Chapitre Trente-Huit - Le Quatuor d'Eel

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Huang Hua souffla en faisant demi-tour. Elle cherchait Florelle, mais la sorcière était aux abonnés absents et ce n'était pas la première fois depuis ces derniers jours qu'elle devait lui courir après. Elle tomba enfin sur elle alors que la cheffe de l'Opale remontait des entrailles du château en discutant joyeusement avec Terry.

— Ah te voilà enfin, se plaignit la Fenghuang. As-tu oublié que nous avions une réunion ce matin ?
— Non, je n'ai pas oublié mais j'ai perdu la notion du temps. (Puis en se tournant vers la sorcière du clan Alister.) Nous nous reverrons plus tard dans la journée.

Terry lui répondit d'un signe de tête et Florelle adressa un regard bienveillant à sa seconde.

— Je suis toute à toi.
— Qu'est-ce que vous faisiez ? questionna Hua d'un air suspicieux.
— On travaille sur un projet, disons, esquiva Florelle avec un sourire enthousiaste. Tu avais quelque chose d'important à me dire ?

Elle avait pris la direction du son bureau du Dôme mais s'arrêta lorsqu'elle vit, dans la main de la Phénix, un parchemin aux couleurs de la garde d'Absinthe.

— C'est un message de la part d'Ezarel.
— Qu'est-ce qu'il veut ? grogna Florelle.
— Il souhaite venir à Cierna pour voir de ses yeux le nouveau grand cristal et échanger avec la nouvelle garde d'Améthyste.
— Quitter le confort de son précieux laboratoire pour venir ici, à Cierna ? Vraiment ?

Le visage avenant de la sorcière s'assombrit. La nouvelle était loin de la réjouir. Il était de notoriété publique que l'alchimiste ne la portait pas dans son coeur et s'était réciproque depuis qu'il avait attenté à sa vie. La sorcière le considérait clairement comme une menace et sa venue n'était pas anodine, voire suspecte.

— Il ne se déplacerait pas uniquement pour échanger avec Denreli. Il doit y avoir une raison cachée derrière cette demande.
— Nous ne pouvons pas refuser, ce sont nos alliés.
— Il ne vient pas seul ?
— Il sera accompagné de Kosuke et d'Orèl, l'informa Hua. Et par la même occasion, Ulrik sera présent, le nouveau chef de la garde du Quartz.

Florelle ne répondit même pas, bien trop préoccupée par la nouvelle.

▲▼▲


Ezarel passa la grande porte Est de la cité de Cierna, nullement impressioné par ses dimensions démesurées. L'architecture urbaine était massive, grossière. C'était une vieille citadelle encore à moitié croulante, bien loin de l'élégance d'Eel et plus encore de la magnificence de Garancia.

Le quatuor d'officiers d'Eel fut accueilli par des gardiens du Beryl et conduit jusqu'au château. Durant sa traversée de la citadelle, l'alchimiste devait bien reconnaître, même si cela lui arrachait la langue, que la cité noire était assez vivante. La population s'était étoffée de races variées de Faeries qui confiaient à cette décadente cité une atmosphère paisible. En traversant l'avenue principale, il constata que, malgré presque une année de travaux, seul 10 à 15% de Cierna était exploitable. Il faudrait des décennies pour que tous les recoins de la cité soient viables, plus encore pour qu'elle soit considérée comme une réelle puissance de guerre.

Arrivé au château, le groupe traversa les couloirs interminables jusqu'à une antichambre où les officiers de Cierna les attendaient. Il y avait les visages connus de Lance, Cléan, Nevra, Leiftan, Huang Hua et Florelle mais aussi Denreli, son ancien supérieur lorsque Ezarel avait été gardien à Garancia, sous son commandement. Il avait été étonné de sa trahison mais il n'avait finalement que peu de considération pour les elfes de la nuit en général.

Il connaissait presque tout le monde, à l'exception de Mélina Blackhill. Il en avait entendu parler, de ses pouvoirs fabuleux de métamorphe mais la réalité était bien plus décevante. Elle ressemblait davantage à une sauvageonne borgne et qui en plus, lui lançait un regard assassin.

— Bienvenue, débuta Florelle en s'adressant à chacun des quatre gardiens.

Les officiers de Cierna firent la connaissance pour certains de Kosuke et surtout d'Ulrik. Ce dernier ne cachait même pas le mépris que lui inspirait Lance, chef de l'ancienne Obsidienne qu'il se défiait de surpasser. Physiquement, le berserk était vraiment imposant, surtout équipé avec son plastron et de gantelets tellement larges que l'alchimiste aurait pu y glisser sa jambe. Même si le dragon avait remarqué son petit manège d'intimidation, il n'en fit rien paraître, nullement impressionné malgré la musculature développée d'Ulrik.

Ensemble, ils débutèrent la visite de Cierna en commençant par le cristal niché dans la salle du Dôme. Il était magnifique, encore plus que ce qu'Ezarel s'était figuré, sa forme ovoïde était parfaite, ses couleurs violines, son toucher lisse comme du marbre aux veinules bleues et mouvantes, signe de vie. L'alchimiste le frôla du bout des doigts et sentit le picotement familier provoqué par l'accumulation du maana. C'était extraordinaire mais il y voyait un défaut majeur : il n'était pas à Eel.

Ils poursuivirent leur balade à l'Académie de Magie et leur "bibliothèque" qui ressemblait davantage à une brocante de livres avec une centaine d'ouvrages qui se battait en duel. Ezarel s'était retenu d'exploser de rire mais Orèl, lui, n'avait pas réprimé une remarque désobligeante dont il avait le secret. Il fut toutefois retoqué par Mélina et sa répartie adaptée. Le second de l'Étincelant s'était vu cloué le bec, bouillonnant de l'intérieur.

Le reste de la visite avait été ennuyeuse à mourir. À part le grand cristal, le reste de leur inspection s'était montrée plus que décevante. Le seul incident s'était produit dans les salles de soin. En voyant les officiers d'Eel, une sorcière enlaidie par la cicatrice d'une vilaine brûlure au visage s'était évanouie. Ezarel aimait à croire qu'il était tellement impressionnant que les femmes en faisaient des malaises. À moins que de voir autant d'hommes suscitait chez elle un évanouissement de plaisir. Ces femmes...

Enfin la visite s'acheva avec un dîner. Les cuisines avaient mis les petits plats dans les grands mais Ezarel trouvait que tout était un peu fade. En particulier à cause de l'anti-poison qu'il avait eu la précaution d'ingérer en amont. La mesure paraissait peut être excessive mais l'alchimiste était un homme prudent et personne n'ignorait qu'il se méfiait de Ciera comme de la peste.
Puis chaque officier d'Eel put rejoindre une chambre mise à leur disposition. Ezarel la fouilla entièrement et dans les moindres détails. Il procédait toujours ainsi lorsqu'il séjournait ailleurs qu'à Eel. La chambre était spacieuse mais loin d'être luxueuse : les draps étaient en simple coton, les meubles parfois abîmés et les rideaux poussiéreux. La nuit ne s'annoncerait pas confortable dans un environnement pareil.
Quoique...

Quelqu'un vint frapper à la porte. Ezarel pensa dans un premier temps, qu'Orèl voulait débriefer leur visite mais l'alchimiste fut heureux de découvrir Huang Hua. Cela faisait trois mois que la jeune femme avait quitté Eel pour prendre ses fonctions à Cierna et il avouait volontiers que sa maîtresse lui manquait.

— Quelle agréable surprise, lui lança-t-il séducteur.
— Bonsoir...

Hua lui adressa un sourire enjôleur et vint se lover dans ses bras le saluant d'un baiser langoureux. Collée contre lui, Ezarel sentit des doigts coquins se faufiler sous sa tunique. Il frissonna d'excitation et il ne leur fallut que quelques minutes pour se retrouver nus dans le lit. Peu importe la qualité de la literie, la Phénix était la plus douce des couvertures contre sa peau.



— Comment se passe ton travail ici ? questionna l'elfe un peu plus tard, en caressant les cheveux de sa maîtresse blottie contre lui.
— Il y a tout à faire, tout à concevoir, tellement de projets et d'idées... C'est épuisant et très stimulant à la fois.
— Et... l'environnement de travail ?
— Mieux que ce que je pensais. J'ai été relativement bien accueillie malgré mon statut, tout le monde est assez bienveillant envers tout le monde.
— Bienveillant...

Ezarel avait lâché ce mot comme s'il vomissait un aliment périmé, ce qui fit rire Huang hua.

— Tous ne sont pas aussi méfiants et asociaux que toi !
— Je t'ai pourtant invitée dans ma chambre avec toutes les politesses requises ! se vanta l'elfe.
— Hmhm oui, j'espère que tu n'accueilles pas toutes les femmes de la même manière !
— Mon exigence n'a d'oeil que pour toi.

Après un nouveau baiser reconnaissant de sa maîtresse, Ezarel reprit :

— Quand est-ce que tu prévois de revenir à Eel pour ton rapport ?
— Le mois prochain, je pense.

Hua se leva et, nue, alla se servir un verre d'eau. Le regard d'Ezarel balaya des yeux les contours de sa silhouette et se souvint d'un parchemin qu'il avait à lui transmettre. À son tour, il se leva et alla chercher la missive parmi ses bagages.

— Ta grand-mère m'a demandé de te remettre ça. Apparemment, tu ne reçois pas son courrier.

Le visage de la Phénix se rida et d'un soupir las, prit sommairement connaissance du message qu'elle semblait déjà deviner.

— Rien de grave ?

En réalité, Ezarel avait déjà lu le message dans son besoin obsessionnel de contrôle et il guettait réaction de la Ren-Fenghuang.

— Non, je les ai reçus.
— Pourquoi tu l'ignores dans ce cas ?
— Ça concerne mes obligations envers mon clan.
— Ils attendent que tu leur donnes un héritier avec Feng Sonji, se souvint Ezarel.
— Je n'en ai pas envie en réalité, je ne suis pas prête. J'ai d'autres obligations ici. J'aime ce que je fais, je me sens utile et je ne veux pas sacrifier ma carrière pour un enfant, pas tout de suite en tout cas.
— Pourquoi ne pas simplement dire tout ça à ta grand-mère ?
— Tu la connais, gloussa tristement Hua. Elle doit sûrement se douter de mes intentions mais elle passe outre. Alors je suis bien contente d'avoir pris mes distances.
— Je comprends ton sentiment. Elle ne doit pas sous-estimer ton rôle ici. Il est primordial pour Eldarya que tu restes vigilante au moins élément suspect. Je lui parlerai si tu veux.
— Merci.

Hua semblait réellement touchée par la démarche de l'elfe, elle alla vers lui et le remercia d'un baiser. Elle s'apprêtait à le repousser vers le lit et mais Ezarel avait autre chose en tête.

— D'ailleurs, tu n'as rien remarqué de suspect dernièrement ?
— Hm non, pas vraiment.
— Pas vraiment ?
— Florelle semble travailler sur un projet, elle est assez secrète la dessus.
— Une menace ?

L'oeil d'Ezarel étincella d'intérêt. Ce serait une justification pour mettre un terme à la paix. Il se voyait déjà voler le cristal si les cités alliées venaient à détruire la cité noire.

— Non, je n'en sais pas assez pour déterminer si ce projet constitue une menace ou non mais je me renseignerai. En attendant, j'aimerais profiter de toi.
— Je suis ton homme.

▲▼▲

Orèl avait passé la majorité de la nuit à faire du repérage dans le centre de la cité mais il fut régulièrement interrompu dans sa quête par les rondes des gardiens du Béryl. Puis, il avait essayé de les prendre en filature mais ils apparaissaient et disparaissaient à certains points sans logique apparente. Rapidement, il comprit qu'un dédale de galeries courrait sous la cité noire. C'était un système très intelligent mais aussi extrêmement intéressant en cas d'invasion de la cité mais il n'avait pas pu pénétrer le réseau souterrain. Des sortilèges de protection délimitaient les accès aux zones stratégiques de la cité et il n'avait aucun moyen de les détourner.

Les gardiens de Cierna avaient été clairs sur ce point : personne ne pouvait s'y introduire s'il n'avait pas les accès tatoués sur le dos, à moins d'être accompagné par quelqu'un qui en possédait le droit. Pour en tester l'efficacité, Orèl avait tenté de pénétrer l'Académie de Magie. En franchissant une porte, il avait ressenti immédiatement une chaleur émaner dans toute sa colonne vertébrale. À un pas, la chaleur devenait désagréable et se diffusait dans le dos. L'elfe n'avait pas pu aller au-delà de quatre mètres sans se tordre de douleur au sol. C'était de la sorcellerie puissante et redoutable.

Alors lorsqu'il avait vu Denreli à travers une fenêtre ouverte de la Serre Végétale, il s'était présenté à la porte sans oser y mettre un pied. L'ancien chef de la Glycine était agenouillé à un parterre d'herbes médicinales qu'il nettoyait de mauvaises herbes.

— Voilà ton nouveau rôle, simple jardinier, se moqua Orèl en sachant pertinemment que Denreli avait remarqué sa présence.
— Toi aussi tu as baissé de grade, second de l'Étincelante.
— Eel n'est pas à la hauteur de Garancia mais au moins, je ne vis pas dans cette cité pouilleuse.
— Tu te trompes sur Cierna. C'est une cité accueillante et tolérante.
— C'est ce que je dis, une cité décadente où tes pratiques contre-nature sont acceptées.

Orèl vit Denreli tiquer mais il ne leva pas les yeux de sa tâche qu'il poursuivait avec minutie. Il avait volontairement fait allusion à l'homosexualité de l'elfe de la nuit. Cette orientation sexuelle était réprimandée à Garancia, qui croyait et respectait les principes qu'ils jugeaient naturels.

— Je ne suis pas un monstre, contrairement à toi, répliqua Denreli.
— De quoi tu parles ?
— De tes vices à toi, Orèl : la domination excessive que tu exerces sur les femmes, la cruauté dont tu faisais preuve envers les sorcières que tu chassais autrefois. A Garancia, tu t'en vantes mais est-ce que ici tu vas oser le révéler publiquement ou bien tu souhaites que j'intervienne ?
— Tu n'oseras pas...

L'elfe de la nuit s'était levé, faisant face à l'elfe sylvestre, ses yeux jaunes brillaient d'une colère réprimée depuis bien longtemps.

— Tu n'es plus mon frère d'arme et tu ne l'as jamais été. Sors de ma serre ou je te tue.
— Quitte à déclarer la guerre ? ricana Orèl.
— Ne me sous-estime pas. Je suis resté cinq siècles à la tête de la garde de la Glycine, trois fois plus que les autres. Je connais un millier de façon de te faire disparaître sans attirer l'attention. Regarde mes plantes par exemple.

Il eut un geste du bras pour désigner les dizaines de parterres qui s'étendaient sous la chaleur réconfortante de la Serre Végétale.

— Ton cadavre ferait un excellent engrais. De la pourriture naît la beauté dit-on.
— Fais attention à ce que tu dis et ne crois surtout pas notre collaboration passée te sauvera lorsque Cierna brûlera...

L'archer tourna les talons et quitta les alentours de la serre bouillonnant de colère. Il rejoignit le château où un petit déjeuner était servi aux membres de la délégation d'Eel. Il tomba justement sur Ezarel qui arrivait en même temps que lui, de bonne humeur.

— Quand passons-nous à l'action ? l'interpella-t-il immédiatement tout bas.

Ezarel ne répondit pas tout de suite, lançant un salut à une serveuse de cuisine qui venait de déposer un nouveau plateau sur la table.

— Mais bien sûr. Je te propose de déclencher aujourd'hui un énorme incident diplomatique et personne ne soupçonnera que nous l'avons provoqué pour déstabiliser l'ordre établi en notre faveur. À moins que tu veuilles à nouveau tenter de tuer Florelle Blackhill ?

Orèl, qui réprimait sa rage, lui lança un regard assassin. Et Ezarel, lui, qui jouissait à le rabaisser ainsi portrait son insolence à ses lèvres... L'Étincelant avait envie de lui fendre la tête en deux, là où son sourire le narguait.

— Sache, mon ami, que j'ai déjà réalisé plusieurs essais, murmura l'alchimiste tout près de son oreille. Et les résultats sont très concluants. Ta patience sera récompensée. En attendant, tempère-toi et joins-toi à moi pour manger.

À ces doux mots, Orèl se calma un peu. Ezarel avait le don d'allumer la mèche de sa rage et de l'éteindre d'un souffle dans la même seconde. La patience n'était pas son fort mais si c'était pour voir cette cité brûler, avec ces sorcières et Denreli en prime, il allait pouvoir ronger son frein encore quelque temps.

▲▼▲

Florelle avait été alertée de ce qui se passait lorsqu'elle avait vu des gardiens se diriger vers la Garnison Est. A l'instar du Bastion d'Ivoire d'Eel, le quartier général de la garde d'Onyx était équipé d'une vaste aire d'entraînement enterrée. Elle était éclairée de puissants globes lumineux et un système d'aération filtrait l'air et les odeurs des combattants qui s'adonnaient à leur entraînement quotidien. La sorcière descendit une volée de marches et découvrit, fébrile, une lutte opposant deux combattants redoutables. Lance et Ulrik se battaient en duel, encouragés des cris viriles d'une trentaine de spectateurs.

Florelle joua des coudes pour trouver Cléan et l'interpeller.

— Mais il est fou ! Ulrik va le tuer !
— Mais non...
— Il ne s'est pas encore remis complètement de sa blessure et toi, tu l'as laissé y aller ! Il faut arrêter ça !

Avant qu'elle ne puisse intervenir, Cléan posa sa main sur l'épaule de la sorcière et y appliqua une pression ferme. Elle leva les yeux vers lui.

— C'est ridicule ! Un simple combat d'ego ! s'exclama-t-elle courroucée.
— Reste-là et observe. C'est bien plus que ça.

Florelle voulut répliquer mais le regard sévère de Cléan la poussa à regarder le duel autrement. Les deux hommes étaient torses nus, en nage et se battaient depuis près de vingt minutes à mains nues. La différence de masse musculaire était flagrante et le vainqueur semblait déjà désigné : Ulrik.

Le dragon était handicapé d'un bras qu'il épargnait de son mieux. Il était visiblement épuisé et respirait de grandes goulées d'air, l'échine courbée. Face à lui, Ulrik semblait plus frais, prenait plaisir à l'échange et pourtant, Florelle remarqua qu'il saignait de plusieurs blessures : l'arcade sourcilière, une lèvre fendue, d'une narine. Lance lui avait assené plusieurs coups sans en recevoir en retour. Ulrik encaissait sans pouvoir répliquer. Ses iris rouges sang recelaient tellement de violence et d'agressivité que Florelle ressentit un frisson. Il devait être enragé de cette situation et avait abandonné la stratégie de l'attaque frontale pour une stratégie d'endurance. Il pouvait gagner parce que le dragon était fatigué mais il résistait. Florelle observa son amant, son regard brillait d'une volonté inébranlable de gagner, une soif de vivre et survivre.
Oui, Ulrik était prêt à le tuer au moindre faux-pas mais Lance n'allait pas le laisser gagner. Il avait besoin de ce duel pour se prouver qu'il était redevenu l'homme, l'Obsidien, non plus encore l'Onyx qu'il devait être.

Florelle tempéra son emportement et décida de lui faire confiance. Ulrik lança son poing vers le visage du dragon qui esquiva, il passa sous sa garde, percuta de son genou le plexus du berserk et recula immédiatement après, juste au moment où un bras puissant risqua de le faucher.

— C'est toujours agréable de voir des enfants se battre.

C'était la voix mielleuse d'Ezarel qui arrivait derrière eux, en compagnie d'Orèl et de Kosuke. Les deux elfes n'avaient pas l'air contrariés, ils souriaient, contrairement à Kosuke et son visage toujours fermé au point de ne pas pouvoir deviner ce qu'il pensait.

— Il est temps de mettre fin à la partie... déclara le kitsune d'une voix posée.

Il avança sur le sable de l'aire de combat la posture droite, les mains dans le dos. Seules les huit queues de kitsune battaient la mesure de ses pas. Comme le calme qui précède la tempête, le frère de Miiko ne semblait pas du tout impressionné par les lutteurs. Il se positionna au milieu du cercle formé par les spectateurs et s'adressa à l'un comme à l'autre des combattants.

— Je déclare cet affrontement terminé...
— Je ne suis pas d'accord ! le contredit Ulrik. Nous n'avons pas déterminé de gagnant !
— Vous êtes à égalité, vous avez offert un heureux divertissement mais il est temps de rejoindre Eel.

Le Berserk serra la mâchoire, ses yeux rouges révulsés, il était sur le point de perdre patience. Heureusement, Lance intervint pour détendre la brusque montée de tension.

— Arrêtons-nous là, approuva-t-il. Mais compte sur moi pour ne pas oublier que ce combat n'a pas trouvé de vainqueur.
— La revanche se fera à Eel, dans l'Arène de Charbon, grogna Ulrik. Cette fois, y'aura personne pour m'empêcher de te tuer.

Ainsi était le nouveau nom donné au Bastion d'Ivoire rebaptisé après le départ de l'Obsidienne, remplacé par le Quartz.

Les deux combattants rejoignirent les abords de l'arène. Florelle pouvait voir que Lance restait stoïque mais le duel avait été éprouvant.

— Ça va ? questionna-t-elle.

Il eut un léger hochement de tête. À côté, les officiers d'Eel eurent un échange de mot.

— J'avais pourtant précisé que je ne voulais pas d'affrontement de ce genre, souligna Kosuke froidement.
— Si tu m'humilies une fois encore en public, je te tuerai, répliqua Ulrik d'une voix menaçante.
— Allons mes amis, ce fut un bon duel, les tempéra l'alchimiste. Il clôture dignement notre visite à Cierna.

[Eldarya] [Lance]Le Sang des SorcièresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant