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Après maintes et maintes protestations, on était finalement parvenus à un accord sur le film qui conviendrait alors à chacun. Ce fut dur, sanguinaire, déchirant, belliqueux, mais le résultat était là. 

Assis l'un à côté de l'autre, on attendait patiemment que les lumières daignent s'éteindre et que l'écran nous fasse grâce de sa sainte illumination, tout en enchaînant les conversations chuchotées. Il me racontait sa péripétie de la veille; un colis commandé deux semaines auparavant, ayant été perdu dans le centre de tri et n'arrivant donc jamais à destination. Situation improbable, surtout compte-tenu du prestige de l'entreprise mondialement connue.

« Tu me files du pop-corn ?

- Nope.

Et comme par réflexe, je resserrais un peu plus le paquet rempli à ras-bord contre mon torse, devant ses prunelles noirâtres presque suppliantes. Je l'entendis râler dans sa barbe. Ni une ni deux, sa main perfide vint brusquement piocher dans mon seau. m'en volant une poignée sans même me laisser le temps de répliquer. Un soupir vaincu m'échappa, avant que je ne me résolve à placer le seau en carton entre nos deux sièges, devant son air agréablement surpris.

- Tu veux bien que j'en prenne alors ? la bouche pleine, il bafouilla.

- Apparemment ma permission n'y change rien.

Mes yeux moqueurs rencontrèrent les siens, avant de s'en détacher pour balayer la salle du regard. Elle était modérément remplie, surtout parce que la comédie bien notée datait déjà du mois dernier. Tant mieux, parce que je n'aimais pas avoir de voisins inconnus au cinéma.

- Faut que j'aille pisser, lâchai-je.

- Vieux avant l'âge !

- Roh, arrête ou j'te pisse dessus.

- Mmh, un sourire en coin narquois fleurit sur ses lèvres, désolé l'uro c'est pas mon délire.

Mon visage se décomposa soudainement, tandis que je commençai à agiter les bras dans tous les sens, paniqué.

- M-Mais moi non plus ! Ne crois pas que-

- Je te taquine Kook, son franc rire me rassura. Allez, va faire ton pipi. »

D'un air las, je levai les yeux au ciel avant de filer en direction de la porte de sortie. Il ne me fallut pas longtemps pour rejoindre les toilettes.

L'épisode de l'autre soir me trottait dans la tête, inlassablement, et davantage encore lorsque je me retrouvais face à lui. Devrais-je lui reparler des sextos ? Ou laisser filer les choses naturellement ? Ces non-dits me stressaient un peu, comment savoir si on était sur la même longueur d'onde ? J'avais envie de lui, sans pour autant être certain d'éprouver de sentiments amoureux. Mais de son côté, c'était le cas. 

Au fond de moi, je souhaitais lui en parler, souhaitais passer à la vitesse supérieure et mettre en pratique tout ce qu'il avait eu l'audace de m'écrire dans l'unique but de me chauffer. Au vu de ses quelques messages, l'idée de pratiquer une certaine activité avec moi sans aucune valeur sûre me concernant, ne semblait pas le repousser tant que ça. Et je n'étais pas un prude, loin de là. J'étais simplement un romantique qui ne voulait pas désacraliser l'acte sexuel. Mais, pourtant, m'imaginer en train de le faire avec Taehyung me faisait un effet fou. Un tel effet que ça aurait pu suffire à mettre en lumière l'évidence de la situation.

Les traits crispés, je pesais les pour et les contre. Mes pensées s'embrouillaient, me faisant même douter de leur cohérence et connexion logique entre elles. Il n'était pas n'importe qui à mes yeux. J'avais peur qu'il en sorte blessé, que notre supposée amitié, ou ce qu'il en reste, s'en trouve fragilisée. 

Notre lien ne pouvait pas se briser, n'est-ce pas ? Je comptais pour lui. Il comptait pour moi. Et notre solide attachement ne datait pas d'hier. Il m'a prouvé à maintes reprises quelle bonne personne il était pour moi, et réciproquement. On se connaissait sur le bout des doigts. Je lui faisais aveuglément confiance, j'espérais que ce soit aussi le cas pour lui. Bienveillance, appui psychologique, aide et soutien, enquiquinements. C'est ce qui nous animait depuis des années. Comment toutes ces merveilleuses facettes pourraient s'effondrer du jour au lendemain ?

Appuyé contre le rebord du lavabo, je contemplais mon reflet dans le miroir des toilettes. Ce soir, après le cinéma, j'allais m'émanciper de mes multiples craintes infondées. J'allais faire avancer les choses, en lui montrant mon affection plus qu'amicale. Je crois que j'étais enfin prêt à briser ma propre carapace. 

Après m'être convenablement savonné les mains, je rejoignis la salle de diffusion. 

« Finito el pipi.

Je déposai mon auguste postérieur sur le siège, à ses côtés, au dernier rang de la salle. Mes traits s'assombrirent aussitôt que j'aperçus avec douleur mon seau de pop-corn, désormais, sans pop-corn. 

- Surprise ! 

Avec fierté, il brandit un nouveau seau quant à lui bien rempli. Cette fois, je ne pus retenir un petit cri euphorique.  

- Je vais perdre mes abdos si ça continue, me désespérai-je en piochant allègrement une grande poignée. Et ma virilité à crier comme ça. 

Taehyung afficha une moue malicieuse, si bien que je me demandais quel mauvais coup il me concoctait encore.

- Tu sors ta connerie ou tu préfères attendre encore un peu ?

- J'espère que t'auras pas trop peur pendant le film, tu risquerais de te coller à moi.

Un bref moment de silence, durant lequel je sentis mon cœur palpiter lourdement. Ses mots, même revêtus d'une lueur moqueuse, faisaient agréablement écho en moi. Inconsciemment, j'avais même arrêté de mastiquer les sucreries soufflées. 

- T'aimerais hein... murmurai-je, sentant que l'atmosphère se métamorphosait peu à peu. Mais je te rassure, je ne pense pas que cette comédie puérile puisse m'effrayer.

- Dommage. » sa voix fluette crut bon de répondre.  

La conversation s'acheva sur cette dernière note, alors que les lumières de la salle s'éteignirent enfin. Depuis que j'étais sorti des toilettes, je me sentais plus léger, comme libéré d'un poids.

Le film était à présent bien entamé. Les répliques s'avéraient être bien trouvées, assez pour nous soutirer quelques petits rires. 

Je sursautai presque lorsque sa paume se déposa sur ma cuisse. Sujet d'un élan de courage, j'attrapai fermement sa main dans la mienne, les laissant toujours reposer sur ma cuisse. Hors de question de le laisser tout diriger, tout entreprendre. Moi aussi, je voulais participer. La chaleur qui émanait de lui m'était très agréable, si bien que, timidement, je me blottis légèrement contre lui.

***

Hey ! La suite est déjà écrite, elle arrive ce soir :)

⎡Arabesques intimes⎦ ʈkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant