Échec et Mat

Obsession

Mathias

J'ai la tête à l'envers depuis hier soir.
Impossible de me concentrer sur la réunion à laquelle j'assiste.
Je n'ai pas fermé l'œil de la nuit. Enfin, si je suis honnête, ce n'est pas ça qui me perturbe. Car ce n'est pas la première nuit blanche que je passe. Non, la cause de mon inattention, a un corps de rêve, des cheveux bruns, un regard qui vous enflamme, et une frimousse de poupée...
Edmée.

En rentrant de cette soirée, la tension était-telle que je suis allé frapper dans un sac de ma salle de sport. C'était soit ça, soit baiser.
Mais comment expliquer, que le fait de m'être retrouvé involontairement collé à Edmée, m'a enlevé toute envie d'avoir un autre corps contre le mien.
Je sais, c'est con, mais je n'ai jamais prétendu connaître le fonctionnement du cerveau ou du corps humain, enfin pour ce qui est du corps humain, si j'en crois mes conquêtes je me débrouille plutôt pas mal.
Vous comprenez mon problème ?

Je suis sensé la détester, l'ignorer, faire comme si elle ne m'importait pas, comme si elle n'existait pas. Bref, pas vouloir avoir envie de la prendre dans mes bras, ou l'embrasser, ou encore lui faire l'amour.
Et j'y arrivais très bien jusqu'à maintenant !
Jusqu'à hier soir.
Sauf que quand j'ai vu ce mec la draguer comme le connard bourré qu'il était, et ne serait-ce qu'imaginer qu'il puisse la mettre dans son lit, ma bouche a sorti un mot avant que ma conscience ne le valide.
Et j'ai vrillé quand elle a insinué que je la stalker.
Mais la prendre par la main, me retrouver plaqué contre elle, sentir son parfum de jasmin dans ses cheveux, et ses mains contre mon torse, m'ont fait remonter trop de souvenirs, mais surtout, pourquoi je devais suivre mon programme. Heureusement, Adrian nous a sans le faire exprès, empêché de faire une connerie, en nous rejoignant dans ce couloir. Parce que je ne suis pas assez débile pour me dire que je n'aurai pas craqué !

À la suite de ça, j'ai quitté la fête, pour rentrer me coucher. Sauf que le sommeil ne venant pas, j'ai décidé de faire du sport, au bout d'une heure à frapper, la brûlure de mes muscles m'ont forcé à arrêter. En retournant dans ma chambre, les phares d'une voiture ont éclairé par intermittence le palier, j'ai aperçu un taxi qui se garait devant le perron. Sans réfléchir à mon acte, encore, je suis descendu pour aller à la rencontre de mon pote.
Et pour la deuxième fois de la soirée, j'ai joué au chevalier blanc.
Adrian aurait été incapable de porter Edmée qui s'était endormie sur son épaule, jusqu'à sa chambre sans se retrouver étaler au sol, alors j'ai pris mon obsession dans les bras pour la monter jusqu'à sa chambre et la déposer sur son lit, sans toutefois prendre le risque de la déshabiller.

Trop de self control, tue le self control.

Par contre, je n'ai pas pu m'empêcher d'étudier son environnement.
Je reconnais très bien les goûts d'Edmée dans le choix de ses meubles, ce sont à quelques différences près les même que quand elle était adolescente. Tout est en bois clair, les seules touches plus sombres viennent des photos en noirs et blancs accrochées sur les murs.
En jetant un œil vers le lit, pour vérifier que Edmée dort toujours, je prends le temps de les regarder, il y a des portraits de Salomé, d'Adrian, de nous plus jeunes... De moi, beaucoup, trop, pour quelqu'un qui est parti sans aucune explication. Des paysages de Nice, je suppose, de Paris. C'est vrai qu'elle est douée, elle a un véritable talent, Adrian a eu raison de la présenter à ce Lucas Taylor même si cela me fait mal de le l'avouer. Je repense au portrait d'Edmée que j'ai acheté le soir du vernissage, celui qu'a dessiné Adrian au fusain et que je n'ai pas encore sorti de son emballage. Me le remémorant, je la vois telle qu'elle est, il a très bien su percer son âme, cela ne fait que confirmer mes doutes sur ce que peut ressentir Adrian envers Edmée, mais je veux aussi savoir quand est-ce que elle a posé pour lui.
Un dernier regard vers la fille qui me torture mentalement depuis tant d'année et je quitte sa chambre en refermant la porte sur un passé trop présent depuis quelques jours... pour retourner dans la mienne, et essayer de trouver le sommeil.