Un retour, une soirée, une décision...

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Edmée

Ma tête posée dans le creux de ma main, assise à mon bureau d'un cours sur les photos numériques, mon regard flâne sur les passants ou sur le ciel qui s'obscurcit de plus en plus, et mon stress monte en conséquence.

Depuis la mort de maman dans un accident de voiture provoqué par un arbre qui s'est déraciné sous la violence du vent et de la foudre, quand j'avais six ans, sur une route de campagne, alors qu'elle faisait la tournée de ses patients, maman était infirmière libérale, je hais les orages et la pluie. Du haut de mes six ans, c'est le mauvais temps qui a tué ma mère, c'est la pluie qui a fait glisser son véhicule contre ce chêne, c'est le vent qui a creusé son tombeau.

Adèle était une maman extraordinaire, douce, patiente, à l'écoute, et même si elle donnait un maximum de son temps à ses malades, elle a toujours été là pour moi.

Le soir, pour me raconter des histoires, qui me faisaient hurler de rire ou de peur, auquel cas elle restait avec moi jusqu'à que le monstre tapis dans mon imagination ne s'évapore.
Le week-end quand elle n'était pas de garde, et les mercredis, jour sacré pour nous deux, faisant des exceptions quand Salomé le passait avec nous. Elle nous emmenait faire du shopping, ou jouer au parc, elle nous préparait toujours un goûter à base de crêpes, de gâteaux au chocolat, accompagné d'une délicieuse boisson cacaotée où des guimauves flottées en abondance.
Il n'y avait que le matin où elle ne pouvait être présente, c'est donc mon père David le plus souvent, qui s'occupait de moi, sauf les jours où il devait lui partir aux aurores pour l'agence de communication qu'il avait créé avec Paul Weber, c'est alors Rose la maman de Salomé et Mathias qui nous déposait à l'école tout les trois.

Rose, la meilleure amie de maman, qui a pris le relais à son décès, malgré son chagrin d'avoir perdu son amie d'enfance, qui a fait ce qu'elle a pu malgré les ressentiments de son mari envers moi.
A l'époque, je n'ai jamais compris pourquoi il me détestait autant. Je n'en sait pas plus aujourd'hui, Salomé et moi n'avons jamais abordé le sujet, et avec Mathias encore moins vu la haine qu'il vouait à son père.
Elle a su combler ce vide immense, sans toutefois la remplacer, mais je savais que j'avais, en plus de ma meilleure amie, une épaule sur qui m'appuyer, un visage à qui parler quand le besoin s'en faisait sentir et un corps contre qui me blottir quand le chagrin m'emportait. Rose restera pour moi ma seconde maman. Alors quand quelques années plus tard, pendant que je vivais à Nice avec mon père, j'ai appris qu'elle était partie sans se retourner, laissant mari et enfants, je n'y ai pas cru. Jusqu'à ce qu'un jour prenant mon courage à deux mains je compose son numéro. Le numéro n'était plus attribué. Elle avait donc décidé de disparaître. Comment a-t-elle pu abandonner, Mathias et Salomé ? Comment une maman peut-elle tirer un trait sur ses enfants ?

Et là, dans cette salle de classe, la vérité me percute. Pour Mathias je l'ai trahi en partant, comme sa mère l'a fait. En peu de temps, il a perdu les deux femmes qui comptaient le plus pour lui. Moi, l'amour de sa vie, son monde, et Rose sa mère adorée, chérie.
Difficile de lutter, de se battre pour reconquérir quelqu'un qui n'a plus confiance en vous, en l'amour, en nous...

Une main frappant mon bureau avec brusquerie me ramène au moment présent. Mon professeur me fait les gros yeux, en me spécifiant que si son cours ne m'intéresse pas, je peux toujours le quitter. Je répond par la négative et essaye de me concentrer sur la suite du programme. En fin d'après-midi, je suis dans le couloir qui me mène à la sortie quand mon téléphone vibre dans ma main, en voyant l'interlocuteur, je répond de suite.

— Hey !
— Bonjour Edmée, comment vas-tu ?
— Très bien, et toi Lucas ?
— Pas mal... Je suis rentré hier soir de Londres... Et je ne vais y aller par quatre chemins Edmée, tu m'as manquée, et je voulais savoir si...

Échec et MatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant