L'aube finissait de poindre à l'horizon rosé lorsque le le monstre releva la tête. Ses grands yeux d'argents dans lesquels se reflétait l'enfant du nouveau jour fixaient l'alentour avec tant d'insistance tandis que doucement semblaient se résorber les tâches de peau rouge qui encombraient son corps, ne laissant de ce signe qu'un brouillard carmin tout au bout de son menton. Un geai solitaire sifflait au loin accompagné d'une douce odeur de gibier, du sang, son sang. Vite, la bête-humaine s'élança dans le brouillard matinal, les ronces griffaient ses jambes et ses bras en de minces, mais cuisantes estafilades qui disparaissaient aussitôt. Soudain, la route apparut derrière un bouquet de fougère et la créature se trouva seule, abandonnée sur le chemin des hommes qu'elle pensait avoir trop oublié. Elle. Où était-elle ? La chose avait beau écarter ses fines paupières pour dévoiler au monde ses pupilles de blé et tourner à droite, puis à gauche sa tête broussailleuse, aucun signe, même le plus petit de sa présence. Pourtant elle la sentait, la fillette rêvée dont les maigres souvenirs peu à peu s'évaporaient. Elle était là, il en était sûr, mais où ? De longues secondes défilèrent ainsi, la joue collée au noir goudron, l'oreille tendue et l'esprit vif, comme paré à bondir, tel un tigre affamé, sur le prédateur ultime qui semblait se cacher. Enfin, un mugissement terrible résonna des profondeur de la brume et une sombre machine s'éleva d'entre les nuages. Kate. L'hésitation n'avait plus place, plus rapide que la foudre, le monstre sauta sur sa proie. La haine lançait de son regard de terrifiants éclairs alors qu'il s'écrasait avec force sur le pare-choc. Derrière la vitre fendue, le chauffeur ouvrit une bouche béante de surprise avant d'écraser de son pied la pédale du frein. Les pneus de la voiture crissaient sur le sol graveleux dans un bruit de tonnerre et la chaleur qui en ressortait demeurait intense. Plus déterminé que jamais, la créature continuait de frapper de sa paume la paroi de cristal dure, malgré les minuscules éclat tranchant qui s'y enfonçaient un peu plus à chaque instant. Oh ! Quelle épouvantable scène ! Heureusement, l'effrayant vacarme finit par cesser et l'engin roulant s'immobilisa tant bien que mal sur le côté de la route. Sauvés ? Comme animée d'une force nouvelle, la langue rose de Shadow jouait sur l'émaille de ses dents avec une vivacité terrifiante quand son cœur, lui, battait avec effroi. Le reconnaîtrait-on sans elle ? À qui Kate attribuait-elle autant d'importance, à l'humain ? Ou au symbiote ? Avec la perversion fidèle au serpent, le doute s'insinuait lentement en son sein et une peur, froide et panique qu'il n'avait alors jamais ressenti s'empara de tout son être. Il fallut sans doute à l'équipage quelques minutes pour absorber le choc car ce ne fut qu'après ce qui parut au monstre des années de patience qu'une portière claqua.
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Symbiose
ActionLe destin est parfois cruel, il déchire, recoud pour briser encore. Rien ne peut y échapper, l'avenir est un empereur de vie et de mort auquel il devient impossible de se détacher. L'amitié fera t'elle exception ? Ou pliera t'elle sous le poids de l...