Chapitre 5 (Kate) : La faim

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Le cours touchait à sa faim tandis que l'estomac de la jeune fille grondait à n'en plus finir. C'était horrible, l'on aurait dit que chacune de ses entrailles ses déchiraient les unes entre les autres, se tordaient et s'étiraient comme pour former en son sein un monstrueux nœud de néant et de sang. À son bureau, Madame Descartes, une belle femme noire dont les yeux vifs et pétillants portaient avec délice son léger accent, déclamait encore et encore le défilé des rois et des tyrans qui parsemaient de paix et de combats la bien triste histoire de la France. Trente secondes... Vingt... Et puis la mort, et puis la vie, et puis l'exode, et puis le vide. Un afflux, une vague, des têtes par milliers qui déferlent en cascade par la porte d'entrée. Kate se releva, de petits points de lumière dansaient sans cesse devant ses yeux au même rythme que la foule qui s'en allait, sans plus se soucier d'elle. Doucement, l'adolescente chancela, tantôt appuyée sur une chaise, tantôt cramponnée à un mur, elle sentait vivement s'enfuir de son corps le peu de vitalité qui lui restait. Elle avait faim, terriblement faim, une faim horrible qui l'assaillait, dévorait tout en elle, jusqu'au plus profond de son âme. Comment étais-ce possible ? Ne s'était-elle pas, le matin même, amplement empli la pense de mets indélicats ? Combien en avait-elle mangé déjà ? Cinq ? Six de ces brioches sucrées ? Alors pourquoi souffrait elle tant ? La collégienne s'affecta, un genoux contre le sol tandis que son regard brumeux fixais la poignée grise, qui scintillait, comme pour se moquer, à un mètre à peine, mais qui, hélas, demeurait inaccessible. Et voilà, c'était fini, les élèves reviendraient dans deux heures de là et retrouveraient son reste, un pauvre petit lambeau de chair abattu sur le sol et rongé de l'intérieur par un venin mystérieux dont elle seul connaitrait à jamais l'existence... Ah ! Quelle misère que cette vie ! 

-Pourquoi tu me fais ça ? sanglota la jeune fille. 

Elle pleurait la pauvrette ! De grosses larmes perlaient le long de ses cils et dévalaient en torrent ses joues délicates, jadis au teint de rose.

-Pourquoi ? continuait-elle, Qu'est-ce que tu veux de plus ?

-MANGER, gronda la créature.

-Je t'ai déjà nourri...

-ENCORE.

Mais elle ne répondit pas, à la place, elle se courba davantage, telle le faible serf devant son divin seigneur. Il n'y avait plus de larmes, juste de maigres soubresauts qui couraient tout le bas de son dos courbé duquel semblaient saillir chacun des minuscules os de son squelette.

-J'AI FAIM, répéta la créature, TOUT DE SUITE !

-L'adolescente n'en pouvais plus, Oui, obéit-elle, on y va. On y va, vite !

-Bien.

Kate essuya son visage, de longues estafilades striaient maintenant ses joues de rouge et son ventre gémissait, inlassablement. Oui, elle se soumettait lâchement, elle cédait trop vite à ce monstre des ténèbres, mais en même temps, que faire d'autre ?


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