Chapitre 1

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 Je longe le canal, l'oreille tendue, à l'affût du moindre bruit. Le bruissement des feuilles, le murmure de l'eau et les cris d'animaux se mêlent pour former une symphonie sauvage à laquelle je suis désormais habituée. Mais aujourd'hui, un détail dissonant me met en alerte : des murmures humains, à peine perceptibles, qui se rapprochent.

Je m'arrête net et me dissimule derrière un arbre imposant, le cœur battant. Je tends l'oreille. Des voix basses, une langue familière. Le Trigedasleng. Des natifs. Combien sont-ils ? Cinq, peut-être six, d'après les pas. Ils avancent tranquillement, sans se méfier, ce qui me rassure légèrement. S'ils étaient des éclaireurs ou en chasse, ils seraient beaucoup plus silencieux.

Je prends une grande inspiration et décide de sortir de ma cachette. Pas la peine de fuir. Si ce sont des alliés, ils pourraient m'aider. Si ce ne sont pas des amis... je sais me défendre. Je sors lentement, une main sur le pommeau de mon épée, l'autre levée en signe de paix.

Un groupe de cinq individus apparaît entre les arbres. Ils portent les vêtements typiques des natifs : cuir, fourrures, colliers faits de dents et de plumes. Deux d'entre eux tiennent des lances, un autre un arc. L'un d'eux, une femme à la stature imposante, s'arrête en premier et lève la main pour signaler aux autres de faire de même.

Ste yuj? (Qui es-tu ?) demande-t-elle d'une voix grave et méfiante.

Je m'avance d'un pas, montrant mes mains pour prouver que je ne suis pas une menace.

Moba op. (Je ne cherche pas de conflit.) Répondis-je en Trigedasleng, calmement.

Son regard s'attarde sur moi, inspectant mes vêtements usés, mes cheveux tressés à la manière des natifs, les tatouages discrets qui marquent mes bras. Elle plisse les yeux, semblant hésiter.

Taim yu bilaik ? (D'où viens-tu ?)

Je pointe derrière moi, vers la forêt.

De steda au teina. (Je vis dans la forêt.)

Un murmure traverse le groupe. Je remarque que l'un d'eux, un jeune homme, fronce les sourcils en me fixant. Ses yeux brillent d'une curiosité mal dissimulée.

Kom Skaikru? (Tu viens du peuple du ciel ?) Demande-t-il brusquement.

Je serre les dents. Cette question revient toujours, et elle me met mal à l'aise. Je décide d'être franche, mais concise.

Ai nou Skaikru. Ai laik natfou. (Je ne suis pas du peuple du ciel. Je suis une native.)

La femme, qui semble être leur chef, hoche lentement la tête. Elle échange un regard avec les autres, puis s'avance d'un pas.

Chit raun hir raun emo? (Que fais-tu ici, seule ?)

Je prends une grande inspiration.

Ai souk in Lincoln. Emon daun kom ai. Ai kamp raun op ste vouta emo. (Je cherche Lincoln. Il a disparu. J'ai installé un campement non loin d'ici pour le retrouver.)

À l'évocation de Lincoln, son visage change légèrement. Une lueur de reconnaissance passe dans ses yeux, mais elle se garde de l'exprimer trop ouvertement.

Yu gonplei nou ste odon. (Ta quête n'est pas facile.)

Je hoche la tête, reconnaissante qu'elle ne me rejette pas immédiatement.

Yu laik in, oso wamplei op. (Tu peux rester, mais nous devons discuter davantage.)

Je relâche un peu ma garde, même si je reste vigilante. Ces natifs pourraient être des alliés ou une complication supplémentaire. Mais si je veux retrouver Lincoln, je dois prendre des risques.

The 100 - TrikovaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant