Échec et Mat

Vie Étudiante...

Edmée

Dire que Mathias m'évite, est un euphémisme !
Cela fait une semaine que notre rencontre fortuite, nocturne a eu lieu, et depuis je ne l'ai plus croisé à la colocation. Il part très tôt le matin avant que je ne me lève, et le soir je suis déjà au lit en train de bosser mes cours ou de lire. Heureusement que j'entends ses pas dans l'escalier qui mène au deuxième étage, sinon je pourrai croire qu'un fantôme la remplacer. Mais les rires qui proviennent certains soirs de la chambre d'Adrian située juste au dessus de la mienne me confirme qu'il vit bien ici.

Quant à Lucas, je n'ai aucune nouvelle depuis qu'il est retourné à Londres. Pas d'appel, ni de message... Peut-être devrai-je faire le premier pas ? Sauf que je n'ai pris aucune décision le concernant. Oui Lucas me plaît, il est adorable avec moi, attentionné, et je suis sûre qu'il ferait un petit ami parfait, mais... Ce n'est pas Mathias. J'ai beau me raisonner, en me disant que je n'ai plus rien à espérer de lui, qu'à part m'humilier chaque fois que l'on se croise, qu'il ne ressent plus rien pour moi, je n'arrive pas à m'en convaincre.

Je suis pathétique ! Je sais. Alyana n'arrête pas de me le rabâcher, depuis que je lui ai tout raconté de nos retrouvailles le soir du vernissage, à notre tête à tête nocturne dans la cuisine, les jours où je travaille au café, pour me dit-elle que mon petit cerveau l'imprime. Ça fonctionne, jusqu'au moment où je rentre le soir à la colocation et que Salomé insiste pour que j'aille parler à Mathias. Ce à quoi je lui répond, que pour pouvoir le faire, il faudrait qu'il arrête de jouer à l'homme invisible, et comme c'est Salomé, et qu'elle veut toujours avoir raison, elle renchérit en me disant que je suis une trouillarde et que je peux très bien aller le voir, le soir, quand il rentre.

Ouais, à voir ! J'ai surtout pas envie de prendre le risque de me retrouver face à un Mathias dans les bras d'une dinde en chaleur.
Adrian, lui, se contente de nous écouter ou alors s'il ouvre la bouche, c'est pour nous signaler que le repas est servi. Sympa mec !
Bref ! Vous l'aurez compris, je suis encore plus dans le brouillard.
Mais ce soir, atteinte d'un courage, ou d'inconscience, c'est selon, que je ne soupçonnais pas, je me dirige d'un pas conquérant vers la porte de la chambre de Mathias, mon ennemi.

Le poing en l'air prête à frapper, celle-ci s'ouvre à la volée sur un Mathias seulement recouvert d'une serviette bleue marine portée bas sur ses hanches, son corps encore humide de la douche qu'il vient de prendre. Mes yeux ne peuvent se détacher de sa silhouette, sculptée comme une statue grecque, loin, très, très loin du Mathias adolescent, ses abdominaux rappelant les tablettes de chocolat que j'adore déguster, ses pectoraux dessinés mais sans tomber dans le culturiste, ses biceps tendus, dont l'un est gravé d'encre noire, impossible de distinguer ce qu'il représente, et enfin cette fine couche de poil qui va ...

— C'est bon t'as fini ? Ferme la bouche tu baves !

Voilà ! Comment revenir à la réalité d'un coup, et se dire qu'un corps pareil sur un mec aussi con c'est du gâchis !
Je retrouve mes esprits, et me lance.

— Je voulais te voir pour que l'on parle Mathias, entre adultes...
— Et moi, je n'en ai pas envie ! Tu arrives cinq ans trop tard Edmée.
— Mais, tu n'as jamais répondu à mes appels... me défends-je.
— Peut importe, je suis passé à autre chose.

Et sans que je ne puisse ajouter autre chose, il me claque la porte au nez.
Je suis restée je ne sais combien de minutes, devant cette porte close, essayant de comprendre ce qu'il venait de se passer, avant qu'Adrian arrivant sur le palier pour regagner sa chambre ne me dise de le suivre.

— Je suis désolé petit padawan, déclare mon ami à peine la porte refermée.
— Ce n'est pas ta faute Adri, tu n'es pas responsable de la stupidité de ton pote.
— Non, je sais, mais...
— C'est bon, t'inquiète pas, il va simplement falloir que je sois assez forte pour faire comme lui et l'ignorer, après tout il y arrive... Et me persuader que je peux passer à autre chose.