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« Tu n'as pas répondu à ma question. Ça te chatouillait encore ?

On se jaugeait dans le blanc des yeux, couvés par une tension certaine qui me rendait presque fébrile. Ses doigts entremêlés aux miens me maintenaient solidement sur le dos, m'empêchant ainsi de m'extirper de sa poigne. Ce dont, en vérité, je n'avais absolument pas l'intention. Sauf peut-être pour fuir son regard perçant qui semblait lire en moi comme dans un livre ouvert.

- Non c'était assez... »

Il fondit à nouveau sur mes lèvres, et lorsque sa langue taquine eut l'audace de caresser ma lèvre inférieure, c'est moi qui fondis. 

Ma propre bouche s'entrouvrit sans mon autorisation, ce qui facilita la tâche pour la rencontre endiablée de nos deux langues. La sensualité régnait, et je constatais aisément qu'il était très fort au jeu de la provocation. Je fermais les paupières puissamment, assailli par un torrent de sensations dont je ne soupçonnais même pas l'existence. Sa langue jouait merveilleusement bien avec la mienne. J'avais comme l'impression de planer. 

Son souffle légèrement hâté frappait lourdement ma joue, et le mien n'en menait pas large non plus. Je tentai d'extirper mes mains de sa poigne avec l'envie de le toucher, je n'eus pas beaucoup d'efforts à fournir pour qu'il me laisse m'en dégager. Il en profita pour effleurer mon cou de ses doigts, désormais sans entrave tandis que son autre main libre le maintenait en équilibre au-dessus de moi, afin de ne pas m'écraser.

Mais lorsqu'il rompit le baiser, ce fut comme un sceau d'eau glacée. Mon retour sur la Terre ferme me sembla assez brusque. 

Taehyung me lorgnait délicatement, sans une seule parole, mais moi, je ne pus retenir ces mots de franchir la barrière pourtant hermétique de mes lèvres. 

« Pourquoi tu... as arrêté ?

Ma voix anormalement rauque me surprit moi-même, comme si je ne m'y attendais pas. Alors qu'en soit, après ce genre de baiser, c'était plutôt chose banale. 

- Tu voulais que je continue ? 

- N-Non, paniquai-je, avant de me reprendre. Si. 

Un nouvel éclat parsema ses yeux assombris, ainsi qu'un léger sourire vint orner son joli visage aux allures charmeuses. Contre toute attente, il me claqua un bref bisou sur la joue avant de se positionner à mes côtés, sur le lit.

Et rien de plus.

Souhaitant éviter tout quiproquo, je pris mon courage à deux mains en lui demandant des explications.

- Tu es si innocent.

- Détrompe-toi, je ne le suis pas. 

- Dans ce cas, tu devrais pouvoir comprendre par toi-même. » ses lèvres chuchotèrent comme si c'était un secret.

Mes paupières se fermèrent d'elles-mêmes, je ne pus maintenir mes joues à une coloration normale. Mais, j'étais aux anges. Heureux que je ne le repousse finalement pas, que notre baiser ne l'ait pas refroidi. Ça pouvait paraître excessif, mais dans ces instants de doute, quand la tension monte mais qu'on n'a pas encore totalement mis les choses au clair, le besoin d'être de temps à autre rassuré se faisait ressentir.

Mon regard curieux se déposa sur la silhouette de Taehyung, bien trop silencieux à mon goût, qui regardait tristement le plafond. Son air abattu m'interloqua, surtout qu'il semblait si vif quelques minutes auparavant. Enfin, son expression changea du tout au tout lorsqu'il remarqua que je le fixais; il me rendit mon regard, d'une innocence à couper le souffle. 

Néanmoins je n'étais pas dupe, et la raison de ses apparents tourments pouvait paraître évidente à mes yeux. Depuis qu'il m'avait fait tourner en bourrique, qu'il m'avait fait sa déclaration, j'avais appris à observer, à réfléchir avec ce dont mes yeux disposaient. 

J'étais profondément désolé de ne pas parvenir à faire le point sur ce que je ressentais. L'attente et le doute le faisaient souffrir, je le savais. La peur qu'après un moment charnel et de tendresse, je tourne finalement ma veste, en lui soufflant qu'il n'y aura jamais rien de sérieux entre nous. Ou alors, que je sois en période de test, pour finalement lui briser ses potentiels rêves et espoirs. C'était le risque.

Mais, même si je n'étais pas fixé sur mes sentiments, je savais pertinemment que ce scénario ne se produira jamais. Parce que, au fond, moi aussi je partageais cette même peur. Tout à l'heure en constituait la preuve irréfutable; j'avais craint de ne pas lui plaire, de ne pas lui faire d'effets tout compte fait. 

Peut-être que je devrais prendre mes distances, le temps de tout mettre au clair ? Ça éviterait de nous faire souffrir inutilement. Mais d'un autre côté, m'éloigner de lui m'attristait rien qu'en y pensant. C'était assurément égoïste, mais je préférais finalement rester avec lui. Je ne sais pas où ma décision allait nous mener, j'espérais simplement qu'elle ne cause pas trop de grabuges. 

« Tu fais une tête de constipé, souffla-t-il un brin amusé. 

Aussitôt, mes traits se détendirent. Plongé dans mes réflexions, je n'avais même pas fait attention à l'image que je pouvais renvoyer. 

- Pourtant c'est pas le cas.

- Tant mieux alors. »

Je me positionnai sur le flanc, ma tête soutenue par mon avant-bras, prêt à lui faire face, lui et sa gueule d'ange parfaite au possible. Mes doigts s'actionnèrent d'eux-mêmes, ils vinrent doucement caresser ses abdos bien dessinés. Sa peau douce sous mon toucher me fit inconsciemment sourire, et je me fis la réflexion pas si surprenante, que j'aurais bien aimé y déposer mes lèvres, une ou deux fois pour tester. 

Mes pensées obsessionnelles de tout à l'heure avaient fondu comme neige au soleil.  

Je ne pus manquer son air interrogateur, et cela suffit pour que je plonge mon regard dans le sien. Je ne savais pas vraiment quoi lui dire, pour la simple et bonne raison que je n'arrivais pas bien à m'expliquer mes propres actes, mes doigts qui vagabondaient sur son torse dénudé. J'en avais envie, voilà tout. 

Désormais je traçais des petits cercles. J'aimais beaucoup ce moment de douceur, c'était calme et reposant. 

« T'as commencé quand la boxe déjà ? 

- Au collège, en un murmure il répondit. 

- Non sorry, c'était pas la question que je voulais te poser. En fait... Je nichai ma tête dans le creux de son cou, appréciant la chaleur qui s'en dégageait. Pourquoi tu as commencé ? 

Un silence fit suite à mes paroles, durant lequel je me demandais où était le problème. Ou alors, peut-être qu'il réfléchissait à la réponse. Soudain, une légère douleur vint prendre possession de l'arrière de mon crâne, je me prenais trop la tête et ça se répercutait sur mon état physique. Comme si un marteau venait marteler de façon cyclique, mon crâne. C'était peu agréable, je l'admettais, mais je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même. Il fallait que je me détende. Depuis tout à l'heure, je subissais des rebondissements émotionnels, bien trop pour mon petit être.

- Depuis que Chan t'a mis une gifle, ça m'a... marqué. 

J'émis un franc ricanement lorsque cette scène improbable me revint en mémoire. 

- Euh, je ne m'en souvenais même plus. 

- T'avais balancé son sac par la fenêtre de la classe, j'étais là, j'ai tout vu, il sourit narquoisement.

La cause de mon action m'échappait encore, il fallait dire que j'étais un sacré couillon au collège.  

- Ça date, je suis nostalgique. » avouai-je, la voix entrecoupée par quelques tressaillements de rire.

Il ne répondit rien, se contentant de m'entourer de ses bras et de me serrer très fort contre lui. 

Et, ses mots firent soudain échos en moi, intensifiant au passage mon mal de tête. J'étais la raison pour laquelle il avait débuté la boxe. 


⎡Arabesques intimes⎦ ʈkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant