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Comme convenu, je ne choisis pas n'importe quelle heure pour venir à la salle. Je me cale sur l'emploi de Chad, parce que je veux qu'il soit mon coach personnel.

– Tu progresses assez vite.

Je ne crois pas qu'on puisse encore tirer une conclusion de mes activités physiques, je ne viens que de commencer. Et il est parfaitement normal que je progresse puisque je suis parti de rien.

– J'ai fini pour aujourd'hui, tu passes chez moi ?

C'est vrai qu'il m'avait proposé de voir les images de son voyage à Paris. Je serais allé dans sa chambre bien plus tôt si je n'avais pas été distrait par les activités de mon roommate.

– Je passe sous la douche et je viens.

Chad réside dans un dortoir qui a été remis entièrement à neuf récemment. À côté, j'ai l'impression de dormir dans un bidonville. Ici, tout est beaucoup plus calme. Si dans le mien c'est la foire jour et nuit, à croire que les sportifs n'étudient pas, là c'est une ambiance studieuse. Et surtout, le dortoir est mixte. Pas totalement, puisque les deux premiers étages sont réservés aux étudiantes et les deux suivant aux étudiants. Mais quand même, on se croise, il y a un certain mélange, c'est un tout autre univers alors que nous sommes sur le même campus.

– Il faut que je retrouve mes photos.

Nous sommes assis côte à côte sur le lit de Chad. Il fouille dans les archives pour me montrer des images de Paris. C'est assez barbant, puisque même si je n'y habite pas je connais la ville. C'est autre chose qui m'intéresse.

– Tu y es allé avec ton petit copain ?

– Oui, celui de l'époque. Maintenant je suis célibataire.

Je comprends parfaitement que ces informations ne me sont pas données au hasard.

– Et ton roommate, il est... ?

– Gay, oui. Tu sais qu'on doit remplir un questionnaire au moment de l'inscription. Sur le campus il y a un bureau en charge de faire coïncider les profils des étudiants.

– Comment ils s'y prennent ?

– Je crois que c'est surtout basé sur l'origine, l'état dans lequel on a grandi. Un Californien et un New-Yorkais ont plus d'atomes crochus qu'un Texan et un habitant du Michigan. Et puis ils se focalisent sur les activités extra scolaires. Deux mecs qui disent jouer au tennis auront au moins un point commun.

– Pour moi c'est raté, je suis avec un Américain qui me parle à peine.

– Parfois ils ne peuvent pas réussir à provoquer la bonne combinaison. Tu peux demander à changer.

– Non, il est plutôt sympa en fait. Mais là, ils ont mis deux gays dans la même chambre, le questionnaire ne demande pas l'orientation sexuelle.

– Pas directement. Mais sur le questionnaire tu dois lister tes cinq films préférés et tes chanteurs favoris.

– Je ne vois pas comment...

– Si un mec cite Madonna et Britney Spears, il y a des chances pour qu'il soit gay.

– C'est quand même assez hasardeux.

– D'après les statistiques, seuls deux pour cent des étudiants demandent à changer de roommate pour cause d'incompatibilité.


Nous avons totalement abandonné l'ordinateur et les photos de Paris, qui n'étaient de toute façon qu'un prétexte.

– Il est bien vu d'être gay sur ce campus ?

– Tu as remarqué qu'il y a un groupe gay.

– Oui, je me demande ce qu'ils font.

– C'est à la fois un club de discussion, pour s'épancher sur les difficultés d'être gay, les insultes dont on est la cible, des choses comme ça. C'est aussi un groupe militant pour la diversité.

– Tu y es inscrit ?

– Non. Je ne cache pas ma sexualité, mais je ne l'affiche pas non plus en permanence. À la salle je coache des sportifs à cent pour cent virils. Ils savent que j'aime les hommes mais ça ne les gêne pas, ils ne voient que le coach, doué pour faire progresser les sportifs.

– Donc c'est comme dans la vraie vie, on peut s'assumer mais pas prendre sa sexualité pour étendard.

– Un campus c'est juste le monde extérieur reproduit et concentré dans un petit espace.

Il me caresse doucement la cuisse.

– Tu n'y vas pas par quatre chemins.

– Ton petit accent me fait craquer.

– T'as envie de te taper un Français.

– Dis comme ça ce n'est pas très glamour, mais oui, tu m'excites.

– Ton roommate rentre bientôt ?

– Nous avons un code. Si je mets ce petit pendentif sur la poignée extérieure de la porte, c'est que j'ai besoin d'intimité.

– Alors va placer le signe.

C'est direct, mais pourquoi se prendre la tête ? J'ai envie de lui, il a envie de moi, on ne va pas passer quinze jours à tourner autour du pot...

RoommateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant