[Eldarya] [Lance]Le Sang des Sorcières

Chapitre Trente-Sept - Machinations

Ezarel était en train de lire et lire encore la courte liste écrite par ses soins. Il relisait les noms, incapables de choisir parmi les candidatures, le futur second de sa garde.

Il lui fallait quelqu'un de compétent certes, et loyal, une personne qui l'admire suffisamment pour ne pas remettre en cause ses décisions. Alté correspondait à cette description à l'époque où il l'avait choisie. Le souci avec le poste de second c'était que le gardien sélectionné gagnait en autonomie, il apprenait de ses expériences et se détacher de la main mise de l'Alchimiste. Alors que, selon sa conception, un bon officier de l'Absinthe devait rester naïf et obéir au doigt et à l'oeil de son supérieur.

Sans compter que l'ondine s'était amourachée du mauvais gardien... Ezarel avait cru que cette idylle n'était que récréatif mais il a fallu qu'elle tombe enceinte... Combien de temps le futur candidat mettrait pour douter de lui et le trahir ?

Le chef de garde chiffonna la liste et la jeta contre la porte de son bureau qui s'ouvrait justement. Le visage de Kosuke s'attarda sur la boulette retombée mollement puis sur Ezarel, la mine circonspecte.

— Etais-je visé ? questionna-t-il.
— Peut-être bien, c'est dans MA garde que tu aurais dû être second !
— Change de refrain... Je n'ai rien à faire dans une garde alchimique.

Kosuke soupira en fermant les yeux. Il entra dans le bureau à pas de renard, ses huit queues dans son dos remuant à peine. Ezarel devait reconnaître que c'était un beau garçon. Il retrouvait dans son visage la physionomie de Miiko : des cheveux noirs et ondulés qui noyaient deux oreilles vulpines et des yeux d'un bleu intense. Il était toutefois plus distingué que sa soeur. Certains auraient dit moins grande gueule, plus posé mais aussi plus rusé. Au-delà de ça, l'elfe appréciait Kosuke même s'il n'avait aucun humour.

A sa suite, la masse imposante d'Ulrik pénétra dans le bureau. L'un ne se déplaçait pas sans l'autre, les muscles et le cerveau. Ulrik était le chef de la nouvelle garde du Quartz qui remplaçait l'Obsidienne. Voulant rayé l'affront de leur trahison, le conseil avait décidé de modifier le nom de la garde et de leur attribuer un nouveau quartier général. Toute mention de l'ancienne garde était sanctionnée. Le nouveau chef était un berserk, fils d'Harldur, chef du Bronze d'Amendo, il était plus jeune, plus agressif et plus sanguin. Comment les deux hommes s'étaient liés d'amitié, était un question à laquelle Ezarel ne savait répondre. Tout les opposait, à part peut-être une profonde cruauté.

Ezarel remarqua enfin le paquet que le berserk tenait entre ses mains. Le cadeau paraissait si petit entre ses grandes pattes et pourtant l'alchimiste n'avait d'yeux que pour lui.

— Est-ce que c'est ce que je crois ? questionna-t-il.
— J'ai dû affronter une horde de blackdogs sanguinaires et une hydre qui crachait des flammes, répondit Ulrik sur un ton toujours excédé. Alors t'as intérêt à être content.
— Tu avais pourtant l'air de beaucoup t'amuser... glissa Kosuke en lui jetant un regard de connivence.

Le chef du Quartz eut un sourire horrible, une grande bouche, une grande mâchoire et des dents volontairement taillées en pointe. Ezarel ignora leurs remarques et déballa le paquet en retenant sa précipitation. Il s'agissait d'une tablette en marbre d'un vert foncé qui lui valait le nom de Tablette d'Émeraude ou Tabula Smaragdina. L'auteur des gravures ancestrales qui l'ornaient avait porté plusieurs noms à travers les âges : le grec Hermès Trismegiste ou plus ancien encore, Thôt en Egypte antique. Toutes les cultures qui évoquaient l'existence de la Tabula Smaragdina la considérait comme le tout premier écrit alchimique, ce qui rendait sa valeur absolument inestimable.

— Es-tu satisfait ?
— D'autant plus que j'ai attendu pour l'avoir. Je pensais que tu ne remplirais pas ta part du marché... Je t'ai offert mon soutien à ton adhésion à la garde.
— J'ai eu un peu de mal à la localiser, avoua la nouvelle Ombre en levant les yeux au ciel, blasé. Mais je suis un homme de parole.