la voiture, prit la direction de la maison.

— Réfléchis-y Florelle, lui lança une dernière fois son père avant de quitter la demeure en secouant la tête.

A l'intérieur, tout était calme, un peu trop. La cuisine était vide, comme le salon et l'étage.

— Ils sont où ? questionna Artur, aussi surpris que sa soeur du silence.

Florelle regarda à l'extérieur et elle vit une petite procession se diriger tout au bout du parc, au pied du grand chêne qui couvrait la pelouse de son ombre. Inquiète, pressentant un événement funeste, Florelle sortit les rejoindre, suivie d'Arthur sur ses talons.

"Elle n'a pas bien fermé la cage", murmura-t-elle pour elle-même en supposant d'avance qu'elle avait raison. Mélina, leur grande-tante et sa dame de compagnie étaient au petit cimetière d'animaux à l'extrémité de la parcelle. Sa cousine, en pleurs, tenait un petit paquet dans ses mains qu'elle posa au fond d'un trou creusé dans la terre.

Florelle s'arrêta près de Nana qui lui prit la main et lui expliqua que c'était Rosty, l'un des hamsters. La mort était un processus inéluctable et naturel que la magie ne pouvait pas déjouer.

Après une prière et un moment de recueillement et de soutien envers Mélina, tous retournèrent à l'intérieur à l'exception des cousines.
La peine de la jeune sorcière était palpable. Elle connaissait chaque animal par coeur, leur histoire, leurs préférences, leurs peurs et elle veillait sur eux comme une mère sur ses enfants. Elle était effondrée et son chagrin était sincère.

— Je suis désolée Mel'...
— La cage n'était pas bien fermée et Rosty s'est échappé... Igor l'a attrapé et le temps que j'entende ses cris, il était trop tard... expliqua-t-elle entre deux sanglots. Pourtant Igor sait qu'il ne doit pas blesser les autres ! Ils font tous partie de la famille !
— C'est un chat, c'est dans sa nature de chasser ...

La journée fut morose et Mélina inconsolable, même après le retour de sa mère. Florelle se fit la réflexion que sa cousine, derrière ses airs d'apprentie sorcière rebelle, n'était encore qu'une gamine.

Dans la soirée, elle cessa de pleurer mais elle était pensive, silencieuse et cet état ne lui ressemblait pas. Florelle avait senti une forme d'inquiétude lui tourmenter l'esprit. Sa cousine monta dans sa chambre alors qu'il était encore tôt et progressivement tout le monde suivit.

Dans la salle de bain, Dahlia se démaquillait déjà quand sa fille pénétra dans la pièce pour se brosser les dents. Dans le regard de sa mère, elle sut que son père lui avait fait part de leur conversation plus tôt dans la journée.

— Ton père t'en a parlé, de l'Allemagne ?
— Je ne veux pas partir...

Irritée, Florelle fit demi-tour et, intriguée par une curiosité soudaine, s'arrêta devant la chambre de Mélina. Elle voulut y entrer mais sa mère réapparut dans le couloir.

— C'est nous quatre ta famille : ton père, ton frère et moi, ajouta-t-elle. Réfléchis-y s'il te plaît.

Après un dernier soupir exaspéré, Florelle rejoignit finalement sa chambre.

▲▼▲

L'adolescente était allongée dans le noir, fatiguée des pensées qui la tracassaient. Elle n'avait pas envie de quitter le manoir, sa famille et ses racines magiques. Mais elle 16 ans et demi et aucun pouvoir. Peut-être était-elle humaine et peut-être devait-elle vivre comme une humaine. Les yeux fermés, elle se sentit s'enfoncer dans les profondeurs du sommeil. Le grincement de la porte et les remous dans son lit l'empêchèrent de s'endormir profondément. A moins qu'elle ne rêvait déjà ?

— Flor' ?

La voix de son frère l'extirpa des songes bienfaisants pour la ramener à la dure réalité.

— Arthur ? Qu'est-ce que tu veux ? râla sa soeur en s'efforçant de garder les yeux fermés.
— J'arrive pas à dormir ! chuchota-t-il en réponse.
— Je m'en fiche, moi j'étais sur le point de dormir. Retourne dans ta chambre !
— Je peux rester ici, dormir avec toi ?
— D'accord, mais arrête de remuer !

Florelle, agacée, ferma à nouveau les yeux en tentant d'ignorer son frère. Sept ans les séparaient mais ils restaient proches. Parfois, l'adolescente se sentait plus proche de son petit frère que sa cousine qui avait pourtant le même âge et une foule de points communs. Mais Arthur n'avait pas de pouvoir et Nana n'était pas toujours tendre avec lui. Un jour aussi la doyenne se rendra compte que la stérilité magique de sa petite nièce et elle la rejettera. A moins qu'elle s'en soit déjà aperçu...

Ses tristes réflexions, ainsi que les remous de son frère à côté, l'empêchaient de se rendormir. En soufflant d'exaspération, elle se redressa et s'adressa virulemment à lui dans le noir.

— Bon, qu'est-ce que tu veux à la fin ?!
— Mais j'arrive pas à dormir ! s'exclama-t-il. Tu me racontes une histoire ?
— Mais il est presque 23 heures ! Je suis fatiguée !
— Une toute petite minuscule histoire !

Malgré la quasi obscurité, Florelle pouvait imaginer Arthur, les mains jointes en prière, la suppliant de céder.

— D'accord, mais on va dans ta chambre !
— Oui !!

Arthur sauta au bas du lit et courut jusqu'à sa chambre. Lorsque Florelle arriva à son tour, il était déjà sous ses couettes et sa lampe de chevet qui illuminait encore une chambre de petit garçon.

— Bon, qu'est-ce que tu veux comme histoire ? demanda son aînée en détaillant la pile de livres sur une étagère.
— Tu sais très bien quelle histoire que je veux !
— Quoi ? Encore ? Je te la raconte toujours ! s'exaspéra Florelle.
— Mais j'aime bien quand c'est toi qui me la racontes !

Le sourire d'Arthur contraint sa soeur à concéder encore une fois à ses envies. Florelle prit un petit fauteuil à bascule dans lequel elle s'installa et se roula dans un plaid.

— Il était une fois... la Terre peuplée d'humains et de Faeries. Les Faeries étaient des créatures magiques de toutes les races possibles et imaginables, débuta-t-elle d'une voix qui se voulait mystérieuse. Des nymphes, des elfes, des trolls... Tous vivaient en paix et en harmonie pendant des millénaires. Mais les humains devenaient de plus ne plus nombreux, plus forts et plus ambitieux. Ils voulaient la Terre rien que pour eux. Les Faeries ont été progressivement exclus jusqu'à être réduits en l'esclavage. Les Hommes voulaient le monopole de la supériorité raciale.

Il fallait croire que les humains reproduisaient sans cesse les mêmes schémas au fil des siècles. Supérieurs aux Faeries, supérieurs entre-eux et ce rejet de la différence de races avait provoqué beaucoup de tords.

— Mais les Faeries ne voulaient pas de laisser faire. Leur nombre croissant et leurs conditions de vie, devenues exécrables, les poussèrent à se révolter, à exiger leur liberté. Ils s'étaient préparés à une guerre phénoménale, le plus grand conflit que l'Histoire n'ait jamais vu ! narra Florelle d'un ton sensationnel, accompagné de gestes pour accompagner ses dires. Hors, les sorcières, mi-faery, mi-humaine, ne voulaient pas voir leurs deux peuples s'entretuer.
— Elles ont fabriqué le portail ! s'écria Arthur.

Le garçon connaissait l'histoire par coeur. Avant Florelle, c'était sa mère qui lui racontait la même histoire. Il battit des bras et des jambes sous les couvertures, s'attirant les "chut" de sa soeur qui ne voulait pas réveiller la manoir tout entier.

— Oui, la famille des Pendergast créa le portail vers un nouveau monde où tous les Faeries pourraient vivre libres.
— Eldarya !
— Oui, Eldarya. Les Alistair créèrent la flûte de Hamelin dont le but était d'appeler tous les Faeries vivant sur Terre et les rassembler pour le grand exil.
— Et les Blackhill ? questionna le garçon, bien qu'il connaissait la réponse.
— Notre ancêtre Millaryne Blackhill a créé le Grand Cristal à partir du coeur du dernier dragon vivant, narra Florelle en mimant de ses mains un caillou énorme, elle-même absorbée par sa propre histoire. En punition des mauvais traitements infligés aux Faeries de la part des humaines, elle voulait les punir. Elle emprisonna toute la magie de la Terre dans le Grand Cristal.

Florelle se questionnait régulièrement de savoir comment serait sa vie si les Faeries étaient restés sur Terre... Pour le peu que l'histoire soit vraie !

— Mais ce n'est pas tout, reprit-elle encore. Eldarya n'était qu'un immense désert lorsque les Faeries sont arrivés là-bas ; donc les plus puissantes familles se sont alliées pour rendre ce monde habitable. Les Botan ont érigé les montagnes et les vallées, les Yin Hao ont donné naissance aux océans, aux mers et aux rivières et les Riñata ont produit un soleil et deux lunes. Mais Millaryne Blackhill n'a jamais mis les pieds à Eldarya.
— Pourquoi elle est pas partie avec les autres sorcières ? questionna Arthur.
— Elle est restée sur Terre par amour. Elle sacrifia tout ce qu'elle avait pour l'homme qu'elle aimait.
— Ça veut dire qu'on est les seuls Faeries à être restés ? sollicita encore son frère un ton plus calme.
— Non, non, d'autres Faeries ont refusé de partir, de quitter leur maison ou leurs terres. D'autres voulaient rester pour continuer le combat, se venger, laissant ainsi aux humaines des légendes à raconter. D'autres, comme nous, se sont mélangés à eux, peu à peu, nous avons perdu notre puissance magique, nous sommes devenus faeliens, avec simplement le reste de sang de nos ancêtres.

Florelle constata avec un sourire tendre que son frère était somnolent, les paupières lourdes de sommeil.

— Tu penses que c'est vrai ?
— Bien sûr que c'est vrai ! affirma Florelle en le regardant fermer les yeux.

Elle n'y croyait pas vraiment, même si sa mère lui avait donné la même réponse lorsqu'elle lui avait demandé. C'était comme le Père-Nöel ou la petite souris, des histoires pour faire rêver les enfants. Les Faeries avaient sûrement dû exister un jour, sinon comment expliquer leurs pouvoirs. Mais comme eux, les autres créatures magiques s'étaient fondues avec les humains et leur magie progressivement éteintes dans le sang de leur descendance. Seuls restaient quelques traces d'anciennes légendes. Rêvant de coeur de dragon incandescent, Florelle s'endormit dans le petit fauteuil, enroulée dans un plaid.

[Eldarya] [Lance]Le Sang des SorcièresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant