— Are you shy John ?
— Yes, but just in English"Bien installé autour d'une table à déguster de bonnes lasagnes, rien de mieux qu'une petite blague pour détendre l'atmosphère. John ne se sentait pas particulièrement à l'aise. Il faut dire qu'être entouré de professeures d'anglais, n'aident pas à faire vibrer ses cordes vocales sous des sonorités britanniques. D'un côté, la peur d'être jugé et de l'autre, la facilité de profiter du "savoir parler" de ses collègues. John était l'un de ces types assez discret qui profitait des facilités qui s'offraient à lui.
L'arrivée à Maidenhead s'était faite sans encombres. Après un passage à Londres à faire le tour des grands classiques comme le Millénium Bridge, la cathédrale St Paul ou encore le Tate Modern, les élèves avaient été repartis dans les familles d'accueil. John avait ressenti une satisfaction toute particulière à cet instant. Il ne s'agissait pas seulement de soulagement face à l'abandon (sentiment que John a étrangement vécu, mais les sentiments ne s'expliquent pas n'est ce pas ?) de ses élèves mais aussi de l'amusement qu'il a partagé avec l'imaginaire adolescent. Pour faire plus simple, les jeunes n'étaient pas rassurés et John, en bon prof qu'il était, n'a pas hésité à... Ne pas les rassurer.
John voyait ce voyage comme un moment de vie réelle. Loin du cocon familial, l'un des premiers lâchés prises d'une jeunesse qui a besoin de s'évader. Et l'évasion est souvent synonyme d'obstacles qu'il faut surmonter. Le bonheur n'en est que plus grand à la sortie.
— What sort of sciences do you teach John ?
Isabella, son hôte était une vraie pipelette. Toujours prête à mettre à l'épreuve John face aux obstacles de la langue de Shakespeare. Du haut de ses 60 ans passés, elle arborait sans cesse un sourire qui s'accordait parfaitement à la blancheur de la moquette british. John était admiratif de la propreté de cette moquette et il frissonnait d'horreur à l'idée d'y voir son chien Dobby (qui lui manquait déjà terriblement) y couler un petit bronze pas très consistant (il avait quelques petits problèmes intestinaux depuis sa naissance).
— Biology and Geology" répondit John sur le principe du "moins de mots, moins d'erreurs.
— Oh Nice ! I love Geology !" s'exclama José (prononcé Rosé s'accordant cette fois ci parfaitement avec le goût pour le vin du monsieur, et avec son haleine, accessoirement). José était tout aussi âgé que sa femme mais avec le dos bien plus courbé et la langue bien moins pendue. La force tranquille du couple assurant une longévité dans la stabilité de la balance de l'amour.José et Isabella, comme leurs prénoms de l'indiquent pas, étaient d'origine Irish (à cette information, la petite musique de Michel Sardou se mit sur le tourne disque cérébral de John, vous l'avez aussi ?). Peut être arboraient-ils une chevelure rousse typique avant de passer à la tignasse blanche (raccord moquette, toujours) qu'ils présentaient aujourd'hui sur leur crâne. Heureusement pour John, l'accent était bien "British" et la compréhension ne posait pas trop de problèmes.
Tous ces efforts n'étaient pas vains car, en fin de repas, Isabella leur apporta un saladier de Trifle tout droit sorti du frigo. Sous cette chaleur, c'est un cadeau de Dieu et John voulait bien y croire après cette journée cauchemardesque.
— It's fresh ! lança John qui sortait sa première phrase, autre qu'une réponse, de la soirée.
Fruits rouges et crème fouettée dans le bol (attention à la moquette) furent dévorés en quelques minutes dans un silence divin (à la gloire de la déesse Isabella).
— Do you want à cup of tea ?" demanda leur hôte. John avait envie de répondre "Brian is in the Kitchen" pour être raccord côté cliché mais se suffit d'un "Yes, thank you, with a cloud of Milk".
Allongé dans son lit, il repensa à ce moment passé devant la télévision, une tasse à la main, à faire semblant de comprendre l'intérêt de faire une émission sur un chauffeur de taxi qui a été filmé durant 50 ans (ou alors il refusait d'accepter de ne rien comprendre de ce qui sortait de cette maudite télévision anglaise).
Le cours de ses pensées fut stoppé net lorsque le téléphone de la maison sonna. Il entendit les pas lourds de José sur la moquette des escaliers et l'ouverture des portes des chambres voisines.
Audrey, Ambre et Marie étaient déjà dans le couloir lorsque John sortit de sa chambre. Il eut juste le temps de voir ses collègues autour du téléphone, le visage horrifié par une nouvelle qu'elles ne pouvaient entendre. Le téléphone tomba sans qu'aucune de ses collègues ne puissent le rattraper au vol. Il en fut de même pour Marie, qui s'effondra sur la moquette blanche, qui, en cet instant précis, paraissait rouge aux yeux de John. Rouge de sang.
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Maiden[d]ead
HorreurLe voyage sanglant d'un groupe de collégiens qui se réjouissaient de passer 4 jours au Royaume Uni. Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant exi...