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Son pouce droit entreprit de tendres mouvements sur le rebondi de ma joue. Ses orbes ne quittaient plus les miens, ils n'étaient visiblement pas décidés à les lâcher. Et moi, j'étais comme pétrifié. Pétrifié par sa délicatesse, par ses yeux envoûtants, par son autre main libre que je sentais naviguer avec convoitise dans ma chevelure, m'effleurant la nuque du bout des doigts de temps à autres. Je me laissai bercer sous ses petites caresses, me répétant maintes et maintes fois combien je ne voudrais être nulle part ailleurs en cet instant.

Le silence nous englobait d'une manière étonnamment très équivoque, mais je n'y faisais plus réellement attention. Mes lèvres s'entrouvrirent timidement, souhaitant laisser filer quelques mots hasardeux, néanmoins je me ravisai. Car je ne savais pas quoi dire. Je ne savais pas quoi faire. Tout était si... agréable, mais aussi dangereusement inhabituel et nouveau.

Si j'étais fixé sur ses sentiments, je l'étais bien moins sur les miens.

Même si ce constat constituait le cadet de nos soucis à l'heure actuelle, je réalisai que les pizzas devaient avoir refroidi depuis le temps. De toute façon, le dîner semblait être interrompu. Mon problème majeur, là, maintenant, était de résister psychologiquement à ses orbes qui me fixaient comme si j'étais la plus belle merveille du monde, me rendant un peu plus muet encore.

Ma salive resta coincée dans ma gorge, et lorsque ses lèvres rencontrèrent mielleusement ma joue, mes pensées obsessionnelles fondirent comme neige au soleil.

De voluptueux chatouillements prirent forme, au fur et à mesure que Taehyung traçait sa route jusqu'à mon oreille.

« Ça fait tellement du bien, de pouvoir te contempler sans être obligé de m'en cacher.

Je tentai de balbutier quelque chose, d'une voix loin d'être intelligible, et le résultat en fut tout simplement pitoyable. C'était vain. Car j'avais été bien loin d'anticiper ce qu'il venait de me murmurer, ainsi que la légère pigmentation de mes pommettes traîtresses. Mon corps entier se crispa, et je parierais gros qu'il s'en soit rendu compte.

Il écarta son visage du mien, laissant retomber ses bras le long de son corps. Son coude se déposa sans détour sur l'un des accoudoirs du canapé et le creux de sa main vint épouser son crâne, en guise de soutien.

Un léger sourire, loin de me laisser indemne, s'aventura à déformer ses croissants de chair.

- Tu es tellement beau, Kook.

À la fois bienveillant et heureux. C'était comme une libération.

Je ne tins plus et admis secrètement ma défaite; je détournai le regard.

- Faut bien que je rattrape ta mocheté, bougonnai-je tout bas, peu sûr de moi.

J'eus la puissante envie de l'insulter pour me défouler, cependant il me coupa bien vite dans mon élan intempestif.

- Tu ne changeras jamais, ducon.

- Tae ?

- Mmh ? un de ses sourcils s'arqua.

- Tu veux pas me... Je pris une grande inspiration, quelque peu fragmentée. Enfin, tu vois, me...

Je grimaçai de frustration, ne parvenant pas à exprimer l'objet de ma demande.

- Houlà, son rire esthétique combla l'entre-quatre murs, désolé mais sucer le premier soir n'entre pas dans mes habitudes.

- Oooh... Mais toi, je vais t'émasculer !

Je grimpai à califourchon sur ses cuisses, avant qu'un sentiment de panique ne me heurte et ne me fasse revenir à ma place initiale.

On allait... se retrouver dans une position...

- Voyez-vous ça, voilà qu'il joue au petit timide maintenant ! Susurra le châtain, en me pinçant le nez sans aucune douceur.

Un couinement plaintif m'échappa, et avec lui, le reste de mon embarras naissant. Il avait réussi à me détendre, en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire.

- J'vais me doucher.

Mes quadriceps s'actionnèrent avec force, je me levai d'un bond du canapé et commençai à rallier la salle de bain, sans oublier d'empoigner mon sac à dos au passage.

Ma demande attendra plus tard.

- Pense à ma facture d'eau, ne reste pas trois plombes sous la douche comme t'en as l'habitude.

- Bien sûr que non, pour qui me prends-tu ? »

Je n'attendis pas plus avant de m'évaporer dans son appartement.

***

« JEON ! SORS DE CETTE DOUCHE !

- Nope.

- JE CROIS AVOIR MAL ENTENDU ? DEVRAIS-JE RENTRER POUR M'EN ASSURER ?

- AAAAAH ! NON NON PARDON.

Ni une ni deux, je manquai de glisser en coupant net le jet d'eau. J'avais paniqué car je n'avais pas fermé la porte de la salle de bain. Et pour cause. En sixième, je suis resté coincé dans les toilettes du collège durant toute une après-midi, faute d'une dégradation du verrou. Depuis, ma relation avec les portes s'avère extrêmement méfiante.

D'un franc mouvement, le rideau s'ouvrit et j'enjambai le rebord de la douche, dans l'ultime quête d'atteindre la serviette qui m'était réservée. J'essuyai soigneusement mon corps humide, et après m'être vêtu d'un simple boxer et d'un jogging, je me décidai enfin à quitter la salle de bain.

Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je tombai nez à nez avec un Taehyung, nonchalamment adossé contre la porte fermée de sa chambre. Ma main libre se posa avec fébrilité sur le haut de mon poitrail, tentant éperdument de calmer les battements effrénés de mon cœur. Mon aîné m'a fait peur, vraiment peur.

Ses orbes me fusillaient de manière peu conviviale, j'étais mitigé entre ricaner ou prendre mes jambes à mon cou pour m'enfuir, tant qu'il en était encore temps.

- Cinquante-sept minutes. Sa langue claqua durement contre son palet tandis que ses sourcils se froncèrent davantage. À l'écologie, tu y songes parfois ? Et à mon porte-monnaie ?

Je jetai presque mon sac à terre, et vins me blottir contre son torse accueillant.

- Tae... Tu m'as tellement manqué, miaulai-je avec hypocrisie.

- Il y a de quoi. Cinquante-sept minutes, il répéta. Et écarte-toi de moi, je ne suis pas une peluche.

- Mais si, tu es mon gros nounours d'amour que je vais serrer tout fort toute la nuit.

Taehyung marqua un temps d'arrêt prolongé, commençant à me jauger silencieusement. Je reculai de quelques pas, confus.

- Quoi ? m'enquis-je.

- On dort ensemble ?

- Hein ? réitérai-je seulement pour la forme, ne comprenant pas trop ce qu'il se passe.

- Maintenant que tu en parles, oui, il faudrait qu'on dorme ensemble. C'est très dommage. Un soupir las fila entre ses lèvres, me scrutant d'un air coupable. Une des lattes du canapé-lit tire la tronche.

Son air chagriné ne me fit ni chaud ni froid, tant il puait la sournoiserie.

- Tu le savais avant même de m'inviter, pour la latte ! » je le pointai d'un doigt accusateur, coupant court à son petit jeu d'acteur dramatique.

Son visage se radoucit, et pour l'énième fois de la soirée, un sourire mi-charmeur, mi-amusé, vint éclaircir son beau visage.


⎡Arabesques intimes⎦ ʈkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant