Chapitre Sept - L'Héritage des Sorcières

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L'humaine se réveilla au milieu de la nuit avec une angoisse violente qui lui ceignait la poitrine. Un sentiment d'urgence faisait battre furieusement son coeur mais elle se retrouver impuissante : elle avait rêvé qu'un événement terrible allait se produire. Elle enfila ses bottes, sa veste et quitta les dortoirs des intendantes pour rejoindre l'enceinte du château. Les gardiens en faction la reconnurent et la laissèrent pénétrer par l'une des entrées secondaires. Toutefois, elle ne se dirigea pas vers les cuisines mais prit la salle des portes, puis les escaliers et se dirigea vers les chambres des officiers. Aidée par les globes lumineux qui guidaient son chemin, l'humaine retrouva la porte ornée d'un dragon d'or à la prunelle sertie d'un rubis, la chambre de Lance. Elle toqua à la porte mais aucune réponse, elle réitéra et osa finalement ouvrir la porte de la chambre qui n'était pas verrouillée.
Hésitante, Florelle approcha, y reconnut les cheveux blancs de l'Obsidien qui lui tournait le dos et s'accroupit à hauteur du lit. Le second se retourna vivement, une lame à la main, faisant ainsi sursauter Florelle qui, de peur, tomba sur les fesses.

— Qu'est ce que tu fais là Florelle ! s'inquiéta Lance en découvrant le visage anxieux de l'adolescente.
— J'ai fait un rêve...

Oubliant sa surprise, le second se redressa dans le lit et écouta ce qu'avait vu la faelienne.

— Je pense que la délégation vers les montagnes de Wigné va se faire attaquer. C'est un piège.
— Décris-moi ce que tu as vu.
— Il y avait Leiftan, Borus et Janaz. Ils étaient emprisonnés dans une cellule et après, je les ai vus morts...
— Et les lieux ?
— On aurait dit... une maison dans une montagne, les murs étaient comme de la roche brute et il n'y avait pas de fenêtre, décrivit Florelle comme elle put en se concentrant sur les images qui lui étaient apparues.
— Une demeure troglodyte ! C'est là-bas que se passent les négociations.

Ça, jamais l'humaine n'aurait pu le savoir, ce qui finit de convaincre Lance. Ce dernier tira sur le drap et se leva. Ce fut à ce moment-là que Florelle remarqua qu'il était complètement nu. Sans pudeur, il marcha jusqu'à une commode où il enfila rapidement un pantalon noir puis des bottes de la même couleur. Il prit sa chemise dans une main, son épée dans l'autre et quitta la chambre. Florelle le suivit sans parvenir à détacher son regard du corps de l'Obsidien et de sa peau couleur abricot zébrée de fines cicatrices de combat sur son dos. C'était de loin la vue masculine la plus fantasmatiques qu'elle ait vue.

— Retourne te coucher Florelle, je vais immédiatement aux montagnes de Wigné.

L'humaine s'arrêta au milieu du couloir en voyant Lance quitter le château. Il n'y avait plus qu'à attendre, en espérant qu'elle se soit trompée.


▲▼▲

Durant la nuit, la garde d'Eel avait été mise en alerte. Le second des Obsidiens s'était réveillé et avait rameuté les trois gardes, prétextant une attaque contre la délégation d'Eel, partie à Wigné. Ni une, ni deux, une troupe d'une vingtaine de gardiens avait quitté la cité et rejoint le nord du territoire à brides abattues.

Là-bas, ils s'étaient heurtés à une vive protection du lieu par les Amendois qui avaient pris le contrôle du domaine. Leur premier prisonnier leur avait avoué que la cité d'Amendo avaient prévu de les trahir et d'utiliser Leiftan, Janaz et Borus comme monnaie d'échange contre un accord, laissant les montagnes du Wigné entièrement sous leur autorité.
Grâce à l'effet de surprise et des atouts individuels des gardiens de tous insignes, ils menèrent une attaque éclaire. Les Ombres, dirigées par Nevra, pénétrèrent dans la forteresse, éliminèrent les sentinelles et ouvrirent la herse qui barrait l'entrée. En quelques minutes, les Amendois furent assaillis de gardiens qui reprirent l'autorité du lieu. Lance avait pu alors constater que Florelle avait eu raison concernant l'attaque. Mais il restait encore à vérifier si elle avait vu juste concernant la mort des émissaires d'Eel...

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Florelle avait vaqué à ses tâches toute la journée avec une boule au ventre. Elle ne savait pas vraiment quel crédit elle devait accorder aux visions qu'elle avait eues. Celle de cette nuit était la première qu'elle avait "vue" avec autant de clairvoyance. Cette fois, elle avait reconnu les visages des gardiens, avait perçu leur peur, les cris encore flous des ennemis qui les saisissaient pour les envoyer en prison.
Elle avait senti la chaleur poisseuse du sang sur son visage lorsque l'Amendois qu'elle incarnait, avait planté son épée dans le dos du gardien Étincelant. Si cette vision s'avérait fausse, elle avait été saisissante de réalisme. Si au contraire, c'était bien vrai, cela voudrait dire qu'elle avait eu une prémonition et que Lance avait raison, que ses pouvoirs apparaissaient seulement maintenant.

A la pensée de l'Obsidien, elle revit encore son corps nu, les cicatrices sur son dos et l'inquiétude qui l'avait saisie lorsqu'il était parti. Alors, quand une petite main les informa du retour des gardiens, Florelle abandonna sa tâche malgré les protestations de Karuto, et se précipita vers la salle des portes. Là, attendaient Miiko, Ezarel, Eweleïn et une équipe médicale. La trentaine de gardiens déboula dans l'espace dont Lance, Borus et Janaz, sains et saufs. Quelques blessés furent pris en charge par Eweleïn et les autres retrouvèrent leur Q.G. respectif. Seuls les chefs et les seconds se dirigèrent vers la salle du cristal pour un conseil exceptionnel. Parmi les gardiens, Florelle accrocha le regard de Lance qui s'approcha d'elle. Son visage était fermé, les sourcils froncés, il portait une blessure à l'arête du nez qui ne saignait plus et ses mains étaient aussi tachées de rouge.

— Vous allez bien ? questionna la sorcière d'un air inquiet.
— Oui, tu avais raison Florelle, lui répondit-il, encore surpris de cette révélation. Veille à ce que tout le monde ait une collation et demande à Karuto de nous amener également à manger et à boire. La nuit sera longue.

Il porta sa main à l'épaule de la jeune femme et, à son contact, son expression s'adoucit. Florelle voulut le questionner sur ce qu'il avait vu, savoir si cela correspondait à sa propre vision mais il retira sa main et suivit les autres officiers vers la salle du conseil.

La faelienne retourna à la cuisine et transmit la requête de l'Obsidien au cuisinier qui prépara dans la foulée une soupe, accompagnée d'un reste de ragoût et une purée de pois. Les petites mains apportèrent les plats à travers la cité, au Bastion d'Ivoire, et aux Q.G. des Absinthes : Verger des Mandragores et à celui des Ombres : le Labyrinthe brumeux. Après ça, Karuto décida de rester en cuisine au cas où des gardiens auraient encore besoin de ses services. Les autres, fatigués, purent retourner à leur pénate, ce que fit Florelle à regret de ne plus croiser Lance avant d'aller se coucher. Elle restait profondément troublée par ce qui s'était passé, ce qu'elle avait vu, ce que cela avait entraîné. Avait-elle réellement des pouvoirs et pourquoi ici ? Pourquoi maintenant ?

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Florelle se réveilla brusquement au petit matin, face à elle, le visage de Lance à hauteur du sien la fixait de ses yeux bleus de glace qui se tempéra lorsque Florelle croisa son regard.

— Viens avec moi Florelle, lui intima-t-il.

La jeune sorcière se leva et s'habilla. Les remous réveillèrent les autres intendantes, dont Célis. La jeune biche s'étonna mais Florelle la rassura d'un regard engageant. Sans doute que la nouvelle d'un officier, venant chercher une petite-main de cuisine, ferait le tour des cuisines en un rien de temps.

— On va où ? demanda-t-elle alors qu'ils traversaient la cité.
— Au Bastion d'Ivoire.

Lance n'ajouta rien et marcha devant. Il avait eu le temps d'essuyer le sang de ses mains et la coupure qui marquait l'arête de son nez avait été soignée. Son épée, immense, barrait son dos et ballottait au rythme de ses pas. Florelle se sentait inexistante par rapport à lui. Il dégageait tellement de puissance et d'assurance qu'elle se sentait bien petite. Et pourtant, elle savait aussi qu'il était capable de faire preuve d'une certaine douceur mesurée.
Florelle leva les yeux vers le Bastien en approche. Le lieu était imposant et massif. A l'intérieur, la majorité des Obsidiens était présente, attendant les nouveaux ordres de leurs officiers.

— Allez tous vous reposer, ordonna Lance à la volée.
— Il va bien le chef ? demanda une femme robuste à la peau ébène et aux cheveux de lichen.
— Oui, il passe la nuit à l'infirmerie mais il sera demain à vous mettre la misère si vous n'êtes pas en forme !

Le ton était faussement réprobateur mais tous les Obsidiens quittèrent le lieu à l'exception de Valkyon qui avait officieusement le rôle de bras droit du bras droit. Florelle regarda alternativement les deux frères. A l'exception de leurs cheveux blancs et de la forme identique de leur visage, on pouvait noter des différences parmis les deux Obsidiens, notamment leur carrure, Valkyon était plus massif. La couleur de leurs iris aussi différait. Alors que Lance portait ce bleu glacial et tranchant, son frère avait un regard doré beaucoup plus doux. Ils attendirent d'être seuls quand le benjamin demanda à son aîné.

— Qu'est-ce qui se passe ici ? Comment tu as su pour l'attaque ?

A l'évidence, Lance n'avait pas justifié son action. Coup de chance ? Indice ? Révélations ?

— Je n'ai rien su du tout. C'est Florelle qui l'a vu en rêve.

A l'évocation de son implication dans l'affaire, l'adolescente rougit, sans pour autant détourner le regard.

— Vous pensez que je peux voir l'avenir ?
— Je ne sais pas mais j'aimerais tester certaines hypothèses.

Le second prit deux épées d'entraînement en bois et en tendit une à Florelle qui, maladroite, la saisit à deux mains, surprise du poids. Puis il corça l'exercice en revenant aussi avec un bandeau. Valkyon eut un sourire amusé en imaginant la nature de cette expérience. Lance s'approcha de l'humaine et lui banda les yeux.

— Mais, qu'est-ce que...
— Laisse-toi faire, la rassura-t-il.

L'humaine déglutit, étant ainsi privée de la vue, elle était désorientée et même si elle faisait confiance à l'Obsidien, elle restait sur ses gardes.

— Bon, tu vas essayer d'anticiper mes coups.
— Quoi ? Mais... Aïe !

Lance lui avait assené un coup léger à l'épaule droite. Florelle se massa l'articulation mais il tapa à nouveau sur la cuisse gauche.

— Concentre-toi et essaie d'anticiper l'endroit où je vais t'attaquer.

L'humaine, qui n'avait jamais eu l'occasion de s'essayer au combat, se sentait aussi grotesque qu'un chameau sur la banquise. Lance la toucha au moins une vingtaine de fois avant de lâcher un soupir déçu. Florelle sentit un ensemble d'émotion contradictoire la sentir, elle se sentait nulle, elle ne voulait pas décevoir et en parallèle, elle était en colère contre Lance qui lui imposait ce traitement. Il se faisait sans doute des idées sur ses supposés pouvoirs. Elle était stérile, c'est tout...
Pour autant, il n'abandonna pas. Le second reprit son activité en tapotant les épaules de la sorcière alternativement. Puis, cassant le rythme devenu monotone, il visa la jambe droite et Florelle, pourtant immobile et passive depuis le début de l'exercice, para le coup de son épée. Les frères échangèrent un regard puis Lance reprit. Le haut de la tête, flanc droit, cheville gauche, à chaque fois, Florelle évitait ou levait son épée pour se protéger. Valkyon se prêta au même jeu à la place de son frère, le résultat fut le même. Florelle esquiva ou para les coups bien plus que le hasard ne le permettait et d'autant plus que la jeune fille n'avait jamais combattu de sa vie. Exaltés par les résultats de cette première expérience, le trio enchaîna avec des devinettes, des jeux de dés ou de cartes. Florelle devinait absolument toutes les réponses, sans savoir vraiment de l'expliquer : instinct, pressentiment ou don de prémonition.

— Mais je ne comprends pas pourquoi ils se développent ici et maintenant... Sur Terre, les premiers pouvoirs magiques se développe chez les jeunes enfants...

Les deux frères se regardèrent, Lance n'avait pas de réponse à apporter mais Valkyon lui, fit une supposition.

— La différence entre la Terre et Eldarya... C'est le maana. Lors de la création du Cristal, les sorcières ont dérobé toutes les ressources magiques de la Terre pour les regrouper dedans. J'imagine qu'ici, entourée par le maana, tes pouvoirs ont pu se développer plus librement.
— Alors au final, je ne suis pas stérile. Je suis bel et bien une sorcière, réalisa Florelle, perturbée.

L'esprit de l'humaine se perdit dans le vide, essayant d'intégrer la conclusion de ces expériences. Lance jeta un regard à son frère qui comprit et quitta les lieux, laissant les deux faeliens seuls.

— Je sais que ça fait beaucoup de choses à intégrer mais si c'est vrai, alors ton pouvoir est extraordinaire.
— J'aurais juste voulu que ma famille le sache, ils auraient été contents et fiers de moi.

Florelle sentit une nouvelle fois sa gorge se serrer. Elle aurait voulu que Nana le sache, non pas pour lui prouver qu'elle n'était pas stérile mais pour obtenir une reconnaissance de la part de sa grande-tante dont elle était dépourvue.

— Moi je le suis, tu mérites plus que ce qu'Eel t'offre.

Florelle leva des yeux humides vers le gardien qui posa sa main sur son bras dans un geste maladroit qui se voulait chaleureux.

— Je dois aller faire quelque chose, en attendant, reste ici.
— Et Karuto ?
— Tu ne retourneras plus jamais dans sa cuisine.

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Lance se trouvait au chevet de son chef. Le nain avait attrapé une infection durant son séjour dans les cavernes humides de Wigné. Il n'avait pas eu le choix de garder le lit et d'accepter le traitement imposé par Eweleïn, quitte à l'attacher et à le gaver de médicaments. Devant son chef, le second raconta tous les événements dont il avait été le témoin depuis deux jours : l'incident au marché, le rêve de Florelle, le sauvetage de la délégation et les résultats des expériences sur l'humaine.

— Tu veux dire que c'est grâce à elle que nous sommes encore en vie ? questionna le nain entre deux respirations sifflantes.
— Elle vous avait vus morts, alors je suppose que oui.
— Et qu'est-ce que tu suggères ?
— De l'intégrer à la garde d'Obsidienne, proposa le dragon.
— Quels sont tes arguments ?
— Elle sait prédire les coups, anticiper les attaques et sûrement un million d'autres choses. Nous disposons d'une sorcière capable de voir l'avenir. C'est une ressource plus précieuse que ce qu'on pense.

Borus prit un instant pour réfléchir et leva ses yeux porcins sur son subalterne.

— Fais attention gamin. Si tu dis vrai, dans le meilleur des cas, tous les chefs de gardes voudront se battre pour l'avoir. Mais dans le pire des cas, et si Miiko estime que ce pouvoir est une menace pour Eel, elle n'hésitera pas à la faire exécuter.

Lance avait aussi pensé à cette éventualité mais n'avait pas partagé ses réserves avec l'humaine, de peur qu'elle ne fuit. Il ne voulait pas que Florelle subisse ce sort et ferait ce qu'il faut pour convaincre le conseil du contraire s'il en arrivait à de telles mesures.

— Je me porte garant d'elle, de son intégrité et si un jour elle venait à nous trahir, alors je mourrais en conséquence.

Le nain hocha gravement la tête. Il resta silencieux, le temps de prendre une inspiration laborieuse et s'exprima à nouveau.

— C'est à toi de prendre cette décision à présent. J'ai besoin de toi plus que jamais pour m'épauler. Il y aura sûrement une guerre avec la cité d'Amendo pour ce qu'ils ont osé faire. Si le Créateur le veut, j'y mourrais dignement.
— L'Obsidienne a besoin de vous... tenta Lance pour raisonner son chef.
— Non, l'Obsidienne a besoin d'un leader ! D'un guerrier ! De toi.

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Le soir-même, Lance avait débattu la cause de Florelle auprès du conseil. Bien sûr, Miiko et Janaz s'étaient montrés très intéressées par les pouvoirs de la sorcière et avaient posé beaucoup de questions sur les capacités. Toutefois, l'Obsidien ne pouvait pas répondre à toutes, seul le temps et les événements permettraient de définir vraiment ses compétences.

— Et pourquoi devrait-elle intégrer la garde d'Eel et en particulier l'Obsidienne ? interrogea la kitsune.
— Un pouvoir comme doit être entre les mains de la garde et pas chez nos ennemis, surtout si on en ignore les limites. Florelle a confiance en moi, elle m'en a parlé en premier et je pense que nous ne faisons qu'effleurer la surface de ses possibilités. Nous avons clairement démontré son avantage au combat, mais aussi en stratégie militaire pour prédire les coups de nos adversaires...
— Je pense que son don ne relève pas tant du combat que de l'espionnage, reprit Janaz. Imaginez l'avantage furtif chez les Ombres ?
— Et les connaissances qu'on pourrait en tirer, contre-attaqua Leiftan. Depuis Nostradamus, et sa capacités à prédire l'avenir dans le cristal, c'est la première voyante que nous ayons. Elle doit intégrer l'Étincelante...

Miiko hocha la tête face aux arguments plus que pertinents de son second. L'alchimiste à ses côtés se fendit d'un sourire moqueur.

— Battez-vous pour elle, je ne veux toujours pas de sorcières dans ma garde, renchérit Earel. Son pouvoir est intéressant je le reconnais mais chez elle, il constitue à mon sens un danger plus qu'une opportunité.
— Nous sommes dans l'impasse, remarqua la harpie de l'Ombre.
— Pourquoi ne pas demander à la sorcière de choisir, proposa Borus qui tentait de faire bonne figure malgré la fatigue évidente qui marquait ses traits.
— Soit, concéda la kitsune.

Florelle fut donc invitée à choisir parmi les trois gardes qui s'offraient à elle. Son choix fut sans appel, la garde d'Obsidienne fut immédiatement sélectionnée, et ce malgré les arguments déployés par les concurrents : sécurité lors des missions, salaire plus élevé, confort de vie, domestiques personnels. Mais elle refusa et persista sur son choix. En définitive, Miiko accepta sa décision mais imposa toutefois ses conditions. Au moindre problème ou menace de la part de Florelle, elle sera exclue de la cité et du territoire.
Avec une certaine appréhension et excitation mélangées, Florelle retourna aux dortoirs des intendantes pour récupérer ses maigres affaires et rejoindre ceux du Bastion d'Ivoire.

Dans l'arène d'entraînement, tous les Obsidiens arrêtèrent leur entrainement pour observer la traversée de la faelienne, accompagnée de leurs officiers. C'était la première fois dans l'histoire d'Eel qu'une sorcière intégrait une garde. C'était d'autant plus surprenant que Florelle n'avait pas de compétence physique particulière. L'humaine croisa les regards de ces nouveaux collègues et elle n'y lut aucune peur, aucun mépris ou colère. Les visages étaient tous avenants, encourageants ou curieux. La jeune fille prit une inspiration positive et sourit en rejoignant le sommet de la tour du Bastion, où se trouvait le bureau du chef des Obsidiens. A l'intérieur, le nain demanda à Lance :

— Laisse-nous, tu veux.

Le second hésita mais obéit, laissant Florelle avec son nouveau chef de garde. Borus s'approcha d'elle et Florelle dut baisser la tête pour le regarder dans les yeux.

— On dirait que mon second s'est entiché de toi. Je ne l'ai jamais vu défendre une recrue avant tant de ferveur, se moqua-t-il.

Florelle rougit et, embarrassée, détourna le regard.

— Si tu penses qu'ici on passe son temps à flirter, tu te mets le doigt dans l'oeil et jusqu'au coude petite ! On a une réputation à tenir ici. Nous ne sommes pas des agriculteurs de champignons magiques ou des ninjas à deux sous, nous sommes des guerriers. Est-ce que tu es prête à en devenir une ?
— Je vais essayer, répondit Florelle hésitante.
— Essayer ne suffit pas ! beugla Borus, plus énervé encore. Si nous t'acceptons dans la garde, c'est pour que tu te voues corps et âme à l'Obsidienne.

Florelle baissa la tête en se mordant la lèvre inférieure, l'émotion menaçait de la submerger. Elle se demandait si elle n'avait pas fait une erreur de jugement en quittant la cuisine pour la garde. Son supérieur, en tout cas, n'avait rien à envier à Karuto. Puis, le nain fut saisi d'une violente crise en toux qui secoua son corps de spasmes. Plié en deux, il prit appui sur son bureau au moment où Lance réapparut dans la pièce, alerté par le bruit. Borus leva la main en signe d'apaisement, déjà la toux avait diminué et il reprenait difficilement son souffle. Sa main essuya du sang sur le coin de ses lèvres et ses yeux se figèrent à la la vue du rouge qui teintait tristement sa peau. Il y eut un temps où personne ne fit de remarque, trop saisi par la vue de ce sang que crachaient des poumons malades.

— Vous êtes mourant... comprit Florelle, aiguillée par l'intuition qui venait subitement de lui être révélée.

Le nain la regarda d'un air épouvanté, autant parce qu'elle avait raison mais aussi parce qu'il tenait à ce que personne, absolument personne n'en soit informé.

— Silence, humaine ! se ressaisit Borus. Mets-moi cette femme à l'entraînement !

Lance saisit la jeune fille d'une main et la fit quitter le bureau.

— Les Champs Elyséens attendent le nouvel héros à venir...

L'adolescente posa son regard sur Lance qui avait entendu sa dernière phrase, contrairement au nain. Lance fut interloqué. Comment pouvait-elle connaître les rites guerriers des nains de l'Atlas et surtout, citer les prières des Héros ?
Il devait toutefois faire comprendre à Florelle que l'information devait rester secrète.

— Écoute-moi bien. Personne à la garde ne connaît l'état du chef, d'accord ?
— Mais pourquoi ?
— Il a sa fierté et il craint plus que tout une morte lente qui le rendrait dépendant. Il ne le supporterait pas.

Florelle sembla comprendre mais Lance était plus inquiet par ses intuitions spontanées qui pouvaient être gênante si la jeune fille n'arrivait pas à mes contrôler.

— Tu dois apprendre à maîtriser ton pouvoir.
— Je vais essayer... je vais y arriver, se corrige-t-elle. Mais je le découvre en même temps que vous...
— La garde d'aidera. En attendant, trouve toi une chambre. Demain, ton entrainement commence.

[Eldarya] [Lance]Le Sang des SorcièresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant