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Le week-end d'arrivée des étudiants Américains me fait penser à une invasion. Ils sont des milliers à débarquer sur le campus. C'est une cohue indescriptible. Moi je suis assis sur mon lit, la porte grande ouverte. Tantôt je regarde par la fenêtre les étudiants qui disent au revoir à leurs parents. Tantôt j'observe l'animation dans le couloir avec ces jeunes qui transportent des canapés, des télévisions, une quantité de matériel incroyable. Et surtout, je suis très nerveux. À chaque nouvel arrivant je me demande s'il s'agit de mon colocataire ou non. La plupart des mecs sont assez mignons. Je suis content d'être dans le dortoir des sportifs, il y a de beaux spécimens. Mais pour l'instant je suis toujours seul dans ma chambre. Pour être sympa je me propose donc d'aider ceux qui emménagent, il faut que je commence à me faire des amis. C'est là que je remarque, même si j'avais déjà un doute, que l'anglais que j'ai appris à l'école ne me sert absolument à rien. On me parle et je ne comprends pas, ils ont tous un accent différent ; je parle et ils ne comprennent rien, moi j'ai l'accent français.


Après avoir aidé un étudiant à installer deux grands fauteuils dans sa chambre, je retourne dans la mienne. Un mec est en train d'installer ses affaires. Il est simplement en short et débardeur, ici c'est une ambiance décontractée.

– Salut.

Il se retourne. Il est absolument magnifique. J'en ai déjà croisé des beaux mecs aujourd'hui, mais lui c'est quand même le plus mignon.

– Salut, Bart.

Ouf, son prénom sera facile à retenir. Je ne vais pas lui dire : « Comme dans les Simpson », il faut que je fasse bonne impression.

– Ludovic.

Il lève un sourcil, mon prénom est sans doute imprononçable. Il continue à ranger ses affaires, ce premier contact est plutôt froid.

– J'ai pris ce côté, ça ne te dérange pas ?

Je dois répéter ma question trois fois parce qu'il ne comprend pas mou charabia.

– Je peux t'aider ?

Bon, il m'ignore. Je décide de le laisser ranger ses affaires. Je ne me sens pas le bienvenu dans ma propre chambre, ça va être super sympa !


Je me rends dans le bâtiment administratif. Je vais en profiter pour m'inscrire aux cours que j'ai choisis. Les Américains sont occupés à emménager, c'est le bon moment pour faire les démarches purement scolaires, il n'y a absolument personne. Je reviens deux heures plus tard. La chambre a totalement changé. Mon roommate a installé un gros fauteuil au milieu de la pièce, en face de sa télévision reliée à sa console. Il a fait les branchements de son ordinateur. Il a tapissé ses murs de posters, pas de doute c'est un joueur de football américain. Même si pour moi il est trop mince pour pratiquer ce sport... En parlant de ça, il a aussi déballé pas mal de matériel de musculation. Je suis bien dans le dortoir des sportifs.


Voilà plus d'une heure que nous n'avons pas échangé un seul mot. À l'extérieur tout s'est calmé. Les différents déménagements sont terminés et maintenant chacun est dans sa chambre. Les autres roommates discutent entre eux pour apprendre à se connaître. Le mien est devant son ordinateur à chater, sans doute avec ses potes. Je n'ose pas trop regarder, j'ai peur de me prendre une sale remarque. Il faudrait que je trouve un moyen de briser la glace, c'est assez difficile. Et puis de toute façon j'ai un rendez-vous avec les étudiants internationaux. On se retrouvera souvent, pour partager nos expériences, pour avoir une sorte de soutien psychologique. Et pour l'instant ça me fait du bien de me retrouver avec des personnes qui partagent les mêmes expériences que moi. On me dit de ne pas m'inquiéter, qu'il faudra du temps pour apprivoiser mon colocataire. J'aurais aimé que ça fonctionne tout de suite, mais il y a à la fois la barrière de la langue et de la culture.


Quand je reviens, la porte de la chambre est fermée. Je ne vais quand même pas frapper à ma propre porte, donc j'entre sans avertir. Bart est torse nu, en train de faire des pompes. Je reste un instant sans bouger devant ce corps magnifique qui brille de transpiration. Il est absolument parfait. On dirait qu'il sort d'un magazine de mode. S'il reste souvent torse nu je vais avoir du mal à me concentrer. Mais déjà j'ai droit à un regard noir, effectivement je le fixe et ce n'est pas très poli. Pour essayer de me donner une contenance je m'allonge sur mon lit et je me mets à bouquiner. Je ne sais pas ce que je lis puisque je passe mon temps à jeter des coups d'œil discrets à mon roommate qui tantôt enchaîne les pompes, tantôt soulève des altères, bandant les jolis petits muscles de ses bras.


Il ne décroche toujours pas un mot. Après le dîner je le retrouve devant son ordinateur. Moi je prends mes affaires pour aller me doucher. Bizarrement je suis encore seul dans la salle de bains. Les autres sont dans leurs chambres et semblent déjà bien rigoler. Si j'ai hérité d'un beau gosse, je n'ai pas décroché le plus ouvert et expansif. J'espère que ça viendra. À mon retour il est installé sur son fauteuil à regarder la télé. Toujours torse nu. Ce qui ne me dérange pas, bien au contraire. Il peut continuer à vivre comme ça, c'est plutôt agréable. Je m'assois piteusement sur mon lit et je regarde ce qu'il regarde. Ainsi nous donnons l'impression de partager quelque chose alors que pas du tout. Il vit sa vie comme si je n'existais pas.


Vers vingt et une heure il se tire. Sans doute pour aller à une fête à laquelle je ne suis pas invité. Enfin, je ne sais pas du tout ce qu'il est allé faire et il n'a pas cru bon de me le dire. Donc vers minuit je me couche et je m'endors. Je ne l'entends même pas rentrer. Je ne suis réveillé que bien plus tard lorsque monsieur se met à ronfler. Super ! Si ça doit arriver toutes les nuits, il va falloir que je m'achète des bouchons pour les oreilles. Cette première journée avec mon camarade de chambre n'a pas été très concluante, j'espère qu'il ne faudra pas trop de temps pour qu'on s'apprivoise, on va quand même partager le même espace pendant un an...

RoommateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant