Brusquement, mes paupières s'ouvrirent aux souvenirs inoubliables de la veille. Pétrifié de consternation durant de longues secondes, mes muscles finirent tout de même par se relâcher, je pouvais enfin faire le point sur les événements.
Okay.
On avait échangé des sextos.
Des putains de sextos.
J'étais le genre de personne qui prenait tout à cœur, j'avais toujours peur de m'emballer pour un rien. Et ces messages, j'étais loin de les oublier. J'étais mitigé entre me sentir embarrassé ou me sentir étonnamment léger, presque planant. Je ne regrettais rien, mais la pression était redescendue d'un cran et ma conscience, revenue parfaitement intacte.
Je me redressai, tâtant à la hâte ma table de chevet à la recherche de mon téléphone portable. D'une traite, je relus la conversation d'hier.
Mots sensuels, sous-entendus sournois, pensées ravageuses et propositions audacieuses. Ma température corporelle s'emballait à outrance, je le sentais et ça me faisait flipper. Parce que je perdais le contrôle. J'avais si chaud actuellement. Dire que le matin je n'étais pas branché sexe, là, c'était tout le contraire qui se produisait. Ça ne faisait aucun doute.
Et puis, j'arrivai vers la fin.
"Ah oui et si j'utilisais pas le futur, c'était vraiment pour pas te stresser, tu es totalement libre de tes choix. On s'est échangé des sextos mais si tu ne veux finalement rien faire avec moi, je t'en voudrais archi pas, te mets surtout pas la pression pour ça"
"Je t'aime Kook, et tu pourras toujours compter sur moi pour quoique ce soit"
Mon excitation dégringola en pente rapide, en chute libre, pour finalement laisser place aux larmes salées qui menaçaient à tout moment de couler. Hier soir, alors que les yeux me picotaient de sommeil, je n'avais pas bien réalisé la portée puissante de ses mots. J'enfouis mon visage chamboulé dans ma main libre, tentant vainement de m'apporter un réconfort. C'était un homme en or, je le savais, mais plus les jours passaient et plus je réalisais à quel point j'étais chanceux de le côtoyer dans ma vie. Si prévenant, si protecteur, si couillon et si digne, je le considérais comme une perle rare à laquelle je tenais sincèrement. J'avais du mal à le lui montrer, ayant plutôt tendance à me fondre, à me cacher derrière l'humour et les insultes juvéniles pour lui exprimer ma reconnaissance et mon attachement.
C'était peut-être immature ou totalement absurde, mais j'avais du mal, avec Taehyung.
À l'aide d'un mouchoir, je tapotai consciencieusement mes paupières humides en expirant bruyamment. Ni une ni deux je mis en veille mon téléphone portable. Je comptais m'aérer l'esprit dans une promenade matinale, peut-être pour essayer de me changer les idées. Et dans la foulée, pourquoi pas m'offrir un petit chocolat chaud dans un café de la ville. Il suffit de quelques minutes à peine pour me préparer à sortir. Mon museau fit rapidement la rencontre du frais désagréable de l'hiver, et mes jambes encore engourdies s'engagèrent dans les rues déjà bien empruntées, par les personnes qui se rendaient à leur travail. Ma montre affichait environ neuf heures, je n'avais pas cours aujourd'hui et le rythme de la semaine était sans doute la cause de mon réveil précoce. L'habitude des nuits courtes aussi.
Mes pas me menèrent au petit café que je fréquentais parfois à mes heures perdues. Le personnel y était agréable, le service de qualité, et les prix abordables malgré son emplacement avantageux en plein cœur du centre-ville. Je retins un sourire satisfait en constatant que ma place préférée, dans l'angle de la fenêtre, se révélait inoccupée. Un serveur vint promptement noter le contenu de ma commande et peu de temps après, il m'apporta l'objet de mes désirs. Une petite cuillère à la main, je touillai dans le sens des aiguilles d'une montre le liquide chocolaté, la tête dans la lune. À vrai dire, je repensais encore et encore, inlassablement, aux messages échangés hier soir. Pire, à mes pensées plus personnelles et intimes qui en avaient découlé ensuite, plus tard dans la soirée.
Je m'étais par exemple fait la réflexion que me laisser dominer par Taehyung m'enchantait étonnamment beaucoup. Et pas dominer dans un sens de BDSM extrême, non. Mais plutôt dans un sens où il mènerait la danse, où il s'affirmerait sur moi. Tout comme j'adorerais qu'il me chuchote des mots osés au creux de l'oreille durant des actes de plaisir mutuel.
Presque absent, j'apportai la tasse jusqu'à mes lèvres légèrement gercées par le froid, avalant une première gorgée de ma boisson à la chaleur exquise en cette période hivernale. La porte du café claqua soudainement, me sortant ainsi de mes songes. Machinalement, mon bref regard se porta sur le nouvel arrivant, avant de s'en désintéresser totalement.
Je ne savais plus quoi faire avec Taehyung, comment agir, comment penser. Notre relation m'effrayait autant qu'elle éveillait mon excitation. J'avais l'impression de perdre le contrôle de moi-même, mes réactions s'avéraient de plus en plus inattendues et les moments d'égarement se multipliaient de façon exponentielle. Je pensais trop, beaucoup trop, souvent pour une raison assez futile qui plus est.
Je parvenais même à me demander si je n'étais pas en train de développer des sentiments amoureux à l'égard de Taehyung.
Mais s'il ne m'avait rien dit à propos de ses propres sentiments, me serais-je posé de telles questions pour les miens ?
Et voilà, je recommençais. Je pouvais aisément me promener avec une boîte d'antidouleurs pour maux de tête, au vu des circonstances. Il ne fallait plus que je me tracasse autant, c'était mauvais pour ma tension.
Je désirais Taehyung ardemment, l'idée de le perdre me filait presque la nausée, j'aimais lui parler, le fréquenter, passer du temps en sa compagnie. Ma reconnaissance envers lui était privée de toute limite. Et si c'était elle, qui m'empêchait de le repousser, de couper court à nos moments intimes par crainte de paraître ingrat et qu'il me lâche ? Non, n'importe quoi. Mon comportement paraissait parfois discutable, mon caractère médiocre, mais j'essayais toujours de faire preuve d'un maximum d'honnêteté. Et je savais, au fond de moi, que ma reconnaissance envers lui n'était pas responsable de la tournure de notre relation, de mes nombreux questionnements, de mes réticences et de mes désirs.
Car le seul responsable, c'était moi et moi seul.
L'envie de plus en plus oppressante que je ressentais, de discuter avec lui, de le voir, de le toucher, de le choyer, ne provenait que de moi et de ma propre conscience.
Je ne pouvais plus me cacher derrière ma prétendue reconnaissance. Je ne pouvais plus fuir mes responsabilités.
Taehyung finissait ses partiels en fin de semaine. C'était décidé, dimanche, je l'attendrai à la sortie de son cours de boxe.
« Monsieur, l'addition s'il vous plaît. »
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⎡Arabesques intimes⎦ ʈk
FanfictionQuand Jungkook, étudiant en Art, doit réaliser une peinture sur le thème du nu. Et qu'il demande à son meilleur ami, Taehyung, de poser pour lui.