Chapitre 19 - L'auteur

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John sentit le vent glisser sur son visage. Les feuilles chatouillaient ses bras. Les rayons du soleil réchauffaient sa peau. C'était très agréable. Il n'avait pas envie d'ouvrir les yeux, se lever. La paresse lui plaisait. Puis il se souvint de cet horrible cauchemar et se leva d'un bon.

Autour de lui, un champ de rose. Des roses rouges, à perte de vue. Devant lui se dressait une tour, une tour infinie, torsadée, noire s'élevant dans le ciel, au-delà des nuages déjà élevés. Il sentait les forces en présence, des forces énormes qui semblaient maintenir l'univers tout entier.

— Céline aurait adoré cet endroit.

Un homme était présent (apparu ?) au pied de cette tour qui semblait s'être rapprochée de lui. L'homme était grand. Ses longs cheveux blonds étaient attachés en catogan et dévoilait une barbe broussailleuse. Ses lunettes étaient rondes et son regard, bleu, dévisageait celui de John. Il portait un t-shirt d'ado, ces t-shirts un peu fun mais engagés, jamais mis par hasard.

— C'est assez déstabilisant de te voir de mes yeux, John.

— Qui êtes-vous ?

— Ici ? Je suis... toi. Je suis ces roses, ces nuages, ce vent, ces forces, cette tour. Je suis dieu en somme. Bon, je dois bien t'avouer que sur ce coup-là, je n'ai rien créé. J'ai tout pris de mon auteur favori. Stephen King. Tu connais ?

— Oui bien sûr, mais quel est le rapport ? Comment suis-je arrivé ?

— La Tour Sombre cher ami, la Tour Sombre ! C'est un peu la source de l'imaginaire de Stephen King. Un univers comprenant notre monde et bien d'autres. Maxime Chattam a son Edgecombe, Lovecraft sa Providence et moi et bien j'ai Maidenhead.

— Vous connaissez Maidenhead ?

— Bien sûr que je connais ! C'est mon chez moi le plus intime. Nous sommes très intimes, mon cher John. C'est pour cela que tu m'intimides ! On ne se connait comme personne ! Nous ressentons les mêmes choses, nous sortons les mêmes idioties. La vie est une pièce de théâtre et je suis désolé pour la qualité de ton texte, je ne suis qu'un auteur amateur. Allez viens, suis-moi !

L'homme mystérieux ouvrit la porte de la tour et invita John à entrer. Il ne se fit pas prier et s'engouffra dans le bâtiment. A l'intérieur, une immense pièce toute de bois vêtus apparut, une immense bibliothèque éclairée à la lueur de bougies qui dansaient sur les rayons. Des chiffres étaient notés sur la tranche des livres, des dates, des lieux, des titres. Il reconnut, en traversant la pièce, de nombreux auteurs comme Asimov, Nothomb, Verne, Crichton, Thilliez...

— Tiens, installe-toi là, je t'en prie, déclara l'homme en lui montrant un canapé. Un thé ? Café ? Jus de fruit ?

— Euh non, ça ira merci. Vous ne m'avez pas répondu, comment suis-je arrivé ici ?

L'homme se dirigea vers une petite échelle permettant de grimper dans les rayons, il en sortit un énorme manuscrit qu'il posa sur la petite table située devant John.

— Regarde, je t'en prie.

John ouvrit le livre, simplement titré « 04.06.19 » et découvrit un album photo. Un album qui concernait un voyage scolaire en Angleterre, un terrible écho à SON voyage scolaire.

— Qu'est-ce que ?

— Voilà comment vous êtes arrivés ici, cher John. Tout est parti de là. Une discussion entre des élèves et leur professeur de SVT, la découverte d'une application nommée « Wattpad » et le reste a suivi.

— Je ne comprends pas.

— J'aurais dû te faire plus intelligent. Vous n'existez pas. Céline, Clara, Aaron, Ambre... Ne sont que des personnages fictifs pour moi. Je précise bien que cela est valable pour moi, pas pour toi. Pour toi, ce sont tes élèves, collègues et amante, précisa l'homme en lui faisant un clin d'œil. Vous me devez cette nuit d'amour mais vous me devez aussi l'horreur que vous avez vécu et, crois-moi, ce n'est rien par rapport à ce que peuvent vivre tes élèves. Je préfère torturer les ados, c'est plus amusant, d'autant que cette histoire et surtout lue par des ados, mes anciens élèves de troisièmes, même s'ils (elles) ne sont plus très nombreuses à la suivre. Bref je m'égare.

— Je rêve c'est ça ?

— Habituellement, je ne m'embête pas à discuter avec mes personnages. C'est déstabilisant pour toi mais il va falloir t'accrocher car le reste de l'histoire risque d'être plus difficile à comprendre mais il est très important que tu m'écoutes ! Il en va de la survie de l'humanité.

— Rien que ça ? Bon allez, réveille-toi John !

— John ! Tu as amené, à Maidenhead, une personne spéciale. C'est une de tes élèves, Céline. Elle possède une sorte de... pouvoir. Un pouvoir créatif. Dans le monde de l'imaginaire, on appelle cela une « créa ». Les « Créas » sont très rares et, bien souvent, les auteurs évitent de sortir ce genre de personnage de leur monde pour les glisser dans leurs histoires. A vrai dire, je ne pensais pas qu'une « créa » pouvait être présente dans votre bus. Son personnage me plaisait et j'en ai fait le personnage principal de l'histoire. Je suis allé trop loin. Et maintenant, il n'y a que toi pour me sauver, pour nous sauver.

— Attendez. Céline ? En quoi est-ce un danger ? C'est, certes, une gothique en pleine crise à l'imaginaire et la culture débordante, mais elle n'égorge pas de petits chiots pour invoquer la fin du monde, plaisanta John.

— C'est plus complexe que cela. Maidenhead, abrite des monstres. Vos élèves ont fait la connaissance de certains personnages... sanguinaires dirai-je. Cela n'est pas problématique car, tu sais, l'imaginaire est un peu comme un couloir infini doté de nombreuses portes. Ces portes renferment notre folie la plus intime et plus on s'aventure dans ce couloir, plus il est difficile d'en revenir. Certains s'y sont perdus, tu le sais bien, Lovecraft en tête, ne pouvant plus faire la différence entre imaginaire et réalité. Mais là n'est pas la question. Chaque auteur possède les clés de ses portes et s'empressent bien souvent de les refermer après sa séance d'écriture. Ainsi, l'horreur reste enfermée. Le problème, c'est Céline. C'est une clé. Elle est capable, de par sa force créative, d'ouvrir cette porte. Peut-être est-ce elle qui vous a amené ici ? se demanda l'homme en montrant son cerveau.

— Vous voulez dire que, ces monstres dans votre tête, vont sortir à cause de Céline ?

— On peut résumer cela comme ça. Imagine une horde de cannibale, de vampire, de tueurs en série libérés dans les mondes, mon monde, le tiens car tu as ton monde aussi, différent du mien. Imagine un monde où l'horreur se déverse : c'est le monde que veulent ces monstres. Ils ont déjà compris qui était Céline. Mis. Lambinac, une brute cannibale l'a deviné et a déjà prévenu les autres tortionnaires de votre vie à Maidenhead. Je ne maîtrise plus rien John. Autant ta vie, je la maitrise, autant celle de Céline est imprévisible. Elle est actuellement bloquée dans une armoire, encerclée par ce Mis. Lambinac et bien pire encore mais je ne sais pas quel sera l'issue de cette rencontre. S'ils mettent la main dessus, c'est la fin. Un espoir réside seulement dans les événements qui se sont passés à quelques pas de l'hôtel de ville, mais cela ne va pas te plaire. J'espère juste que Céline est responsable de l'accident.

— Vous m'avez paumé, c'est officiel.

— John. Tu vas repartir à Maidenhead, dans les bras de ta chère et tendre. Tu vas sortir de l'hôtel de ville et suivre les hurlements. Ce sont ceux de Aaron. Vous allez devoir vous rassembler et vaincre, vaincre ces monstres. La fin de l'histoire est proche, je le sais, c'est le dernier effort que je te demande, sauve-nous.

— Mais comment ?

— Suis mes instructions, j'écris vos aventures je te rappelle. Fais juste le bon choix au bon moment. Je te rappelle que je ne maîtrise plus le personnage de Céline, c'est la seule incertitude, celle qui pourrait tout faire basculer. Je t'ai tout dit. Je ne te dirais pas que le temps presse, car ici, le temps n'existe pas et à Maidenhead, le temps est relatif, mais je t'ai tout dit, John. La porte est là-bas.

L'homme tendit le doigt vers la porte d'entrée qui donnait, non plus vers un champ de rose, mais une salle chauffée par une grande cheminée. Il se leva, abasourdit par cet échange et se dirigea vers la porte. Il ne se retourna juste avant de prendre le passage.

— Au fait, créateur, comment vous appelez-vous ?

— Jonathan, Jonathan Pachurka. Bonne chance John, je te promets de finir tout ça très vite. Ceci est le dix-neuvième chapitre de ton histoire, ,publié un 19 février, et je dois dire que pour un fan de King, tomber sur le 19 de la sorte est un signe. Un signe que le kâ est avec nous.

John se retourna, sans même un signe pour son dieu, et passa la porte.

Maiden[d]eadOù les histoires vivent. Découvrez maintenant